France — C'est dans une permanence de SOS médecins à Paris, suivie d'une visite dans un service de psychiatrie à Versailles, qu'Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée aux professionnels de santé, accompagnée d'Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, ont annoncé le plan tant attendu pour la sécurité des professionnels de santé.
En effet, en début de semaine, le Dr Jean-François Cibien, président de l'intersyndicale Action praticien hôpital (APH), nous faisait part de son impatience, et pensait que ce plan allait rester lettre morte. Que nenni !
Après la remise d’un premier rapport en juin dernier, rédigé par le Dr Jean-Christophe Masseron, président de SOS médecins, et Nathalie Nion, cadre supérieure de santé à l'AP-HP, le ministère de la santé a planché tout cet été pour édifier son plan contre les violences en 42 mesures.
18 768 signalements
Un plan qui s'avère nécessaire, sinon indispensable, au vu du nombre d'agressions signalées : selon l'observatoire nationale des violences en santé (ONVS), 18 768 signalements ont été enregistrées en 2022, qui touchent dans 45% des cas les infirmiers.
Quels sont les principaux déclencheurs de ces actes de violence contre les soignants ? Dans un cas sur deux (53%), il s'agit d'un reproche « relatif à la prise en charge », d'un refus de soins dans 17,1% des cas, et d'un temps d'attente jugé excessif pour 10,2% des signalements.
Ce sont majoritairement dans les services de psychiatrie qu'ont lieu ces incidents (22,9%), suivis par les services d'urgence (13%), puis les USLD/Ehpad (10,8%).
Paradoxe : alors que les questions de sécurité deviennent de plus en plus préoccupantes, seulement un établissement sur deux « a équipé ses accueils de vitrage » alors que les personnels d'accueil sont parmi les plus exposés. Aussi deux tiers des établissements n'ont toujours pas conclus de convention santé-sécurité-justice avec la police ou la gendarmerie.
Partant de ces constats, le plan de lutte contre les violences en santé s'articule en trois points, qui vont crescendo : sensibiliser le public et former les soignants ; prévenir les violences et sécuriser l'exercice des professionnels ; enfin déclarer les agressions, accompagner les victimes.
Communiquer, informer, former
Sensibiliser et former, avant de sanctionner : ce semble être la philosophie de ce plan d'action. À ce titre, Agnès Firmin Le Bodo a annoncé l'organisation d'une campagne nationale de sensibilisation du grand public à ce fléau que sont les violences faites aux soignants.
Dans un deuxième temps, le gouvernement propose de former tous les acteurs de santé, de l'hôtesse d'accueil jusqu'à l'infirmier en passant par le médecin.
Pour les médecins proprement dits, il est question d'adjoindre en sixième année de médecine un module sur la gestion de l'agressivité.
Pour les professionnels libéraux en activité, des formations continues, dans le cadre du développement professionnel continu, doivent être promues, en collaboration avec les Ordres et les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Au-delà des personnels médicaux et soignants, cet effort de formation doit aussi s'appliquer aux directeurs d'hôpital et au personnel administratif.
Prévention
Le deuxième axe proposé par le plan d'actions d'Agnès Firmin le Bodo, est axé sur la prévention.
« De la conception des bâtiments à l’aménagement intérieur des espaces d’accueil ou de soin, il existe des méthodes efficaces pour instaurer une distance entre les professionnels et certains visiteurs véhéments, pour garantir des échappatoires en cas de problèmes ou pour empêcher le public d’accéder à certains espaces. Cela vaut pour les établissements de santé comme pour les structures de ville », explique le ministère de la Santé.
Pour ce faire, le gouvernement va s'appuyer sur des financements issus du Ségur de l'investissement, ainsi que sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).
Penser à la sécurité des soignants doit devenir un réflexe tant en matière d'accréditation des établissements de santé, que de conception des cahiers des charges de construction d'établissements de soins, ou encore de pose de caméras de surveillance aux alentours des hôpitaux et cabinets ou centres de santé.
Pour les professionnels de santé isolés, le gouvernement a retenu une proposition du rapport Masseron/Nion, à savoir les équiper de dispositifs d'alerte (bracelets, boutons cachés...) financés par les CPTS et les agences régionales de santé (ARS).
Sanction, accompagnement
Enfin troisième axe : la sanction et l'accompagnement des personnels agressés.
Le gouvernement propose la création d'un délit d'outrage sur les professionnels de santé, et de rendre plus systématique la réponse pénale en cas d'agressions. Le ministère de la Santé demande aussi que les peines pour agressions contre des hospitaliers soient aggravées.
Comme dit plus haut, les conventions santé sécurité justice ne sont pas encore mises en place de manière systématique dans les établissements de santé. À cette fin, le ministère de la santé propose de repenser le pilotage de pareilles conventions : « Pour cela, dans chaque département les préfets et les procureurs, en partenariat avec les directeurs généraux des ARS, seront chargés d’animer une réunion de l’État-major de sécurité consacrée à la question de la sécurité des soignants, en y associant tous les acteurs du territoires concernés (établissements signataires de convention, représentants des conseils départementaux ou régionaux des ordres, etc.). »
Afin d'accompagner les hospitaliers qui portent plainte, la tutelle rappelle que l'établissement peut leur apporter une protection fonctionnelle, soit une prise en charge par l’établissement des frais de justice, et qu'il serait de bon aloi de le rappeler à leurs agents.
Le ministère approfondit cette notion, en demandant que les établissements puissent dorénavant porter plainte en lieu et place de l'agent agressé.
À moyen terme, après le dépôt de plainte, il est aussi conseiller de communiquer sur les dispositifs de soutien psychologique mis à la disposition des soignants.
« Ces thèmes seront inscrits à l’agenda du dialogue social que conduira le Ministère de la Santé et de la Prévention avec les Ordres et les représentants des professionnels de santé au cours des prochains mois », signale le ministère de la Santé, en guise de calendrier d'application de ces mesures.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: 42 mesures contre les violences faites aux professionnels de santé - Medscape - 2 oct 2023.
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