La résistance aux antifongiques, méconnue et de plus en plus inquiétante

Serge Cannasse

Auteurs et déclarations

28 septembre 2023

France – En octobre 2022, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiait une liste de 19 champignons pathogènes [1] considérés comme étant une menace sérieuse pour la santé des populations. En effet, de la même façon que de nombreuses bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques, plusieurs champignons deviennent résistants aux antifongiques utilisés en thérapeutique humaine. L’objectif de l’OMS est de sensibiliser les médecins, chercheurs et autorités de santé à ce phénomène inquiétant.

Presque 2 millions de décès dans le monde

L’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a publié récemment une mise au point [2] à ce sujet. Actuellement, les infections fongiques sévères sont responsables d’environ 1,6 million de décès dans le monde. Les patients atteints sont principalement des personnes immunodéprimées (patients bénéficiant d’une greffe d’organe ou de moelle osseuse, touchés par un cancer, par le sida ou atteints d’une maladie respiratoire chronique, etc.). De plus, elles sont majoritairement soignées en milieu hospitalier (où le nombre de ces infections a fortement augmenté) et à des actes invasifs favorisant les contaminations. Pendant la pandémie de Covid-19, il a été estimé qu’en France, 10 à 20 % des patients sous assistance respiratoire en réanimation avaient été victimes d’une infection fongique sévère, avec un risque de mortalité dépassant 60 %.

Comme avec l’antibiorésistance, l’augmentation de la résistance aux antifongiques est en partie due à un usage inapproprié, en partie en milieu agricole. Les mécanismes en cause sont génétiques (mutations), mais probablement aussi épigénétiques : expression de protéines et pigments évitant la reconnaissance par le système immunitaire, formation de levures géantes trop grosses pour être digérées par les cellules immunitaires, structures permettant l’adhérence (formation de biofilms et production de filaments invasifs), etc.

Le réchauffement climatique en cause des infections fongiques

Le réchauffement climatique et l’accroissement des échanges internationaux ont été mis en cause dans l’augmentation du nombre d’infections fongiques chez l’humain. Deux champignons seraient particulièrement favorisés par ces facteurs. Le premier, Cryptococcus neoformans, est particulièrement redoutable chez les patients atteints de Sida (presque un décès sur cinq lui serait imputable dans le monde). Le second, Candida auris, est un agent émergent.

Peut-il y en avoir d’autres encore plus inquiétants, à l’image des infections mises en scène dans la série The Last of Us ? Son argument est la prolifération d’un champignon vivant habituellement dans des environnements dont les températures avoisinent les 18 °C, mais s’adaptant à des températures plus élevées et devenant ainsi capable de contaminer non seulement des insectes, mais aussi des animaux à sang chaud, donc des mammifères et potentiellement des humains.

Rationnellement, cet argument est fondé d’une part, sur l’estimation que 98 % des champignons existants seraient inconnus de la communauté scientifique, d’autre part, sur l’existence de champignons effectivement capables de parasiter des arthropodes (insectes, arachnides, mille-pattes) et d’en modifier le comportement (hyperactivité, mobilité erratique, morsures de plantes, etc.). Ces champignons appartiennent au genre Ophiocordyceps (d’où le nom de “Cordyceps” pour les champignons mutants dans la série). Pour deux espèces de ce genre, il a été décrit des mutations génétiques capables d’entraîner des modifications des fonctions neurologiques et la sécrétion de molécules neurotoxiques chez leur hôte. Mais chaque espèce du genre Ophiocordyceps est « super-spécifique », c’est-à-dire capable d’infecter une espèce d’arthropode et une seule. Aussi il est hautement improbable qu’un de ses représentants soit un jour capable d’infecter une espèce à sang chaud. 

Cela étant, il n’en reste pas moins que les champignons sont une menace réelle et de plus en plus prégnante pour l’espèce humaine, comme l’OMS a tenu à le souligner. Pour mémoire, ce sont les champignons appartenant aux genres CandidaAspergillus et Cryptococcus qui sont responsables de la majorité des infections humaines.

 

Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.

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