Paris, France — Dans le traitement du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) avec mutation du récepteur à l’EGF (EGFR), l’ajout en première intention d’une chimiothérapie (pemetrexed et cisplatine ou carboplatine) à l’osimertinib (Tagrisso®, AstraZeneca), un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de dernière génération, offre une meilleure survie sans progression comparativement à l’osimertinib seul, selon l’essai de phase 3 FLAURA2. Les résultats ont été publiés dans le NEJM[1].
Avec ce type de tumeur, « on sait qu’il faut taper vite et fort pour éviter que se développent des résistances et que la tumeur devienne plus difficile à contrôler », a souligné auprès de Medscape édition française le Pr David Planchard (Institut Gustave Roussy, Paris), auteur principal de l’étude. D’où l’idée de traiter d’emblée avec l’osimertinib et la chimiothérapie habituellement utilisée en deuxième ligne dans cette indication.
Disparition des métastases cérébrales
Alors que l’essai précédent FLAURA a montré la supériorité de l’osimertinib sur les ITK habituels (erlotinib ou gefitnib), en terme de survie sans progression et de survie globale, FLAURA 2 rapporte de meilleurs résultats du moins sur la survie sans progression, le taux de patients toujours en vie à deux ans sans progression de la maladie étant de 57% avec la combinaison de traitement, contre 41% avec l’osimertinib seul.
En couplant les deux thérapies, « le bénéfice en terme de survie sans progression est supérieur à ce qui est attendu en utilisant d’abord l’osimertinib, puis la chimiothérapie », précise le cancérologue. Dans l’étude, « l’ajout de la chimiothérapie améliore la survie sans progression de près de dix mois », alors que le gain est de 5 à 6 mois en l’utilisant après l’osimertinib.
Le bénéfice de cette stratégie thérapeutique apparait particulièrement important en cas de métastases cérébrales, fréquentes chez ces patients présentant un CBNPC muté EGFR. L’étude montre en effet qu’avec le traitement, « le risque de progression de ces métastases est réduit de 60% », a précisé le Pr Planchard. Dans presque la moitié des cas, les métastases cérébrales ont disparu.
L’osimertinib est un inhibiteur de tyrosine kinase de troisième génération qui, sur la base des résultats de l’essai précédent FLAURA, a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en monothérapie dans le traitement de première ligne des patients adultes atteints d'un CBNPC localement avancé ou métastatique avec mutations activatrices EGFR.
Les mutations du récepteur à l’EGF sont retrouvées en occident chez environ 15% des patients atteints d’un cancer des poumons de type CBNPC et 35% dans les pays asiatiques. Dans la moitié des cas, la résistance aux ITK est liée au développement de la mutation T790M qui réduit l’accrochage des ITK anti-EGFR de première ou deuxième génération.
Hausse de 38% de la survie sans progression
« L’osimertinib est désormais le traitements standard des patients avec un CBNPC présentant une mutation EGFR. Etant spécifique des récepteurs mutés et donc ultrasélectif, il est beaucoup mieux toléré que les autres inhibiteurs de tyrosine kinase », a commenté le Pr Planchard. Le médicament a aussi l’avantage de mieux pénétrer dans le cerveau pour atteindre les métastases.
Dans l’essai précédent FLAURA, dont les résultats sur la survie globale ont été présentés en 2019, les patients avec un CBNPC muté ont été randomisés entre l’osimertinib seul et le traitement standard qui s’appuyait à l’époque sur des ITK d’ancienne génération (erlotinib ou gefitnib). La survie sans progression s’est améliorée de 54% sous osimertinib, tandis que la survie globale a augmenté de 20% (38,6 mois sous osimertinib vs 31,8 mois sous ITK plus ancien).
Cette fois, dans FLAURA2, l’association avec une chimiothérapie donne de meilleurs résultats, du moins en terme de survie sans progression, celle-ci étant de 57% à deux ans, contre 41% avec l’osimertinib seul. Il reste désormais à connaitre l’impact sur la survie globale pour valider ce traitement. Les résultats sont attendus pour 2025, a précisé l’oncologue.
L'essai randomisé de phase 3 a inclus 557 patients atteints d’un CBNPC localement avancé ou métastatique avec une mutation L858R ou de type 19. Parmi eux, 41% avaient des métastases cérébrales. Les patients ont été randomisés pour recevoir l’osimertinib (80 mg/jour) avec une chimiothérapie à base de platine (pemetrexed et cisplatine ou carboplatine en intraveineuse toutes les trois semaines) ou le traitement standard par l’osimertinib seul (80 mg/jour).
Après un suivi de deux ans, les résultats montrent une médiane de survie sans progression respectivement de 25,5 mois et 16,7 mois, soit une hausse de 38% de la survie sans progression sous l’osimertinib lorsqu’il est associé à la chimiothérapie par rapport à l’osimertinib seul (HR=0.62; IC à 95%; P<0.001).
A réserver à certains patients?
L’analyse de sous-groupe montre une efficacité similaire selon le type de mutation ou la présence ou non de métastase. Ainsi, la médiane de survie sans progression est respectivement de 27,9 mois contre 19,4 mois chez les patients avec mutation de type 19 et de 27,6 mois contre 21 mois chez les patients avec un CBNPC métastatique.
En revanche, la combinaison de traitement est moins bien tolérée. Les effets indésirables de grade 3 ont été plus élevés dans le groupe osimertinib/chimiothérapie avec un taux de 64% comparé à 27 % dans le bras osimertinib seul. Une toxicité hématologique est rapportée dans 71% des cas, contre 24% sous osimertinib.
Compte tenu de ce profil de tolérance moins favorable et de la contrainte que représente l’administration en intraveineuse de la chimiothérapie par rapport à la prise de l’osimertinib par voie orale, cette approche associant les deux thérapies pourrait être réservée à certains profils de patients, comme ceux présentant des métastases cérébrales, estime le Pr Planchard.
Selon le chercheur, « il n’est peut-être pas nécessaire d’ajouter la chimiothérapie pour tous les patients ». Des travaux complémentaires sont prévus par l’équipe pour identifier, en s’aidant de biomarqueurs, les patients qui répondent le mieux à la combinaison de traitement, ce qui justifierait la chimiothérapie, a-t-il indiqué.
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Citer cet article: CBNPC EGFR muté: l’osimertinib fait encore mieux lorsqu’il est couplé à la chimiothérapie - Medscape - 20 nov 2023.
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