Amsterdam, Pays-Bas – Un test sanguin par prélèvement capillaire au bout des doigts pourrait identifier avec précision des biomarqueurs clés de la maladie d'Alzheimer (MA) sans nécessiter les procédures strictes des techniques actuellement utilisées dans les essais cliniques.
Ces données, issues d'une étude pilote, ont été dévoilés à l'occasion de la conférence internationale de l'Alzheimer's Association (AAIC) 2023 qui a réuni les plus grands spécialistes de cette maladie [1].
« L'étude a montré que nous sommes capables de détecter une large gamme de biomarqueurs liés à la MA dans le sang veineux déposé et séché sur un papier buvard, mais aussi dans le sang capillaire recueilli par une piqûre au doigt », a indiqué Hanna Huber (Institut de neuroscience et de physiologie de l'université de Göteborg, Mölndal, Suède), l'investigatrice principale de cette étude à Medscape Medical News.
Une simple goutte de sang
L'utilisation d'échantillons de sang pour détecter l'amyloïde et d'autres marqueurs de la MA - notamment le neurofilament léger (NFl), la protéine acide fibrillaire gliale (GFAP) et la protéine tau phosphorylée (p-tau) - est devenue une procédure standard pour le suivi des patients dans le cadre des essais cliniques. Mais ceci nécessite un échantillonnage sur site avec des contraintes de temps et de température.
Pourrait-on simplifier la procédure pour accroître l'utilité de ces biomarqueurs clés ? Hanna Huber et ses collègues ont mené une étude pilote sur une nouvelle façon de les quantifier dans les taches de sang sec capillaires et veineuses.
Le test consiste à déposer un petit échantillon de sang sur un papier buvard où il sèche à température ambiante. 77 volontaires qui fréquentaient une clinique de la mémoire à Barcelone en Espagne ont été recrutés.
Des échantillons de sang capillaire ont été prélevés par prise de sang classique et par piqûre au doigt, comme pour la glycémie. Pour 28 participants, les chercheurs ont également obtenu des échantillons de liquide céphalorachidien, qui représentent « l'étalon-or absolu du diagnostic de la MA », a rappelé Nicholas Ashton, co-investigateur de l'étude, à Medscape Medical News. Prélevés à Barcelone, les échantillons de sang ont été expédiés pendant la nuit sans contrôle de température ni refroidissement à Göteborg, en Suède. La présence de biomarqueurs de la MA a été alors recherchée.
« Nous sommes capables de mesurer la NFl, la GFAP et la protéine tau phosphorylée, des marqueurs établis de la MA, en une seule piqûre au doigt, ce qui signifie qu'il n'est pas nécessaire de centrifuger ou de congeler l'échantillon, et que cela peut être fait n'importe où », a indiqué Nicholas Ashton.
En outre, les investigateurs ont constaté une « très bonne relation » entre les informations provenant du sang obtenu par la méthode normale et celles provenant d'une simple piqûre au doigt.
Si le test est validé dans le cadre d'essais plus importants, on peut imaginer qu'à l'avenir les patients souffrant de troubles de la mémoire pourraient être évalués à distance en effectuant un test de mémoire standard en ligne et en utilisant un buvard envoyé par la poste.
Non seulement un diagnostic plus précoce serait facilité, mais ce type de test permettrait de suivre régulièrement la réponse au traitement. Un point particulièrement important pour Nichols Ashton maintenant que des médicaments modificateurs de la maladie sont disponibles.
« Si vous recevez l'un de ces traitements, vous pouvez envoyer des tests à un laboratoire pour voir comment vous progressez sous traitement. Il ne s'agit pas d'un simple contrôle général tous les six mois lorsque l'on prend un médicament ; il peut être suivi sur une base hebdomadaire et personnalisé en fonction de la personne qui prend le médicament », a détaillé le chercheur.
D'après les résultats de cette étude pilote, les échantillons restent stables jusqu'à un mois à température ambiante, ce qui est "très encourageant", même si le prélèvement de sang sans surveillance pose encore quelques problèmes, a nuancé Nicholas Ashton.
Invité à commenter ce travail pour Medscape Medical News, Percy Griffin directeur scientifique de l'Alzheimer's Association, a déclaré que le fait que des échantillons de sang prélevés au doigt puissent être séchés et expédiés pendant la nuit sans contrôle de température pourrait conduire à des diagnostics plus précoces et plus précis de la MA dans des régions disposant de peu de ressources. En outre, ce type de test pourrait faciliter le suivi des patients à haut risque recevant des traitements.
Toutefois, il précise qu'il s'agit d'une étude pilote et que les résultats doivent être reproduits.
Diagnostic de la MA par le médecin généraliste : l’intérêt des biomarqueurs sanguins
En parallèle, une autre étude présentée à l'AAIC 2023 [2 ]a montré qu'un test sanguin pour la pathologie de la MA améliore considérablement la précision du diagnostic dans les soins primaires. « Nous avons maintenant des données en faveur de l'utilisation de biomarqueurs sanguins dans la pratique clinique », a déclaré à Medscape Medical News Sabastian Palmqvist (Université de Lund, Suède) qui a mené cette étude. Celle-ci a porté sur 307 patients de 25 centres de soins primaires en Suède, âgés de 76 ans en moyenne et présentant des troubles cognitifs.
Après un bilan standard, comprenant un dépistage cognitif, une imagerie, une évaluation clinique et l'élimination des causes secondaires, les médecins de premier recours étaient interrogés sur la cause la plus probable des troubles cognitifs dont se plaignaient leur patient et dans quelle mesure ils étaient sûrs de leur diagnostic.
Par ailleurs, les chercheurs disposaient des données sur les biomarqueurs plasmatiques, notamment le taux de protéine-tau phosphorylée et le rapport Aβ42/Aβ40, qui permettent d'orienter le diagnostic de MA avec une précision de 87%.
La précision des diagnostics des médecins était, elle, d'environ 55 %. « Pas mieux que le hasard », observe Sabastian Palmqvist. » Nous avons constaté qu'il était très difficile pour les médecins de famille de poser un diagnostic précis de la maladie d'Alzheimer », poursuit-il. Avant d'expliquer « Ce n'est pas qu'ils manquent de discernement, c'est simplement qu'ils n'ont pas les bons outils ».
Percy Griffin, quant à lui, a rappelé que l'imprécision « conduit trop souvent à un traitement potentiellement inapproprié ». Compte tenu des récentes autorisations de médicaments anti-amyloïdes, ces deux études sont « opportunes et importantes », a-t-il déclaré. « Pour tous ces traitements, il faut confirmer l'accumulation de bêta-amyloïde, qui est un biomarqueur à surveiller ».
Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Finger-Prick Blood Test Promising for Alzheimer's Diagnosis, Monitoring. Edité par Marine Cygler.
Financements et liens d’intérêts
L'étude pilote sur le test avec le prélèvement au doigt a été financée par le Fonds Alzheimer de Suède. L'étude sur les soins primaires a été financée par l'Alzheimer's Association. Les chercheurs n'ont pas rapporté de lien d'intérêt.
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Crédit de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2023
Citer cet article: Un test sanguin capillaire prometteur pour le diagnostic et le suivi de la maladie d'Alzheimer - Medscape - 20 sept 2023.
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