Pourquoi vacciner les 2-17 ans sans comorbidités contre la grippe

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

2 octobre 2023

France — Le 2 février 2023, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé d’étendre la vaccination contre la grippe aux enfants de 2 à 17 ans sans comorbidités[1].

Pour la première fois cette année, les professionnels de santé, à l’instar de leurs homologues au Royaume-Uni et en Espagne notamment (voir encadré), sont donc invités à proposer cette vaccination aux enfants tout-venant.

Les objectifs sont multiples. Il s’agit de diminuer les formes sévères dans cette population, mais aussi de limiter la diffusion du virus au sein de la population et d’alléger le poids que fait peser la grippe sur les structures hospitalières.

Suite à l’extension de ces recommandations, la population cible pour la vaccination anti-grippale passe de 16 millions à 28 millions de personnes, soit 40 % de la population générale française. Mais les industriels rassurent : il y aura assez de vaccins cette année.

Globalement, selon des modélisations européennes relayées par la HAS, sur la base d’une efficacité des vaccins contre la grippe comprise entre 50% et 80%, avec une couverture vaccinale pédiatrique comprise entre 40% et 50 %, la diminution des cas de grippe pourrait être comprise entre 18 et 58 %, la diminution des hospitalisations liées à la grippe de 17 % à 71 % et celle des décès de 1% à 90%.

Des bénéfices individuels

Les bénéfices attendus pour les enfants sont de les protéger contre les conséquences de la maladie mais aussi d’éviter de l’absentéisme scolaire et de permettre de continuer leurs activités quotidiennes, a indiqué la Pre Catherine Weil Olivier (pédiatre, ancienne cheffe de service de pédiatrie générale des hôpitaux de Paris à Colombes) au cours d’une conférence de presse organisée par Viatris, fabricant de l’un des vaccins[2].

L’experte en infectiologie pédiatrique précise que d’après une étude du réseau Sentinelles, entre 25 et 50 % des consultations de médecine de ville causées par la grippe concernent des enfants de moins de 15 ans.  Aussi, 38 % des admissions aux urgences pour syndrome grippal concernent des enfants de 2 à 14 ans.

Enfin, les données rapportées par la HAS montrent que les enfants sont surreprésentés dans les visites et les urgences pour syndrome grippal par rapport à leur représentation dans la population française.

D’après les chiffres, 9% des moins de 2 ans ont consulté en ville pour des symptômes de grippe alors qu’ils ne représentent que 2 % de la population. Des chiffres qui passent à 19% des 2 à 4 ans qui ne représentent que 5 % de la population générale.

A noter qu’au cours de la saison 2022-23, d’après les chiffres du réseau Oscour®, 7% des cas graves de grippe signalés par les services de réanimation concernaient les 0- 4 ans et 4% les 5-14 ans.

Aussi, sur les cent-vingt-et-un décès qui ont été rapportés (données non consolidées), 4 sont survenus chez les moins de 15 ans.

Bonne efficacité et bonne tolérance

Sur le plan de l’efficacité et de la tolérance, l’analyse de la littérature concernant la vaccination anti-grippale des enfants de 2 à 17 ans montre qu’elles sont bonnes, selon la HAS. Les études des revues Cochrane concluent à l’efficacité de la vaccination contre la grippe saisonnière chez les enfants sans comorbidité pour prévenir l’infection (efficacité vaccinale de 78 % pour les vaccins vivants atténués, 64 % pour les vaccins inactivés).

Concernant le profil de sécurité, les données de pharmacovigilance des vaccins contre la grippe chez l’enfant disponibles en France (Fluarix Tetra®, Vaxigrip Tetra®, Influvac Tetra®, Flucelvax® et Fluenz Tetra®) ne montrent aucun signal particulier. « Les données européennes et mondiales confirment la sécurité de ces vaccins chez les enfants » assure l’autorité sanitaire.

« Nous avons des années d’expérience avec les vaccins contre la grippe. Chez l’enfant, le vaccin est efficace et bien toléré », précise l’intervenante qui ajoute même que « l’efficacité vaccinale est toujours meilleure chez l’enfant que chez l’adulte ».

Des bénéfices pour la famille et les plus fragiles

Les enfants de 2 à 17 ans constituent le réservoir de la grippe. « L’épidémie de grippe démarre chez les enfants et est suivie de l’ordre d’une quinzaine de jours plus tard par une épidémie chez les autres tranches d’âge », explique Catherine Weil Olivier.

Les bénéfices attendus en vaccinant les enfants sont donc aussi de limiter la diffusion de la maladie au sein de la famille, des lieux de collectivité et plus globalement de la population générale et des plus fragiles.

Avec une couverture vaccinale pédiatrique de 10 %, la diminution du nombre d’infections grippales chez les personnes âgées serait de 10%, rapporte la HAS.

Limiter la pression sur l’hôpital

Aussi, les experts espèrent que la réduction de la transmission du virus au sein de la population grâce à la vaccination allège le poids que fait peser la grippe sur l’hôpital.

« Tous nos systèmes sont à la lisière de l’étranglement. Et l’année dernière a été particulièrement difficile avec la triple épidémie de grippe, VRS et Covid. Je pense qu’il faut prendre en considération les bénéfices individuels mais aussi de santé publique », commente la Pre Weil Olivier.

Quel vaccin ? Quel schéma vaccinal ?

Alors que la HAS recommande le vaccin anti-grippal intranasal Fluenz Tetra® en première intention car « ce mode d’administration plus simple (pulvérisation dans le nez) devrait être mieux accepté par les enfants et leurs parents », il n’est pas disponible en France en raison de négociations sur le prix encore en cours.

Peuvent donc être proposés les autres vaccins ayant l’AMM chez l’enfant : Fluarix Tetra®, Vaxigrip Tetra®, Influvac Tetra®, Fluenz Tetra®, Flucelvax®.

En pratique, entre 6 mois et 9 ans, la vaccination consiste à administrer 2 doses en primovaccination à un mois d’intervalle puis une dose annuelle comme pour les adultes.

« Ma suggestion est de commencer dès le 17 octobre avec ces jeunes enfants car des études d’immunogénicité ont montré qu’on les protégeait vraiment à la deuxième dose ».

A partir de 9 ans, le schéma de vaccination est d’une dose annuelle, comme pour le reste de la population.

Les professionnels de santé autorisés à réaliser cette vaccination sont les médecins, mais aussi les pharmacien.nes (à partir de 11 ans pour ces derniers), les infirmièr.es et les sage-femmes.

 

De nombreux pays européens recommandent déjà cette vaccination
En 2022, 12 pays européens recommandaient déjà la vaccination anti-grippale aux enfants sans comorbidité. Il s’agissait de l’Autriche, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, l’Italie, l’Irlande, la Lettonie, Malte, la Pologne, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie. Dans le reste du monde, l’Australie, le Canada, les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande ont aussi adopté cette stratégie. La plupart des pays font débuter la vaccination à partir de 6 mois.

 

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