France – L’Académie nationale s’inquiète d’une future pénurie de cardiologues interventionnels : à ce jour, le remplacement des départs en retraite de cardiologues interventionnels n’est pas assuré par ceux qui sont en formation et l’attractivité de la cardiologie interventionnelle auprès des jeunes générations décroit. D’où six recommandations pour pallier le manque.
Jusqu’ici, tout va bien
« La désocclusion coronaire par angioplastie est un des facteurs déterminants dans la diminution spectaculaire de la mortalité des syndromes coronaires aigus dans les 30 dernières années : le registre français FAST-MI rapporte une mortalité à six mois des syndromes coronaires aigues avec sus-décalage du segment ST de 17,2% en 1995 à 5,3% en 2015 », écrivent les auteurs du rapport (voir noms du groupe de travail en encadré). Actuellement, le maillage du territoire national est satisfaisant permettant le transport des patients vers un centre de cardiologie interventionnelle en moins d’une heure à tout moment dans 95% des cas. Par conséquent, nul besoin de centre supplémentaire sachant que la France compte 212 centres d’angioplastie (207 en métropole).
25% des 1093 cardiologues interventionnels ont plus de 60 ans
Néanmoins, si 1093 cardiologues interventionnels exercent à l’heure actuelle, 38% ont plus de 55 ans et 25% (273) plus de 60 ans (voir graphique ci-dessous). « Cette configuration démographique entrainera une pénurie importante dans 5 ans si le relais n’est pas assuré au moment de leur départ en retraite », estiment les rapporteurs.
En se basant sur une enquête du Groupe Athérome Coronaire et Cardiologie Interventionnelle (GACI) de la Société Française de Cardiologie demandant l’année de départ en retraite des cardiologues interventionnels français – autour de 65 ans dans les établissements privés, et entre 65 et 70 ans dans les établissements publics –, il faudrait former 273 cardiologues interventionnels dans les 5 prochaines années pour remplacer les départs en retraite soit plus de 50 par an, tout en sachant que la cardiologie interventionnelle n’est pas une spécialité reconnue par le conseil de l’ordre des médecins et il n’y a pas pour l’instant de conditions d’exercice pour travailler comme cardiologue interventionnel.

Comment se former à la cardiologie interventionnelle ?
Le décret régissant l’activité de cardiologie interventionnelle stipule qu’un acte interventionnel sous imagerie médicale en cardiologie ne peut être réalisé, y compris en urgence qu’avec la participation d’au moins un médecin justifiant d’une formation attestée dans la pratique d’actes interventionnels, sans préciser le type de formation. Jusqu’en 2021, la seule formation organisée en France était le diplôme interuniversitaire de cardiologie interventionnelle, qui propose une formation en deux ans. Depuis 2019, des enseignements de troisième année ont été ouverts aux titulaires du DIU de cardiologie interventionnelle (Université de Lille).
Autre option : suivre une formation à la cardiologie interventionnelle de deux ans après un internat de « cardiologie générale ». Cette formation a lieu après le passage de la thèse de médecine, et les médecins sont alors désignés comme « docteur junior ».
Cette dernière voie pâtit néanmoins d’un manque d’attractivité : « en 2021, sur les 46 postes mis au choix en France, il n’y avait que 29 inscrits. En 2022 un rattrapage a eu lieu avec 44 postes choisis, mais la situation reste incertaine pour 2023 », indique le rapport. Autre facteur responsable de la désaffection des internes : la lourdeur des astreintes de cardiologie interventionnelle et leur conséquence sur l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
Démographie en berne
Par ailleurs, on s’attend à une baisse générale des effectifs des cardiologues, aussi bien libéraux qu’hospitaliers et affectant toutes les surspécialités de la profession de cardiologue. On comptait 6319 cardiologues actifs réguliers au 1er janvier 2022 versus 6388 au 1 er janvier 2021, soit une baisse de 69 cardiologues en un an.
A noter, que les femmes représentant 29% des cardiologues au total, avec une représentation accrue chez les moins de 45 ans (43%) – une féminisation bien bienvenue mais qui impacte particulièrement la cardiologie interventionnelle en raison de « l’impossibilité de travailler en salle de coronarographie dès qu’un test de grossesse est positif, en raison de l’exposition aux rayons ionisants ». Ce dernier argument est toutefois largement contestable si l'on s'en réfère à cette étude de la Dre Stéphane Manzo -Silberman, elle-même cardiologue interventionnelle.
Enfin, les rapporteurs signalent que la répartition des cardiologues est inégale sur le territoire et cette inégalité va se renforcer. Ils notent, par ailleurs, que la répartition des cardiologues est incohérente par rapport aux besoins de la population : à titre d’exemple, les 60 ans et plus représentent 40% de la population dans le Lot et la Creuse, mais la densité des cardiologues n’y est respectivement que de 9 et 7 cardiologues pour 100 000 habitants de cette tranche d’âge. Enfin, les délais de consultation de cardiologie sont trop longs : il faut compter 65,5 jours de délai moyen d’accès à un cardiologue en France.
Six recommandations
Face à ces constats et pour assurer dans l’avenir la prise en charge des urgences coronaires par angioplastie transluminale coronaire, l’Académie émet les recommandations suivantes :
Adapter le nombre de cardiologues en formation par le troisième cycle des études médicales (« docteur junior ») au nombre de départs en retraite et aux modifications de pratique médicale ;
Assouplir les modalités de choix des lieux de stage ;
Créer une commission d’équivalence pour reconnaître les formations en cardiologie interventionnelle obtenues en dehors du troisième cycle des études médicales ;
Développer les passerelles : en clair, permettre aux cardiologues diplômés en exercice qui voudrait s’orienter vers la cardiologie interventionnelle de suivre une formation théorique du DES et de faire valider des stages pratiques par le conseil pédagogique national ;
Rendre plus attractif l’exercice de la cardiologie interventionnelle, c'est à dire assouplissement des astreintes, revalorisation du statut de PH, délégation des taches vers des infirmières de pratique avancée, etc ;
Engager une réflexion avec tous les acteurs impliqués dans la prise en charge des urgences coronaires, par exemple, encourager les collaborations entre établissements, et les collaborations avec la médecine préhospitalière. « La prise en charge post-hospitalière des urgences coronaires nécessite une coordination entre cardiologues hospitaliers, cardiologues de ville et médecins généralistes », rappellent les rapporteurs.
Le groupe de travail « Urgences coronaires traités par angioplastie coronaire en France : le présent et l’avenir » est à l’origine de ce rapport. Les membres de ce groupe de travail sont : Pr Christian Spaulding, Pr Michel Komajda, Pr Michel Desnos, Pr Martine Gilard, Pr Pierre Carli, Pr Guillaume Cayla, Dr Frank Albert. Le rapporteur est le Pr Christian Spaulding. Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en relation avec le contenu de ce rapport.
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Citer cet article: Cardiologues interventionnels : les propositions de l’Académie de médecine pour pallier la pénurie à venir - Medscape - 21 nov 2023.
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