Selon une étude récente, une fréquence sexuelle plus faible serait associée de façon significative à une mortalité plus élevée chez les personnes jeunes et d'âge moyen souffrant d'hypertension. [1] Les médecins généralistes devraient-ils dès lors proposer une prescription « de plaisir » à tous leurs patients atteints de maladie chronique ? Comment peuvons-nous aider nos patients à maintenir leur capacité de plaisir sexuel, un des composants essentiels de l'expérience humaine ?
Poser systématiquement la question
En premier lieu, nous devrions poser systématiquement des questions sur le bien-être et le plaisir sexuels. Si nous ne demandons pas l'avis de nos patients, nous ne connaitrons pas l'impact de la sexualité sur leur qualité de vie. Si nous ne posons pas la question, nous ne saurons pas quels types d’activités sexuelles sont importantes pour que ces personnes puissent atteindre ou conserver un plaisir sexuel et nous ne pourrons jamais deviner si elles placent en priorité leur fonctionnement sexuel dans le contexte de leur traitement médical.
Lorsque j'ai commencé à interroger mes patients reçus en médecine générale sur leur bien-être sexuel, j'ai constaté qu'ils étaient beaucoup plus nombreux que je ne le pensais à garder le silence sur ces questions délicates. Aujourd'hui, en tant que spécialiste de la médecine sexuelle, je pose trois questions clés lors de chaque évaluation de la fonction sexuelle :
Quels sont vos objectifs ?
Que signifie le sexe pour vous ?
Quels types de « jeux » sexuels sont importants pour votre plaisir (et celui de votre partenaire) ?
Impact des maladies chroniques et de leurs traitements
La maladie chronique ― avec ses symptômes physiques et ses composantes psychologiques, relationnelles et culturelles ― affecte la physiologie aussi bien générale que génitale. Tout processus pathologique qui altère les fonctions vasculaires, neuroendocriniennes ou musculo-squelettiques, est susceptible d'impacter la fonction sexuelle, soit directement par le biais du processus pathologique, soit indirectement par le biais de complications ou de l'effet sur l'image de soi. En outre, une série de modifications iatrogènes de la fonction sexuelle peuvent accompagner les effets des traitements.
Gérer les effets d'une maladie chronique sur la sexualité exige de la résilience et de la flexibilité. Une blessure grave peut nécessiter d’avoir à adapter sa sexualité, mais une maladie évolutive peut également exiger une adaptation continue aux changements sexuels.
L'étape de la vie à laquelle la pathologie survient a également son importance : les personnes confrontées à une maladie au début de leur vie rencontrent certes de nombreuses difficultés (trouver des partenaires sexuels consentants, obtenir des conseils médicaux sur leur fonction sexuelle), mais cela a aussi des avantages (ces patients ont pu "intégrer" leur maladie dans leur vie sexuelle) ; lorsque les changements sexuels liés à la maladie surviennent plus tard dans la vie, les patients sont alors confrontés à une perte de la fonction sexuelle telle qu’ils l’ont connue auparavant.
Quant au partenaire, qui lui n'est pas malade, il/elle peut avoir ses propres besoins, craintes et inquiétudes en matière de sexualité. Aussi bien les patients que leurs partenaires peuvent éprouver un sentiment de perte de droits, c'est-à-dire un sentiment de perte face à quelque chose que l'on n'est pas autorisé à déplorer culturellement (« Si mon partenaire est en vie malgré cette terrible maladie, qui suis-je pour m'inquiéter de mon/notre plaisir sexuel ? »).
On sait que des relations conjugales satisfaisantes ont une influence positive sur la santé : elles améliorent la survie, l'observance médicale, la qualité de vie et la satisfaction à l'égard de la vie. Et la satisfaction sexuelle est un facteur important de la satisfaction relationnelle. Aider nos patients à opérer ces changements peut donc améliorer non seulement leur santé sexuelle, mais aussi leur santé en général.
Comment aborder la question du plaisir sexuel
Comment, dès lors, aborder la question du plaisir sexuel dans le cadre des soins aux malades chroniques ? Voici quelques conseils :
Mettez l'accent sur le plaisir. En matière de sexualité, le mot « performance » doit être banni. Il n’est pas possible de se concentrer sur ses sensations si l'on essaie d'être performant. La seule « compétence » sexuelle requise est justement cette capacité à se concentrer sur les sensations et le plaisir.
Encouragez la flexibilité et l’adaptabilité. Rappelez que le sexe propose un menu très varié d'expériences qui évoluent tout au long de la vie. Des baisers aux câlins en passant par les choses les plus folles qu'un esprit puisse imaginer, l’éventail est large. Nous pouvons donc expliquer aux patients et à leurs partenaires qu’il existe une grande variété de façons de répondre aux besoins sexuels.
Discutez des effets de la maladie sur la relation que le patient entretient avec son corps. La maladie peut altérer non seulement les fonctions corporelles, mais aussi l'estime de soi et l'image du corps (« Je ne suis plus une personne sexuelle ; je suis un asthmatique/diabétique/etc. sexuellement dysfonctionnel et je devrais éviter toute intimité sexuelle »). L'analyse de ces constructions du soi permet de modifier les pensées et les comportements, et d’améliorer le bien-être psychologique et sexuel. Encouragez donc les patients à explorer ce qu'ils ressentent vis-à-vis de leur corps. Lorsque c’est possible, vous pouvez les orienter vers des chirurgies correctives ou vers des ressources esthétiques (telles que des couvres-poches de stomies, des perruques, foulards et tatouages).
Encouragez une communication ouverte avec le(s) partenaire(s) et proposez des ressources pour développer les compétences en matière de communication.
Tenez compte des besoins de préparation physique et émotionnelle au jeu sexuel : repos adéquat, préparation des lieux pour les fluides corporels, oreillers pour le confort ou aides au positionnement, et beaucoup de lubrifiant à portée de main. On peut conseiller d’utiliser des sex toys pour augmenter le plaisir.
Conseillez de prévoir suffisamment de temps pour les activités sexuelles et encouragez la capacité à s'adapter, ou à s'arrêter et à recommencer ― avec humour et compassion.
Nous prodiguons régulièrement des conseils afin que nos patients aient une bonne « hygiène du sommeil ». Il devrait en être de même avec « l'hygiène du plaisir ». Et lorsque la situation devient délicate, vous pouvez toujours consulter des confrères en médecine sexuelle et en sexothérapie.
Tous les corps, qu’ils soient ou non atteints d’une pathologie, sont capables d'éprouver du plaisir. Un plaisir, qui rappelons-le, peut même sauver des vies !
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Source: Dreamstime
Medscape © 2023
Citer cet article: Santé sexuelle : plaidoyer en faveur d'une « hygiène du plaisir » - Medscape - 27 sept 2023.
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