Paris, France—Ce 15 novembre, le tribunal correctionnel de Paris rendait enfin son verdict dans le procès de trois professeurs de médecine - Alain Simon, Éric Thervet et Michel Desnos - de la directrice d'hôpital Anne Costa, et de l'Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP), accusés de harcèlement moral à l'encontre du Pr Jean-Louis Mégnien, lequel a mis fin à ses jours le 17 décembre 2015 en se défénestrant de son bureau de l’HEGP.
Ensemble des prévenus condamnés
L'ensemble des prévenus ont été condamnés : Alain Simon – ancien président de CME et ancien chef de service de médecine préventive cardiovasculaire -écope d'une peine de huit mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende, Michel Desnos – chef de pôle au moment des faits - est condamné à 5000 euros d'amende, Éric Thervet – ex chef du département hypertension artérielle, affections rénales et cardiovasculaires - à quatre mois de sursis et 5000 euros d'amende, Anne Costa, directrice d’hôpital, à huit mois de sursis et 10 000 euros d'amende, tandis que l'AP-HP est condamnée à 50 000 euros d'amende.
La procureure avait requis en juillet dernier un an d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende contre le Pr Alain Simon, huit mois de sursis, 10 000 euros d'amende et une interdiction de trois ans d'exercice contre Anne Costa, 5 mois de prison avec sursis et 5000 euros d'amende contre Éric Thervet, ainsi que deux mois de sursis et 3000 euros d'amende contre Michel Desnos. Le parquet avait aussi demandé 50 000 euros d'amende contre l'AP-HP. Force est de constater que la présidente du tribunal a suivi les réquisitions du parquet, tout en évitant de condamner Anne Costa à une interdiction d'exercice pendant trois ans, une peine que le tribunal a jugé disproportionnée.
Harcèlement caractérisé
Pour le tribunal de Paris, le professeur Jean-Louis Mégnien a bel et bien été harcelé, ce qui l'a conduit à se suicider. Cinq types de com3ortement ont permis au tribunal de caractériser le harcèlement subi par le cardiologue qui a mis fin à ses jours. Jean-Louis Mégnien a été volontairement isolé, « évincé des réunions de travail et des moments de convivialité », « déconsidéré auprès de ses collègues et de ses patients, ses ordonnanciers ayant notamment été modifiés et son activité médicale transférée de manière forcée au deuxième étage ».
Il a par ailleurs été « poussé à la faute, puis écarté ». Le tribunal a aussi constaté que Jean-Louis Mégnien a accumulé les arrêts maladie entre 2013 et 2015, en lien avec la décision de délocaliser son bureau hors du septième étage où se trouvait son service.
Poussé à la faute, puis écarté
Dans le détail, Anne Costa a été accusée d'avoir organisé la délocalisation du bureau de Jean-Louis Mégnien, ce qui a été vécu par le principal intéressé comme une sanction déguisée. Elle n'a pas non plus tenu compte des alertes suicidaires qu'elle avait reçues de Jean-Louis Mégnien ou de proches de l'ancien cardiologue, tout en persistant dans sa décision de l'écarter de son service. Par son comportement et ses décisions, elle emporte aussi la responsabilité morale de l'AP-HP qui l'employait, ce qui justifie la condamnation de l'établissement de santé.
Pour le tribunal, le Pr Alain Simon a tenu « des propos visant à discréditer » Jean-Louis Mégnien, encouragé la délocalisation du cardiologue et contribué à l'isoler en le privant de contact humain. Éric Thervet a pour sa part persisté à « imposer une décision de délocalisation, dont la pertinence s'imposait d’autant moins que l'état apparent du Pr Jean-Louis Mégnien ne cessait de se dégrader à raison du caractère de plus en plus irréversible de la décision de délocalisation de ses activités », établit le tribunal. Michel Desnos, qui était à l'époque des faits chef de pôle, ne s'est pas non plus opposé à cette délocalisation, même s'il a cherché à « atténuer les effets de l'entreprise de mise à l'écart ».
Appel de l’AP-HP
Le verdict était à peine tombé que l'AP-HP via un communiqué de presse annonçait qu'elle avait interjeter appel. « l’AP-HP considère qu’en aucune manière l’établissement et la directrice de l’hôpital européen Georges Pompidou de l’époque n’ont, en cherchant à mettre fin à un long conflit au sein d’une équipe médicale de cet hôpital, organisé ni laissé s’organiser un processus de harcèlement moral qui aurait conduit au suicide du Pr Jean-Louis MEGNIEN en décembre 2015 ».
Satisfaction de la veuve Mégnien
Pour la veuve du professeur décédé, Sophie Mégnien, cette « décision est très importante, elle pourra conforter d’autres personnes en souffrance au sein de l’hôpital public. C'est le début d'une prise de conscience ».
« Le tribunal a pris l’exacte mesure de la gravité des faits » et souligné « le caractère collectif du harcèlement qui impliquait toute une ligne hiérarchique jusqu’à la personne morale », a réagi auprès de l’AFP Christelle Mazza, avocate de la famille du professeur. « C’est un signe fort envoyé au monde médical et à l’institution hospitalière. »
Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Suicide de Jean-Louis Mégnien : trois médecins, une directrice et l'AP-HP condamnés - Medscape - 20 nov 2023.
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