Des associations portent plainte contre Bayer pour dissimulation d'informations sur le glyphosate

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

29 septembre 2023

Europe – Les États membres de l'union européenne vont-ils suivre la recommandation de la Commission européenne d'autoriser pour dix années supplémentaires l'herbicide glyphosate en Europe ?

Quel que soit le vote des États membres (l’Allemagne, mais aussi le Luxembourg et les Pays-Bas sont très critiques), qui devrait intervenir en octobre, des associations membres de la coalition European pesticide action network (PAN), dont l’association française Générations futures, ont introduit une plainte auprès de la Cour de justice de Vienne (Autriche).

Plainte à Vienne

Objet de la plainte : le consortium mené par Bayer qui commercialise le glyphosate, a omis de signaler dans le dossier qu'il a présenté auprès de la commission européenne pour le renouvellement de son autorisation, des études et des données démontrant les effets toxiques du glyphosate sur le système nerveux central humain.

La plainte a été déposée par l'association autrichienne Global 2000, qui avait déjà déposé une plainte en 2019.

« Nous avons décidé de nous associer à la plainte déposée en Autriche, plutôt que de nous disperser à déposer des plaintes dans chacun de nos États membres », a précisé François Veillerette, porte-parole et directeur de Générations Futures lors d'une conférence de presse le 27 septembre[1].

Cette plainte s'appuie sur une publication suédoise parue en 2022, « What you don’t know can still hurt you – underreporting in EU pesticide regulation ». Les conclusions de cette publication montrent qu'aucune étude concernant la neurotoxicité du glyphosate n'a été adjoint au dossier de renouvellement d'autorisation.

Autisme, activité motrice

Pourtant, il existe une étude, poursuivent les auteurs, qui montre que l'un des sels de glyphosate peut provoquer des effets indésirables sur l'activité motrice du rat.

Les conclusions de cette analyse n'ont pas été communiquées à la commission européenne, regrette les auteurs suédois. « Il y a le temps de la justice et le temps politique. En octobre prochain, les États membres de l'Union européenne devront se prononcer sur la proposition de la commission européenne de renouveler pour dix ans le glyphosate. Nous espérons que la plainte que nous avons déposée sera prise en compte par ces États et éclairera leurs décisions », ajoute François Veillerette.

Selon le communiqué de presse de Global 2000, une étude épidémiologique semble aussi prouver que l'exposition des femmes enceintes au glyphosate pendant leur grossesse ou durant la première année de vie de leur progéniture, pourrait augmenter le risque d'autisme de leur enfant (voir encadré en fin de texte).

« De nombreuses études ont été cachées par Bayer. Des statistiques ont également été déformées », ajoute Helmut Burtscher Schaden, biochimiste et membre de Global 2000.

Sera-ce assez pour bannir le glyphosate de l'Union européenne : « Malgré nos premières conclusions en 2017, les États membres ont décidé de renouveler pour cinq ans cet herbicide. Nous avions pourtant réuni 1 million de citoyens européens qui demandaient l'interdiction du glyphosate. Nous avons beaucoup plus d'informations maintenant sur sa toxicité, mais le régulateur a décidé de renouveler son autorisation.

Pourtant Bayer a caché des informations qui impactent la santé humaine », se désole Angeliki Lyssimachou, docteur en toxicologie et membre de PAN. Angeliki Lyssimachou ajoute que le Luxembourg avait interdit le glyphosate en 2020, mais cette décision a été révoquée en 2023 par décision de justice.

Conclusion de l’EFSA

Pour rappel, le 20 septembre dernier, la commission européenne a proposé le renouvellement de l'autorisation de glyphosate pour dix ans de plus, à compter de 2023. La commission s'appuyait sur les conclusions de l'EFSA, après un « examen par les pairs de l'évaluation des risques liées aux pesticides de la substance active glyphosate » approuvées le 6 juillet 2023.

« Dans le domaine de la toxicologie des mammifères, et de l'exposition non alimentaire, aucun aspect critique n'a été identifié », résume le vaste rapport de l’EFSA.

« Dans le domaine des résidus, l'évaluation des risques pour le consommateur n'a pas pu être finalisée.  Néanmoins les études montrent la présence de résidus supérieurs aux plafonds recommandés dans les cultures en rotation, mais le nombre d'études n'est pas suffisant pour en tirer des conclusions. »

L’EFSA relève néanmoins une infiltration des petits bassins d'eau et des fleuves via les nappes phréatiques et recommande de nouvelles études sur le sujet. Des études ont montré des effets du glyphosate sur le microbiote, mais cet insecticide n'est pas, en revanche, considéré comme un perturbateur endocrinien, ajoute l’EFSA.

Vote le 12 octobre

L’EFSA a publié ses conclusions le 26 juillet dernier, et la commission européenne a proposé un texte le 19 septembre dernier aux États membres. La commission européenne a par ailleurs désigné quatre États membres (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) en décembre 2019, comme rapporteurs du dossier sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate.

Les États membres de l'Union européenne (UE) doivent voter sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate le 12 octobre prochain. Le glyphosate reste autorisé dans l'UE jusqu'au 15 décembre prochain.

 

Exposition au glyphosate et TSA
Dans une étude de cohorte américaine portant sur près de 3000 personnes atteintes de troubles autistiques, le risque de TSA était associé à l'exposition prénatale au glyphosate (RR=1,16, intervalle de confiance à 95 % de 1,06 à 1,27) et pour les troubles du spectre autistique avec déficience intellectuelle, ce risque relatif montait à 1,33 (1,05 à 1,69). L'exposition au cours de la première année de vie augmentait aussi le risque de trouble avec déficience intellectuelle comorbide jusqu'à 50 % pour certaines substances pesticides. Les chercheurs ont donc conclu : « les résultats suggèrent que le risque de troubles du spectre autistique augmente pour les enfants exposés à des pesticides dans un rayon de 2 000 mètres autour du domicile de leur mère pendant la grossesse, par rapport aux enfants de femmes de la même région agricole qui n'ont pas été exposées à de tels pesticides. L'exposition des nourrissons pourrait encore accroître les risques de troubles du spectre autistique avec déficience intellectuelle comorbide ».

 

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