Nouvelle vague d’overdoses aux Etats-Unis avec du fentanyl mélangé à des stimulants

Megan Brooks

Auteurs et déclarations

21 septembre 2023

Etats-Unis – Les décès par overdose impliquant du fentanyl et des stimulants ont été multipliés par plus de 50 depuis 2010 et représentaient 32 % des overdoses mortelles aux États-Unis en 2021, selon une nouvelle étude.

L'augmentation des décès dus au fentanyl et aux stimulants constitue la "quatrième vague" de la longue crise des overdoses d'opioïdes, qui a commencé par une augmentation des décès dus aux opioïdes sur ordonnance au début des années 2000 (vague 1) et à l'héroïne (vague 2) en 2010.

Vers 2013, une augmentation des overdoses au fentanyl a marqué le début de la troisième vague. Celle-ci a été suivie en 2015 par une forte augmentation des décès par overdose de poly-substances impliquant des fentanyls fabriqués de manière illicite.

L'utilisation simultanée de fentanyl et de stimulants « devient rapidement la raison principale de la crise des overdoses aux États-Unis », a déclaré l'auteur principal, Joseph Friedman, PhD, MPH, du Center for Social Medicine and Humanities de l'UCLA, à Los Angeles, dans un communiqué de presse.

« Le fentanyl est à l'origine d'une vague d'overdoses impliquant des polysubstances, ce qui signifie que les gens mélangent le fentanyl à d'autres drogues, comme les stimulants, mais aussi à d'innombrables autres substances de synthèse. Cela pose de nombreux risques pour la santé et de nouveaux défis pour les professionnels de santé », a déclaré le Pr Friedman.

L'étude a été publiée en ligne le 14 septembre dans la revue Addiction.

Les gens mélangent le fentanyl à d'autres drogues, comme les stimulants, mais aussi à d'innombrables autres substances de synthèse. Pr Friedman

« Des données » alarmantes

Les chercheurs ont analysé les données des certificats de décès nationaux pour toutes les personnes décédées d'une overdose aux États-Unis entre 2010 et 2021.

Le pourcentage de décès par overdose au cours de cette période de 12 ans impliquant à la fois du fentanyl et des stimulants est passé de 0,6 % (235 décès) en 2010 à 32,3 % (34 429 décès) en 2021, rapportent-ils.

« Cela recouvre une co-utilisation intentionnelle (dans le cas, par exemple, de l'utilisation conjointe de fentanyl et de méthamphétamine) mais aussi une utilisation non intentionnelle de fentanyl et de stimulants », a déclaré la chercheuse principale Chelsea L. Shover, PhD, de l'UCLA, à Medscape Medical News.

Selon Mme Shover, il est difficile de dire, à partir des données, quelle est la part de l'intentionnel et celle du non intentionnel, mais sur la base d'autres recherches qu'elle a effectuées, elle attribuerait la plupart des cas à une co-utilisation intentionnelle.

Les données montrent que les décès par overdose de fentanyl/stimulant touchent de manière disproportionnée les communautés raciales/ethniques minoritaires aux États-Unis, notamment les Noirs, les Afro-Américains et les Amérindiens.

La consommation de fentanyl/stimulants présente en outre des caractéristiques géographiques "notables". Dans le nord-est des États-Unis, le fentanyl a tendance à être associé à la cocaïne, tandis que dans le sud et l'ouest des États-Unis, il est le plus souvent associé à la méthamphétamine.

Des tendances qui évoluent rapidement

« Nous pensons que cette tendance reflète la disponibilité croissante et la préférence pour la méthamphétamine de grande pureté à bas prix dans tous les États-Unis, et le fait que le Nord-Est a un modèle bien ancré de consommation de cocaïne illicite qui a jusqu'à présent résisté à la prise de contrôle complète par la méthamphétamine observée ailleurs dans le pays », a déclaré Joseph Friedman dans le communiqué de presse.

Les auteurs notent que le paysage des overdoses dues à la polytoxicomanie a évolué « très rapidement. Par conséquent, même les résultats les plus récents peuvent ne représenter que des instantanés de dynamiques changeantes qui ne tarderont d’ailleurs pas à changer ».

Les chiffres de ce rapport sont "alarmants", a déclaré à Medscape Medical News la Dre Nora Volkow, directrice de l'Institut national sur l'abus des drogues, qui n'a pas participé à l'étude.

« Ce qui est très inquiétant, c'est que [les décès par overdose] ne diminuent pas à mesure que nous sortons de la période pandémique, comme je m'y étais attendue », a déclaré la Dre Volkow.

« Une autre tendance alarmante », a déclaré Nora Volkow, est « l'augmentation de la vente sur le marché noir de médicaments de prescription contrefaits contenant des fentanyls illicites et souvent mélangés à d'autres substances illicites telles que des stimulants, des benzodiazépines, de la xylazine et d'autres opioïdes. »

Selon la Dre Volkow, les études de ce type sont "importantes" pour suivre l'évolution des tendances de consommations car elles changent constamment.

« Ce qui était vrai, par exemple, il y a trois ans, n'est peut-être plus très pertinent aujourd'hui, surtout si l'on tient compte de l'énorme hétérogénéité qui règne aux États-Unis », a souligné Nora Volkow.

Ce qui est très inquiétant, c'est que [les décès par overdose] ne diminuent pas à mesure que nous sortons de la période pandémique, comme je m'y étais attendue. Dre Volkow

 

La France est-elle concernée ?
« Si la situation française n’est en aucun cas comparable avec la crise des surdoses aux opioïdes en Amérique du Nord, les récentes vagues de surdoses dans l’Hérault et en Seine-Saint-Denis montrent que la France est également concernée par cette question », écrivait la Fédération Addiction dans un communiqué du 31 août dernier. Elle rappelle que bon nombre des décès liés à des surdoses sont évitables : ils sont le résultat d’un manque d’accès aux soins et de politiques inadaptées. Les professionnels de l’addictologie représentés par la Fédération Addiction proposent trois mesures immédiates pour diminuer le nombre de morts par surdose dans notre pays :
1. généraliser l’accès à la Naloxone, le médicament antidote des surdoses d’opiacés ;
2. ouvrir de nouveaux espaces de consommation sécurisée : les haltes soins addictions, déjà prévues par la loi ;
3. supprimer les sanctions pénales pour simple consommation de drogues.

 

L'étude a été financée par le programme de formation des scientifiques médicaux de l'UCLA (subvention de formation de l'Institut national des sciences médicales générales) et par l'Institut national sur l'abus des drogues. Les chercheurs Friedman, Shover et Volkow ne font état d'aucune relation financière pertinente.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé Fentanyl-Laced Stimulants Fuel Opioid Crisis' Fourth Wave. Edité et complété par Stéphanie Lavaud.

 

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