Le nombre d’IVG pratiquées en 2022 à son plus haut niveau depuis 1990

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

3 octobre 2023

France –En 2022, les interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont fortement augmenté, avec des disparités régionales importantes, et près de 80 % ont été réalisées par la méthode médicamenteuse, d’après le rapport annuel de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) qui fait un état des lieux des IVG en France[1].

Le nombre d'IVG, l'âge des femmes et leur département de résidence mais aussi le terme de la grossesse, la méthode utilisée pour réaliser l'IVG et la structure de santé impliquée sont documentés dans ce rapport.

7 000 IVG de plus par rapport à 2019

234 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG), dont 218 400 en métropole, ont été enregistrées pour 2022, après une baisse constatée en 2020 et 2021 attribuée à la pandémie.

Le nombre d’IVG en 2022 est plus important que celui d’avant la pandémie, avec environ 7 000 interruptions pratiquées en plus par rapport à 2019. Il est même à son niveau le plus haut depuis 1990 avec 16,2 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans.

Les taux de recours à l’IVG les plus élevés s’observent chez les femmes âgées de 20 à 30 ans : 26,9 ‰ parmi les 20-24 ans et 28,6 ‰ parmi les 25-29 ans, contre 16,2 ‰ parmi les 18-19 ans et 17,8‰ parmi les femmes de 35 à 39 ans.

Peut-on expliquer cette augmentation par l'allongement du recours ?

Depuis mars 2022, une femme enceinte peut décider d’interrompre sa grossesse avant la fin de la 14e semaine de grossesse, soit jusqu’à 15 SA + 6 jours. L'augmentation de l'allongement du recours dont le délai légal était fixé auparavant à la fin de la 12e semaine de grossesse explique-t-elle cette hausse ?

« Les 17 000 IVG de plus qu’en 2021 ne peuvent pas s’expliquer uniquement par l’allongement de deux semaines du délai légal de recours : ces IVG dites tardives, pratiquées après 13 SA, représentent moins d’un cinquième du surplus observé », répondent Annick Vilain et Jeanne Fresson, autrices du rapport.

D'ailleurs, 78 % des IVG en 2022 (contre 68 % en 2019 et 31 % en 2000) ont été réalisées avec la méthode médicamenteuse, ce qui signifie qu'il s'agissait de grossesses d'au maximum neuf semaines d’aménorrhée (SA). Les autrices du rapport n'avancent pas d'autres explications dans leur rapport, excepté pour la Guyane (voir ci-dessous).

 
Les 17 000 IVG de plus qu’en 2021 ne peuvent pas s’expliquer uniquement par l’allongement de deux semaines du délai légal de recours : ces IVG dites tardives, pratiquées après 13 SA, représentent moins d’un cinquième du surplus observé. Annick Vilain et Jeanne Fresson
 

Des changements de pratique

Le rapport indique que plus d’une IVG sur trois a été réalisée en dehors de l’hôpital en 2022. Ceci reflète les évolutions de la pratique. Il faut se souvenir qu'à partir de 2005, la pratique des IVG médicamenteuses a été autorisée en cabinet de ville, puis en centre de santé et centre de santé sexuelle. En 2022, 38 % des IVG se sont faites hors établissement de santé, en particulier dans les cabinets libéraux. Les praticiens mobilisés en cabinet de ville sont des sages-femmes (34 %), des médecins généralistes (32 %) ou des gynécologues (34 %).

Quant au recours à la téléconsultation pour une IVG médicamenteuse autorisé lors du premier confinement de 2020, il a perduré après la crise sanitaire (lire IVG médicamenteuse : désormais possible après téléconsultation).

Autre évolution liée à la pandémie : pour les IVG réalisées en cabinet de ville, l’allongement du délai de sept à neuf SA é été autorisé́ en mars 2020 puis pérennisé́ par la loi du 2 mars 2022 (Lire IVG médicamenteuse : la HAS pérennise le délai de 9 semaines et précise le protocole). Autre simplification du parcours : depuis 2021, les femmes souhaitant interrompre leur grossesse n'ont plus à avancer les frais des examens et des interventions qui coûtent plusieurs centaines d'euros.

Des disparités régionales

Les autrices constatent que les écarts perdurent entre les régions de France métropolitaine et les DROM : les taux de recours vont de 11,6 ‰ en Pays de la Loire à 22,6 ‰ en Provence-Alpes-Côte d’Azur, et de 21,0 ‰ à Mayotte à 48,7 ‰ en Guyane. Dans ce territoire français d'Amérique du Sud, les grossesses précoces sont plus fréquentes, il y a plus de méfiance par rapport à la contraception et il est probable qu’une part non négligeable des IVG concernent des femmes non résidentes, soulignent-elles.

En métropole, les taux de recours à l’IVG ont augmenté dans toutes les régions, mais on observe aussi une disparité, l'Ile-de-France (18,1 ‰) et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (22,5 ‰)   sont les régions où les femmes ont le plus recours à l'IVG.

Constitutionalisation de l'IVG :  la CNCDH se prononce pour

Promesse d'Emmanuel Macron faite le 8 mars dernier à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, la constitutionalisation du droit à l'IVG n'a pas avancé. Or la régression de ce droit en Europe – Hongrie, Pologne, Italie – et aux Etats-Unis avec la cassation de l'arrêt Roe vs Rade en 2022 démontre la nécessité de le protéger, expliquent ses défenseurs. D'autant qu'en France les mouvements anti-IVG sont de plus en plus mobilisés. L’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, et non plus dans une seule loi ordinaire, compliquerait toute tentative du législateur d’y porter gravement atteinte, voire de le supprimer.

Le 28 septembre dernier, journée internationale pour le droit à l’avortement, la Commission consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) a publié un avis relatif à la constitutionnalisation de l’IVG[2]. La CNCDH considère qu'il est « essentiel de renforcer le cadre juridique existant pour que jamais le droit à l'IVG ne soit remis en cause en France ».  Aussi elle recommande  « d’inscrire le droit à interrompre sa grossesse dans la Constitution française sans délai », en utilisant « une formulation consacrant et garantissant le droit à interrompre volontairement sa grossesse pour toute personne le souhaitant », que cette inscription fasse partie de l’article 1er de la Constitution.

D'après un sondage Ifop de juillet 2022, 81% des Français sont favorables à la constitutionalisation du droit à l'IVG.

 

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