PLFSS 2024 : les points clés

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

29 septembre 2023

France— Le gouvernement a présenté mercredi 27 septembre son avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. En dehors des revalorisations annoncées, ce PLFFS est marqué par deux obsessions : des mesures de santé publique pour les jeunes précaires, et des décisions prises dans le secteur du médicament. Sans oublier la poursuite des réformes de financement de la tarification à l'activité, le renforcement des parcours coordonnés, et la lutte contre la fraude sociale.

Ondam à 3,2%, hausse de l’enveloppe pour la ville

Avec un PLFSS 2024 qui inclut une augmentation des dépenses de l'assurance maladie (Ondam) de +3,2%, le gouvernement pense faire preuve d'ambition, et satisfait en tous les cas la confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), qui se réjouit de constater que l'enveloppe dévolue aux soins de ville augmente pour sa part de +3,4%.

« Le niveau de l’ONDAM était très attendu par les acteurs de la santé. Le gouvernement a tranché. Il sera en 2024 de 3,5% pour la médecine de ville et de 3,2% pour l’hospitalisation. Sans crier victoire, il s’agit de la première « bonne nouvelle » depuis bien longtemps. Avec 300 millions de consultations effectuées chaque année, la médecine de ville est la porte d’entrée dans le système de santé pour nos concitoyens. Il était temps que cela se traduise par un rééquilibrage avec la médecine hospitalière », se félicite la CSMF dans un communiqué.

Ce coup de pouce accordé à la médecine de ville devrait permettre de financer les mesures conventionnelles, et certainement rehausser le tarif de la consultation C à 30 euros.

La médecine de ville est la porte d’entrée dans le système de santé pour nos concitoyens. Il était temps que cela se traduise par un rééquilibrage avec la médecine hospitalière. CSMF

Revalorisations salariales

La médecine hospitalière n'est pas en reste, puisque le gouvernement a décidé d'augmenter le budget de l'assurance maladie pour 2023 (qui passe de 244,8 milliards d'euros à 247,6 milliards d'euros), afin de « financer les revalorisations salariales annoncées en juin 2023 », qui comprennent la revalorisation de 50% des gardes et de 20% du travail de nuit pour les paramédicaux.

« Avec 640 milliards d’euros de dépenses, dont 252 milliards d’euros pour l’assurance maladie, ce PLFSS concrétise l’ambition du Gouvernement de continuer à investir massivement pour l’avenir de notre système de santé », établit le ministère de la Santé, lors de la présentation du PLFSS en Conseil des ministres.

Un avis qui n'est pas partagé, loin s'en faut, par l'économiste de la santé Frédéric Bizard : « Le budget 2024 devrait revaloriser le travail de nuit et les forfaits des jours fériés pour les salariés de l’hôpital public et une revalorisation de 10% sur 6 mois du prix de l’amoxicilline. Une goutte d’eau dans un océan. La dévalorisation financière des prestations de santé en France, avec un prix moyen de 33% plus faible que la moyenne des prix dans l’OCDE, est telle que ce genre de coup de pouce marginal mais nécessaire, a un faible impact », note-t-il dans un billet de son blog, consacré au PLFSS 2024.

Ce genre de coup de pouce marginal mais nécessaire, a un faible impact. Frédéric Bizard

Des mesures de santé publique

Ce PLFSS institue une série de mesures pour prendre à bras le corps des problématiques de santé sexuelle des jeunes Français.

L'article 17 du PLFSS prévoit de rémunérer directement les professionnels de santé libéraux et salariés par l'assurance maladie, qui participeraient à la grande campagne de vaccination contre le HPV en milieu scolaire. L'objectif étant d'atteindre une couverture vaccinale de 90%.

L'article 18 institue le remboursement intégral des préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans.

L'article 19 met en place un remboursement intégral des protections hygiéniques réutilisables pour toutes les femmes de moins de 26 ans.

L'article 20 revient sur les rendez-vous de prévention à tous les âges de la vie, créés dans le précédent PLFSS. Pouvant être réalisés par de nombreux professionnels de santé (médecins, infirmiers, sage-femmes, pharmaciens), le législateur estime que le montant de ces rendez-vous de prévention doit être précisé de manière législative et non conventionnelle. Ainsi, dans l'objectif de leur déploiement rapide, les modalités de réalisation de ces rendez-vous de prévention seront définies par arrêté. 

Toujours dans l'optique de réduire les inégalités de santé, l'article 21 prévoit d'étendre la complémentaire santé solidaire (C2DS) aux « bénéficiaires de quatre minima sociaux : l’allocation adulte handicapé (AAH), l’allocation supplémentaire d’invalidé (ASI), l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et l’allocation du contrat d’engagement jeune (CEJ) ».

Transfert de tache et coordination

Dans la droite ligne de la loi Rist, ce PLFSS 2024 approfondit encore les coopérations entre professionnels de santé.

Déjà annoncée, une mesure de l'article 25 autorise les pharmaciens à prescrire des antibiotiques en cas d'angine.

L'article 24 permet aux chirurgiens-dentistes de participer à la régulation de la permanence des soins dentaires dans les Samu 15.

L’article 26 délègues aux infirmiers qualifiés en santé au travail, « la réalisation de certains actes pour le renouvellement périodique de l'examen médical d'aptitude des salariés agricoles ».

Enfin, l'article 22 institue des parcours coordonnés renforcés, résultat de toutes les expérimentations induites par l'article 51 de la LFSS 2018.

« La mesure crée ainsi un cadre générique permettant la mise en place de parcours coordonnés renforcés, au travers d’un financement collectif d’une équipe pour être adaptable aux besoins des patients et pouvant se déployer entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social. »

La mesure crée ainsi un cadre générique permettant la mise en place de parcours coordonnés renforcés.

Lutte contre la fraude sociale

La lutte contre la fraude sociale ne cible pas que les patients : les professionnels de santé sont dans la ligne de mire de la sécurité sociale. L'article 7 prévoit par exemple la suppression des exonérations de cotisation sociale en cas de fraude pour les professionnels de santé. L'article 27 prévoit de renforcer les sanctions en cas d'arrêt de travail non justifié : le « versement des indemnités journalières pourrait être suspendu à compter du rapport du médecin contrôleur délégué par l’employeur et concluant au caractère injustifié de l’arrêt. »

Toujours en vue de lutter contre l'inflation des IJ, l'article 28 limite « à trois le nombre de jours d'indemnités journalières pouvant être prescrits en téléconsultation quand elle n'a pas lieu avec son médecin traitant ».

Lutte contre les ruptures de médicaments

Le PLFSS 2024 comporte un certain nombre d'articles à même de combattre les ruptures de médicaments. Ainsi, l'article 32 prévoit de faciliter « la reprise des droits de productions de médicaments dits matures par une autre entreprise », et offre un cadre aux préparations pharmaceutiques spéciales concoctées par les officines de ville en cas de ruptures de médicaments.

L'article 36 oblige un industriel qui souhaite arrêter la production d'un médicament peu rentable à tout mettre en œuvre pour trouver un repreneur, et ce dans l'optique, bien évidemment, de prévenir les ruptures de médicaments.

L'article 32 rend obligatoire la délivrance à l'unité (DAU) de médicaments en situation de pénurie, mais aussi la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (TROD) avant la prescription d'antibiotiques en période de pénurie.

Par ailleurs, la prescription d'antibiotique en téléconsultation sera restreinte « à des exceptions spécifiquement listées ».

L'article 35 concerne la législation sur les accès précoces et compassionnels de certains médicaments. Il autorise la prise en charge financière de médicaments en accès précoce, même lorsque leur autorisation en accès précoce a pris fin.

À ce stade, le PLFSS ne comporte pas de disposition explicite visant à doubler les franchises médicales.

La prescription d'antibiotique en téléconsultation sera restreinte « à des exceptions spécifiquement listées.

Des mesures en faveur de l’industrie du médicament

Toujours dans le secteur du médicament, fruits d'âpres négociations entre le syndicat Les Entreprises du médicament (Leem) et le gouvernement, deux mesures satisfont les industriels. Première de ces mesures : le relèvement du montant « M » pour l'année 2023.

Pour rappel, les industriels doivent verser une contribution lorsque le chiffre d'affaires « de l’année civile minoré des remises réalisé par l'ensemble des entreprises est supérieur à un montant M fixé par la loi ».

D'un montant de 24,6 milliards en 2023, il est proposé à 24,9 milliards en 2024. En contrepartie, les industriels s'engagent à « conduire en 2024 des efforts plus importants de baisse de prix et des actions de régulation des volumes de ventes sur le marché français ».

Autre mesure en faveur de l'industrie du médicament : la réforme de la clause de sauvegarde. L'article 11 propose d'exprimer « la clause de sauvegarde portant sur le secteur du médicament en montants remboursés par l’assurance maladie, et non plus en chiffre d’affaires ». 

Financement des établissements sanitaires et médico-sociaux

Les financements des établissements de santé et des Ehpad subissent des réformes substantielles. Pour réduire le financement issu de la tarification à l'activité, il est prévu d'évoluer vers un modèle « permettant de valoriser trois grandes catégories de soins : "les soins répondant à des prises en charge « protocolées », organisées et standardisées, pour lesquels une tarification à l’activité est pertinente ; les soins aigus et les prises en charge spécifiques dont le coût est substantiellement indépendant du volume de l’activité réalisée, pour lesquels un financement mixte par dotation, en complément d’une part de tarification à l’activité, est le plus indiqué ; la prévention et la coordination des parcours des patients, relevant d’objectifs de santé publique qui peuvent être en partie propres à certains territoires, pour lesquels un financement par dotation apparait nécessaire ».

Pour ce qui est des Ehpad, à compter de 2025, il est prévu de fusionner pour les départements volontaires, « les dépenses afférentes à la prise en charge de la dépendance de celles afférentes au soin en les regroupant dans une section unique ».

Pour remédier aux difficultés financières de l'Établissement français du sang (EFS), il est prévu de lui accorder une dotation financière eu égard à ses missions de service public.

Environnement

Les préoccupations environnementales ne sont pas étrangères à ce PLFSS. L'article 29 lance une expérimentation de deux ans visant au retraitement de « certains dispositifs médicaux à usage unique ».

L'article 30 encourage le développement des transports partagés : « La mesure concerne les transports programmés uniquement, et prévoit que, lorsque le transport partagé est jugé compatible avec l’état de santé du patient et que le transporteur a été en capacité de proposer un transport partagé au patient, si le patient le refuse, il doit faire l’avance de frais et ne sera remboursé par l’assurance maladie que sur la base du tarif de transport partagé. »

Le PLFFS sera discuté à l'Assemblée nationale à la mi-octobre.

 

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