Convention médicale : les négociations repartent sur de nouvelles bases

Christophe Gattuso

17 novembre 2023

Paris, France Les négociations entre l’Assurance maladie et les médecins libéraux ont repris mercredi 15 novembre avec l’objectif de conclure une nouvelle convention médicale au début de l’année 2024. Le patron de la Cnam s’est dit « prêt à aller plus loin » dans les revalorisations tarifaires mais attend des praticiens des contreparties sur la pertinence et la qualité des soins.

Une première reunion pour poser des jalons

On prend les mêmes et on recommence. Un peu moins d’un an après le retentissant échec de la précédente séquence qui avait abouti à un règlement arbitral, l’Assurance maladie et les six syndicats de médecins libéraux représentatifs (CSMF, MG France, FMF, SML, Avenir Spé-Le Bloc et l’UFML-S) se sont retrouvés, mercredi 15 novembre, au siège de la Cnam, avec l’objectif de conclure un accord sur la prochaine convention, texte qui régira leurs relations pendant les cinq prochaines années.

Aucun coup de gueule ou de claquement de porte n’a marqué cette première séance plénière de 3h30. Celle-ci aura permis de discourir de la méthode, des axes prioritaires de discussion et de poser les jalons des prochaines réunions – environ une vingtaine en incluant les groupes de travail – jusqu’à la conclusion des négociations programmée à la fin du mois de janvier.

On reprend les mêmes mais on ne recommence pas de la même façon. Les pouvoirs publics se sont employés, ces dernières semaines, à assurer aux syndicats de médecins libéraux leur intention de reprendre réellement le dialogue sans imposer de contraintes insurmontables. L’an dernier, dans un contexte tendu, la Cnam avait proposé d’assortir la hausse du C de 25 à 30 euros à un contrat d’engagement territorial (CET), par lequel les médecins se seraient engagés à recevoir plus de patients.

Changement de ton et de méthode

Quelques semaines après son arrivée, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau avait adressé un message d’apaisement aux médecins. « A l’heure où notre pays fait face à une pression extrêmement forte sur les professionnels de santé, où le travail quotidien des médecins est parfois marqué par une perte de sens et la volonté de retrouver le temps nécessaire pour le soin, il nous semble nécessaire que les médecins libéraux aient la possibilité de réinventer leur métier », écrivait–il dans la lettre de cadrage adressée au directeur général de la Cnam.

Aurélien Rousseau appelait à une plus grande « transparence et des priorités resserrées ». Message reçu. L’assurance-maladie a proposé une « nouvelle méthode ». Plusieurs mesures ont été annoncées par la Cnam pour reprendre le « dialogue dans un climat constructif et apaisé ». Elle s’engage à jouer cartes sur table en partageant aux partenaires au moins 48 heures avant la séance les ordres du jour et les supports des séances. L’assurance maladie mettra en ligne ces supports sur ameli.fr et assure qu’elle partagera « dès que possible les éléments d’impact, notamment financier, des propositions ». Les syndicats de médecins sont invités de leur côté à fournir leurs propositions en amont des séances et à respecter la confidentialité des échanges.

L’assurance-maladie a proposé une « nouvelle méthode »

L’accès aux soins, un enjeu prioritaire

Conformément à la lettre de cadrage du ministre de la Santé, ce nouveau cycle de négociation a quatre objectifs principaux. A l’heure où 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, l’amélioration de l’accès aux soins demeure une priorité absolue. Et si elle n’impose pas d’emblée d’objectif d’augmentation de la file active des médecins, la Cnam souhaite optimiser l’organisation des soins. Elle ambitionne à la fois de « consolider le rôle de médecin traitant » et « structurer des équipes de spécialistes pour assurer partout une prise en charge adaptée ».

Mais l’objectif n°1 présenté aux médecins, mercredi, était « l’attractivité de la médecine libérale ». Si aucun montant n’est avancé, la revalorisation de la consultation des généralistes est inscrite noir sur blanc – pour aller au-delà des 26,50 euros du règlement arbitral entré en vigueur le 1er novembre – de même que les consultations de second recours et d’expertise des autres spécialistes.

La Cnam se dit prête à augmenter le forfait médecin traitant en tenant compte de la complexité du patient et du temps consacré à son suivi et elle veut corriger les écarts de rémunérations entre spécialités médicales. Les rémunérations forfaitaires devraient être simplifiées et la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), décriée par la profession, être « refondue ».

 

La Cnam se dit prête à augmenter le forfait médecin traitant en tenant compte de la complexité du patient et du temps consacré à son suivi.

Vers dix programmes de pertinence

Le document d’une quinzaine de pages présenté mercredi ne comprend aucune mesure ou presque susceptible de fâcher les médecins. Un dernier item laisse cependant augurer de possibles frictions : l’amélioration de la qualité et de la pertinence des soins. Si elle ne précise pas exactement aujourd’hui de quoi il retourne, l’Assurance maladie souligne qu’elle entend optimiser la « pertinence des prescriptions » et s’assurer de la juste prescription des produits de santé, des arrêts de travail, des transports sanitaires et des soins ambulatoires (infirmières, kinés…). Elle souhaite par ailleurs « corriger les atypies de pratiques » et lutter contre les fraudes. Il y a quelques semaines, la Cnam avait indiqué que plus des deux tiers des fraudes (sur la base du montant) émanaient des professionnels de santé.

Le point dur des semaines à venir portera sur les attentes de l’Assurance maladie autour de la pertinence. Le sujet sur la table dès le 23 novembre lors d’un groupe de travail spécifique. La Cnam souhaite s’accorder avec les médecins sur une « dizaine de programmes de pertinence », avec des objectifs précis, en s’appuyant sur des référentiels scientifiques. « Il existe des marges de manœuvre sur les prescriptions de médicaments et l’imagerie, estime le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France. On doit pouvoir trouver un accord sur le volume mais attention, notre boussole doit toujours être d’apporter les bons soins aux patients sans les rationner ! »

Il existe des marges de manœuvre sur les prescriptions de médicaments et l’imagerie  Dr Jean-Christophe Nogrette

Une enveloppe financière indéterminée

Si cette première séance s’est déroulée sereinement, l’issue des négociations dépendra à la fois de l’investissement consenti par les pouvoirs publics dans cette convention et de l’équilibre trouvé avec les médecins sur les contreparties demandées. A la sortie de cette reprise, les syndicats de médecins semblaient dans l’ensemble satisfaits. « Les échanges se sont déroulés de façon plus œcuménique, résume le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes CSMF. La méthode semble meilleure mais la question est de savoir si l’Assurance maladie aura les moyens de tout financer. »

Le calendrier annoncé d’une fin des échanges le 25 janvier semble ambitieux. Le ministre de la Santé a reconnu que la nouvelle négociation s’annonce « longue et difficile ». « Si nous augmentons le tarif remboursé, en contrepartie il faut des engagements des médecins », a prévenu Aurélien Rousseau, mardi, sur Sud Radio.

 

La méthode semble meilleure mais la question est de savoir si l’Assurance maladie aura les moyens de tout financer  Dr Luc Duquesnel

 

 

 

 

 

Crédit de Une : Dreamstime

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