Coupe du monde de rugby : attention au risque d’addiction lié aux paris sportifs

Serge Cannasse

Auteurs et déclarations

29 septembre 2023

France — La Coupe du Monde de rugby ne comporte de risque pour la santé pour ceux qui la regardent – contrairement aux joueurs sur le terrain – si ce n’est qu’elle peut renforcer une addiction fréquente chez les jeunes, celle des paris sportifs. Une fiche pratique du Collège de la médecine générale fait utilement un point très pragmatique sur la question des jeux d’argent et de hasard (JAH), lesquels sont caractérisés par une activité « impliquant une mise d’argent ou d’un bien et dont l’issue dépend en partie ou exclusivement du hasard. »

Des conséquences potentiellement sévères

Les paris sportifs ou hippiques représentent 5% de ces jeux. Ils sont surtout le fait d’hommes jeunes (moins de 45 ans). Mais, d’une manière générale, 47% des 18-75 ans ont joué dans l’année à un JAH. Et malgré l’interdiction de vente aux mineurs, un tiers des 15-17 ans déclare y jouer, essentiellement en ligne. Les JAH sont en augmentation constante sur Internet depuis plus de dix ans.

Le risque est évidemment l’addiction à ces jeux. Elle concerne 1,6% des joueurs. Elle est favorisée par un cadre familial facilitateur (parents joueurs) et débute souvent dans l’enfance ou l’adolescence. Les autres facteurs favorisants sont génétiques, le fait que la récompense soit obtenue rapidement, la facilité d’accès et les co-addictions (tabac, alcool, drogues).

Ses conséquences peuvent être sévères :

  • Troubles physiques (cardiovasculaires, insomnie).

  • Troubles psychiques (irritabilité, stress, dépression).

  • Ruptures familiales et sociales, aboutissant à un isolement, un repli sur soi, un déni de son addiction.

  • Endettement, avec prises de risque financier croissantes, pour « se refaire » (emprunts, crédits, etc).

Il existe plusieurs tests pour évaluer l’addiction. Mais deux questions à poser au patient se révèlent très utiles si au moins l’une d’elle reçoit une réponse positive :

  • « Avez-vous déjà menti à votre famille ou vos amis à propos de l’argent que vous avez dépensé en jouant ? »

  • « Avez-vous déjà ressenti le besoin de miser toujours plus d’argent ? »

Etablir une relation de confiance

La prise en charge est délicate et se fait par étapes, en commençant par établir une relation de confiance, fondée sur l’absence de jugement et la demande de description factuelle de l’addiction. Ici les mots clefs sont empathie, évitement de l’argumentation contre le jeu, exploration de l’ambivalence du patient, et encouragement au changement.

Le praticien essaie de comprendre les fonctions du jeu pour son patient (sociabilité, anxiolyse, espoir de gain financier, etc). Il aborde les représentations erronées du patient sur sa pratique, notamment l’illusion de la contrôler, au moyen d’interprétations inexactes, de prédictions basées sur des pressentiments, sur des calculs de probabilité mal compris, etc. 

Les problèmes financiers sont évoqués et plusieurs solutions pragmatiques proposées :

  • Limitation des moyens de paiement (notamment par carte de débit).

  • Réflexion sur l’endettement.

  • Aide à la gestion du budget.

  • Éventuellement, suggestion de curatelle.

Les objectifs thérapeutiques seront limités et mesurables. Le suivi est crucial : la fréquence des consultations importe plus que leur durée.

Cela étant, la prise en charge par un praticien isolé est difficile. Il est utile de faire appel à d’autres intervenants, notamment dans les structures spécialisées, le médecin traitant en restant le coordinateur. Une éventuelle comorbidité psychiatrique sera également prise en charge.

 

 

 

Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape

 

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