Tuberculose: dernière étape pour trois nouveaux vaccins à l’essai

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

27 septembre 2023

Paris, France — Pour renforcer la lutte contre la tuberculose et pallier le manque d’efficacité du vaccin BCG, une quinzaine de candidats vaccins sont actuellement en développement. Trois d’entre eux sont en essai phase 3. L’un des plus prometteurs a révélé une efficacité de 50% chez l’adolescent et le jeune adulte, un résultat exceptionnel dans une population peu protégée par le vaccin BCG.

« Le développement de vaccins est l’un des grands enjeux actuels de la recherche sur la tuberculose », l’objectif étant de tenter par ce moyen d’éradiquer la maladie, conformément à la stratégie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a commenté Olivier Neyrolles, directeur de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université de Toulouse), lors d’un conférence de presse organisée par l’ANRS/Maladies infectieuses émergentes[1].

« Le BCG protège très bien contre les formes infantiles de la tuberculose, notamment les formes disséminées et méningées, mortelles dans la plupart des cas. Mais, on s’est aperçus avec le temps que l’efficacité du BCG est insuffisante pour protéger les adultes des formes pulmonaires typiques de la maladie », a précisé le chercheur auprès de Medscape édition française.

Substituer ou compléter le vaccin BCG

Les candidats vaccins actuellement à l’essai utilisent des bacilles tuberculeux atténués, comme le BCG, des vecteurs viraux ou des sous-unités d’antigènes bactériens. « Avec le vaccin sous-unitaire, l’idée est de continuer à utiliser le BCG et d’administrer le nouveau vaccin plus tard pendant l’enfance ou l’adolescence », afin de renforcer et de prolonger la protection.

La tuberculose est une maladie contagieuse provoquée par le bacille de Kock (Mycobacterium tuberculosis). On estime qu’un quart de la population mondiale est ou a été infecté. Le bacille peut rester dans un état « dormant » pendant plusieurs années (infection tuberculeuse latente) et se développer de manière active dans certaines conditions (immunodépression, dénutrition, précarité…).

Le BCG (bacille de Calmette et Guérin) est le seul vaccin actuellement disponible contre la tuberculose. S’il permet de prévenir les formes graves chez les jeunes enfants (près de 90% d’efficacité dans le cas de méningites tuberculeuses), son manque de protection à l’âge adulte ne permet pas d’empêcher la transmission de la maladie et d’enrayer l’épidémie mondiale.

 

1,5 million de décès par an

Longtemps en tête de liste, la tuberculose est désormais la deuxième cause de mortalité par maladie infectieuse après le Covid-19. Selon l’OMS,10 millions de personnes, dont 10% d’enfants, développent chaque année une forme active de la maladie et 1,5 million en décèdent. Plus de 95% des cas se concentrent dans les pays en voie de développement.

« La tuberculose reste une maladie de la pauvreté. Il existe une forte corrélation entre l’incidence et le produit intérieur brut. Il y a également une corrélation avec la prévalence de la dénutrition », a précisé le Pr Nicolas Veziris (Hôpitaux universitaires de l’Est parisien, AP-HP) [2]

La tuberculose reste toutefois un problème de santé publique dans les pays industrialisés, d’autant plus que les formes multi-résistantes (MDR), difficiles à traiter, sont en hausse. Dans l’Union européenne, on recense près de 30 000 cas par an. En France, 4 500 personnes développent chaque année la maladie, essentiellement en Ile-de-France et dans les territoires de Guyane et de Mayotte.

 

En 2015, tous les Etats membres de l’OMS, ainsi que l’Organisation des nations unies, ont adopté les objectifs de développement durable et la stratégie de l’OMS visant à mettre fin à la tuberculose. Pour cela, l’OMS a pour objectif de réduire de 90 % les décès dus à la tuberculose et de 80 % le taux d'incidence de la tuberculose d'ici 2030.

Accélérer la conception des vaccins

La mise au point de nouveaux vaccins fait clairement partie des priorités. En janvier 2023, l’organisation mondiale de la santé a annoncé la création d’un Conseil d’accélération pour les vaccins antituberculeux qui « facilitera l’homologation et l’utilisation de nouveaux vaccins antituberculeux efficaces ».

Selon une étude commandée par l’OMS, un vaccin efficace à 50 % pour prévenir la maladie chez les adolescents et les adultes permettrait d’éviter jusqu’à 76 millions de nouveaux cas et de prévenir 8,5 millions de décès sur une période de 25 ans. Ce serait ainsi 42 millions de traitements antibiotiques évités et plus de 6 milliards d’euros économisés.

« La recherche de vaccins contre la tuberculose est compliquée car, d’une part, la bactérie contient plusieurs milliers d’antigènes et il est difficile de savoir lesquels peuvent être utiles, et d’autre part, on ne comprend pas encore très bien quelles sont les réponses immunitaires qui protègent contre la tuberculose », explique Olivier Neyrolles.

La réponse cellulaire s’est notamment avérée fondamentale pour assurer une protection. Malgré tout, le développement de vaccins visant à activer une réponse lymphocytaire spécifique a conduit à des échecs, ce qui a amené à repenser la stratégie vaccinale. « On a longtemps simplifié l’immunité antituberculeuse », estime le chercheur en microbiologie.

Une quinzaine de candidats vaccins en développement

Actuellement une quinzaine de candidats vaccins sont en développement. Parmi eux, dix ont franchi l’étape des essais cliniques.

Le plus prometteur est le vaccin sous-unitaire M72/AS01E du laboratoire GSK. Dans une étude de phase 2b, il a permis de réduire le risque de 50% de développer une forme active de la maladie chez des adultes [3]. Tous avaient reçu le BCG après la naissance.

En juin dernier, les fondations Bill et Melinda Gates et Wellcome ont annoncé le financement d’un essai de phase 3 avec ce vaccin à hauteur de 550 millions de dollars. Il est prévu d’inclure 26 000 volontaires, dont des personnes vivant avec le VIH et sans infection tuberculeuse, en Afrique et en Asie du Sud-Est.

Deux autres vaccins utilisant des bacilles atténués sont actuellement testés dans des essais de phase 3.

L’un a été conçu par des chercheurs allemands à partir du BCG (VPM1002). Il est testé dans plusieurs pays d’Afrique chez les nouveau-nés pour prévenir l’infection, mais aussi chez l’adolescent et l’adulte pour empêcher le développer ou la résurgence de la maladie après traitement.

Egalement « très prometteur », un vaccin évalué en phase 3 utilise une souche M. tuberculosis atténuée par deux mutations génétiques. Mis au point par l’Institut Pasteur puis développé par des chercheurs espagnols, ce vaccin baptisé Mtbvac est testé dans plusieurs pays d’Afrique en prévention de l’infection chez le nourrisson.

Ces essais sont menés sur de longues périodes. Les résultats concernant le vaccin à base de M. tuberculosis atténué ne sont pas attendus avant 2028. Il faudra certainement attendre encore davantage pour connaitre ceux de l’essai évaluant le vaccin sous-unitaire booster de BCG. « Il y a de l’espoir, mais il faudra encore patienter », a conclu Olivier Neyrolles.

 

En France, mise en place d’une cohorte prospective

Avec l’objectif de « mieux comprendre les facteurs de risque d’échec thérapeutique et de rechute » chez les patients traités pour une tuberculose, une étude prospective observationnelle va être prochainement lancée en France, a annoncé la Pre Claire Andrejak (CHU Amiens-Picardie), co-investigatrice [4]. L’essai doit inclure un total de 2 000 patients atteints de tuberculose qui seront suivis pendant deux ans.

En France, les données de suivi disponibles (65% des patients traités) montrent que « l’évolution de la maladie à un an est considérée comme défavorable dans un quart des cas », en raison du maintien du traitement contre la tuberculose, d’un échec thérapeutique, d’une résurgence de la maladie ou du décès du patient, précise la pneumologue.

L’équipe espère déterminer les mécanismes pouvant expliquer l’aggravation de la maladie et la réponse au traitement. « L’objectif est également d’avoir des pistes pour développer un traitement plus personnalisé ». Une souchothèque des bactéries en cause sera également constituée « pour rechercher des marqueurs bactériens corrélées à l’évolution de la maladie ».

 

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