Paris, France — Quelques jours avant la présentation du projet de loi sur la fin de vie, la médecin-journaliste Marina Carrère d’Encausse prend position dans un documentaire pour la dépénalisation de l’euthanasie. Et ambitionne de faire bouger les lignes dans un corps médical encore majoritairement opposé à une évolution de la loi.
Les Français la connaissent comme présentatrice du Magazine de la Santé sur France 5 depuis les années 2000. Une animatrice réputée pour sa rigueur mais aussi sa bonne humeur et ses nombreux fous rires. En regardant « Fin de vie, pour que tu aies le choix », ils découvriront une femme pleinement investie pour faire évoluer la législation et autoriser l’euthanasie.
Dans ce documentaire de 65 minutes réalisé par Magali Cotard et diffusé mardi 26 septembre à 21h05 sur France 5, la médecin-journaliste relate comment ses convictions ont basculé sur ce sujet sensible ces dernières années et plus encore depuis qu’elle partage la vie d’Antoine, médecin généraliste de 66 ans, atteint de la maladie de Charcot. Décrivant sans fard ni pathos la dégradation physique de son compagnon, la paralysie progressive des muscles et les difficultés respiratoires, elle se dit prête à l’aider, s’il le fallait, à mettre fin à ses jours « même si c’est illégal. »
Percutant plaidoyer
Alors que la France s’apprête à découvrir le projet de loi sur la fin de vie d’Agnès Firmin Le Bodo, le documentaire devance les débats au Parlement qui devraient démarrer début 2024. Il est un percutant plaidoyer pour le droit de mourir dans la dignité, « mourir comme on le souhaite, quand on considère que la vie ne vaut plus d'être vécue ».
Dans cette enquête, la Dre Carrère d’Encausse emmène le téléspectateur en Belgique qui a dépénalisé l’euthanasie depuis vingt ans, mais aussi en Suisse où est autorisé le suicide assisté, et enfin au Canada où 7% de la population meurt en bénéficiant d’une aide médicale à mourir.
Donnant tour à tour la parole à des patients atteints de maladies incurables et à leurs proches, mais aussi aux médecins qui les accompagnent, Marina Carrère d’Encausse pose les principales questions que soulève cet épineux sujet de société. Sur quels critères autoriser une aide active à mourir, comment s’y prendre et quels garde-fous mettre en place pour éviter les dérives, notamment l’ouverture de l’euthanasie aux personnes victimes de maladie mentale comme le Canada s’apprête à le faire ?
Un message aux médecins
Si elle a pris le parti de s‘engager, ce n’est pas tant pour peser sur l’opinion publique, une majorité de Français étant favorables à l’évolution de la loi – 75% des membres de la convention citoyenne d’avril dernier approuvaient une nouvelle loi pour une aide active à mourir. Si elle veut changer les mentalités, c’est peut-être avant tout celle de ses confrères médecins, majoritairement opposés à l’évolution de la loi Claeys-Leonetti qui encadre la sédation profonde et continue. En prenant le parti de s’exposer publiquement, Marina Carrère d’Encausse veut faire bouger les lignes. Elle défend le « travail remarquable » des soins palliatifs en France dont bénéficient chaque année environ 100 000 Français sur les 300 000 qui en auraient besoin mais estime qu’ils ne peuvent pas répondre à toutes les problématiques.
« Quand j’entends les médecins, notamment de soins palliatifs, dire que quand on fait une sédation profonde et continue, on soulage le patient alors que la mort sera au bout dans les 4 ou 5 jours, et que quand on fait une euthanasie, on tue le patient, je ne vois pas l’éthique là-dedans », a-t-elle d’ailleurs exprimé, début septembre, sur France Inter.
« Soin ultime »
La médecin-journaliste espère que l’opinion de ses confrères basculera comme la sienne a évolué sur ce sujet. « Quand j’étais jeune médecin, j’étais cartésienne, et ayant prêté le serment d’Hippocrate je considérais que les médecins n’étaient pas là pour tuer leurs patients et qu’ils devaient les soigner jusqu’au bout », relate-t-elle.
Jusqu’à ce qu’un reportage réalisé il y a quelques années chez un médecin belge, éveille sa conscience et la convainque du rôle que peuvent jouer les médecins dans ce « geste ultime de soin ».
Les médecins téléspectateurs seront peut-être émus par l’histoire de Françoise, victime d’un cancer du rectum, qui s’est rendue en Belgique pour y être euthanasiée. « Un grand merci Docteur, vous m’avez libérée », glisse-t-elle au médecin avant de rendre son dernier soupir.
A moins qu’ils ne soient secoués par le témoignage de ce médecin français à la retraite, qui confesse avoir pratiqué des euthanasies clandestines et qui assume pleinement ses actes. « C’est un geste de soin, un médecin doit être là de la naissance à la mort, il n’y a aucune raison pour qu’à la fin de sa vie, il dise que ce n’est pas son problème », affirme-t-il.
« Fin de vie, pour que tu aies le choix » est un documentaire engagé, utile au débat et qui aborde avec sensibilité ce sujet complexe. « On entend beaucoup les soignants contre une évolution de la loi sur la fin de vie mais il y a aussi des soignants que peut-être, on n’entend pas suffisamment », conclut Agnès Firmin Le Bodo, la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, chargée de préparer la proposition de loi.
Avec ce documentaire, peut-être les entendra-t-on plus.
« Fin de vie, pour que tu aies le choix », 65 minutes, mardi 26 septembre à 21h05 sur France 5
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Fin de vie : le documentaire engagé du Dr Marina Carrère d’Encausse pour dépénaliser l’euthanasie - Medscape - 22 sept 2023.
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