France — À l’heure où l’assurance maladie s’apprête à reprendre les négociations conventionnelles avec les syndicats médicaux, l’association Les Libéraux de santé a fait le point sur le devenir de l’outil conventionnel.
Colloque de rentrée
La convention est-elle un outil suffisamment puissant pour manager les professionnels de santé ? C'est la question que s'est posée l'association les Libéraux de santé, lors de leur colloque de rentrée le 12 septembre dernier. Pour en discuter, outre l'ancien président des Libéraux de santé Sébastien Guerard, étaient invités le patron de la Caisse nationale d'assurance maladie Thomas Fatôme, mais aussi le président de la CSMF le Dr Franck Devulder, et la conseillère technique du syndicat les chirurgiens-dentistes de France (CDF) Catherine Mojaïsky.
D'emblée, Thomas Fatôme a tenu à dissiper le pessimisme qui règne sur l'avenir des négociations conventionnelles : « entre avril et juillet, nous avons réussi à négocier des accords avec presque toutes les professions de santé : orthoptistes, dentistes, infirmiers, sage-femmes... Ce système parfois critiqué quand il ne marche pas, comme avec les syndicats de médecins, fonctionne encore la plupart du temps, mais il n 'est pas figé, il doit évoluer et on doit le faire vivre », a introduit Thomas Fatôme.
Accord interprofessionnel
Sébastien Guerard, s'il reste favorable à la convention, pense qu'elle pêche en matière d'accord interprofessionnel : « On ne peut pas négocier des forfaits de coordination des professionnels de santé à tous les étages, dans le cadre de l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI), ou dans l'accord cadre interprofessionnel (ACIP). Il faut que ce soit régi par un seul et même accord, donc il faut négocier au niveau de l'union nationale des professionnels de santé (UNPS) plutôt que dans le cadre de l'ACI ou de l'ACIP. »
Autre pierre d'achoppement : la périodicité des négociations conventionnelles. « Une négociation tous les 5 ans dans un climat où il y a une forte tendance au populisme à cause de l'explosion de l'influence des réseaux sociaux, cela devient de plus en plus difficile à porter. Les professionnels de terrain attendent de ces négos des rattrapages sur l'inflation mais ne sont pas prêts à mettre en œuvre des contreparties qui sont contraignantes. Un calendrier de négociations plus resserré permettrait une mise en application plus rapide des mesures », propose Sébastien Guerard.
Inflationnisme
Si Thomas Fatôme ne s'oppose pas à une réforme de la convention, en revanche il souhaite y apporter des nuances. « Il est nécessaire de se poser ces questions sur l'évolution du système, mais je ferai quelques remarques : je ne suis pas sûr que le ministère de l'Économie serait d'accord pour que les délais d'application des accords conventionnels soient plus resserrés, cela peut avoir des conséquences inflationnistes. Par ailleurs sur l'interprofessionnel, il faut rendre ces accords plus facilement "signables". Je ne citerai qu'un exemple : nous avons négocié un bon accord sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) mais l'appétence des syndicats pour cet accord était diverse. Résultat, l'accord n'a pas pu être signé et on ne peut pas déployer d'assistants médicaux dans les MSP car les syndicats de médecins et de paramédicaux n'étaient pas d'accord. »
Accord trop complexe
À propos d'échec de négociations, Franck Devulder, président de la CSMF, avance ses raisons pour expliquer l'absence d'accord conventionnel avec les médecins : « quand on échoue, c'est un échec partagé, pour moult raisons : je pense que la convention était trop compliquée, on a essayé d'embrasser trop large, alors que les professionnels demandaient des solutions simples. »
Catherine Mojaïsky, plaide pour que la Cnam, dès l'ouverture des négos, fasse toute la transparence sur le montant de l'enveloppe allouée. Une proposition qui laisse Thomas Fatôme sceptique. « Il est assez compliqué d'être transparent sur l'enveloppe financière, car elle n'est pas forcément stabilisée au début des négociations. Par ailleurs, annoncer d'emblée le montant de l'enveloppe peut parfois bloquer les négociations, parfois pas. Chaque négociation est unique. Il est un fait : nous devons maintenant faire avec les réseaux sociaux, et être plus transparent sur les chiffres et les explications. Pour autant, nous n'allons pas rendre publique la totalité de la négociation. »
Garantie sur l’indépendance
Sur l'accord interprofessionnel concernant les MSP, Sébastien Guerard a tenu à répondre au patron de l'assurance maladie : « on n'avancera pas sur ce sujet, tant que l'on n'aura pas des garanties d'autonomie et d'indépendance des professionnels. Nous sommes prêts à travailler avec vous mais il nous faut des garanties. »
Quid des prochaines négociations conventionnelles ?
À compter du 1er novembre prochain, les discussions avec les dentistes et les médecins pourraient reprendre. Pour autant les problèmes restent entiers, a rappelé Thomas Fatôme. « Les problèmes n'ont pas disparu : il y a moins de médecins, plus de patients, il faut faire preuve de plus de sobriété, il faut être imaginatif pour proposer des choses nouvelles. Le « compromis » n'est pas un mot qu'il faut rejeter. Il faut que la qualité et la pertinence des soins soient aussi incluses dans nos négociations. »
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Crédit de Une : BSIP
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Citer cet article: Faut-il réformer la convention ? - Medscape - 21 sept 2023.
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