Amsterdam, Pays-Bas — Les patients atteints d'un diabète sont deux à quatre fois plus à risque de maladie coronaire, d'AVC ou encore d'insuffisance cardiaque que les non-diabétiques. Et lorsqu'ils sont atteints d'une maladie cardiovasculaire, les pronostics sont moins bons.
Or, la prévalence du diabète ne cesse d'augmenter : on estime que 537 millions de personnes étaient concernées dans le monde en 2021 (soit 10,5%), ils devraient être 783 millions en 2045 (12,2%).
Diminuer le risque cardiovasculaire de tous ces individus est un enjeu essentiel. L'effet cardiovasculaire protecteur de certains médicaments, prouvé par des études récentes, a poussé la Société européenne de cardiologie (ESC) à élaborer de nouvelles recommandations sur la prise en charge des maladies cardiovasculaires des patients diabétiques.
Ces nouvelles recos ont été présentées au congrès 2023 de la Société européenne de cardiologie (ESC)[1] et publiées dans l'European Heart Journal[2].
A la différence des précédentes datant de 2019, elles ne reprennent pas le concept de risque CV associé au pré-diabète faute de preuves. En revanche, elles insistent sur le dépistage des maladies cardiovasculaires et des atteintes rénales chez les diabétiques et du diabète chez les patients dont la maladie cardiovasculaire vient d'être diagnostiquée, elles introduisent un score de risque d'événement CV et elles reviennent sur l'utilisation des agonistes du GLP1, des inhibiteurs du SGLT2 ou encore de la finérénone à l'aune des publications scientifiques les plus récentes.
Présentation des points essentiels de ce document.
Dépister les diabétiques parmi les patients avec une MCV et dépister les comorbités CV et rénales des patients diabétiques
Etant donné la prévalence du diabète chez les patients avec une MCV, le groupe de travail dirigé par le Pr Nikolaus Marx (université d'Aix la Chapelle, Allemagne), recommande un dépistage systématique du diabète au moyen d'un test de glycémie à jeun et/ ou d'une mesure de l'hémoglobine glyquée chez toutes les personnes avec une MCV.
Le diabète est défini pour un glucose à jeun ≥7,0 mmol/L (≥126 mg/dL) ou une HbA1c ≥48 mmol/mol (≥6.5%).
« Ce sont des outils faciles pour détecter un diabète », a-t-il commenté lors de sa présentation orale. Il a rappelé aussi que « la concomitance du diabète et de comorbidités CV a un impact majeur sur le pronostic mais aussi sur les stratégies thérapeutiques ». Aujourd'hui, on estime que 25 à 40 % des patients suivis pour une MCV ont un diabète non-diagnostiqué, a-t-il précisé.
Le document précise aussi que les symptômes d'une MVC doivent être recherchés chez les diabétiques. Une place importante est donnée à l'insuffisance cardiaque dont les manifestations cliniques doivent être recherchées par les médecins non-cardiologues (médecin généraliste, diabétologues) par un examen clinique et un dosage du peptide natriurétique.
Le cardiologue doit, lui, également dépister les atteintes rénales qui peuvent conduire à une insuffisance rénale et qui ont un impact CV majeur. Les nouvelles recommandations précisent que cette évaluation doit être annuelle avec mesure du DFG et du taux urinaire d'albumine. Les patients avec un DT2 et une maladie rénale chronique doivent être mis sous inhibiteur de SGLT2 (gliflozine) et/ ou de la finérenone pour réduire le risque CV et d'aggravation de l'insuffisance rénale.
« Dès que l'on voit un diabétique, il faut se préoccuper du cœur et du rein. Il ne faut pas attendre qu'il y ait des complications. Il faut développer des dépistages car lorsque l'on voit l'incidence de l'insuffisance cardiaque et des complications CV et rénales chez ce type de patients et surtout l'intérêt des traitements précoces, on se dit qu'il ne faut pas perdre du temps. » en convient le Dr Maxime Guenoun.
Interrogé par Medscape édition française, le cardiologue marseillais considère d'ailleurs qu'« agir en amont avec la perception que le diabète est une maladie ubiquitaire, que le problème n'est pas uniquement la glycémie mais de protéger le coeur et le rein de ces patients est le message fort de ces recommandations ».
Un nouveau score de risque CV pour les diabétiques
Les experts de l'ESC introduisent un nouveau score, le SCORE2-Diabetes , qui évalue le risque cardiovasculaire des diabétiques âgés entre 40 et 69 ans en prévention primaire. L’application mobile « ESC CVD risk calculation » permet de le calculer.
Ce nouvel algorithme permet d'estimer le risque à 10 ans d'infarctus du myocarde, fatal ou non, et d'AVC chez les patients atteints de diabète de type 2 sans symptôme CV ni atteinte des organes. Il intègre les facteurs de risque CV traditionnels, comme l'âge, le statut vis-à-vis du tabac, la pression artérielle et la cholestérolémie mais aussi des informations spécifiques au diabète, tels que l'ancienneté du diabète, l'hémoglobine glyquée et la fonction rénale.
Les patients sont classés selon leur risque – faible (<5%), modéré (5 à <10%), élevé (10 à <20%) ou très élevé (≥20%), ce qui permet d'orienter le praticien dans ses décisions thérapeutiques. Les patients dont le risque d'être concerné par un événement CV à dix ans est supérieur à 20% rejoignent ainsi le niveau de risque des patients diabétiques ayant une autre maladie cardiovasculaire établie, et donc devraient bénéficier de la même stratégie thérapeutique.
Le bénéfice cardiovasculaire avant le contrôle glycémique
L'arrivée de médicaments anti-diabétiques dont différents essais cliniques ont montré l'efficacité dans la protection CV a fait évoluer les recommandations concernant la stratégie thérapeutique, laquelle fait passer désormais le bénéfice cardiovasculaire avant le contrôle glycémique. « Il ne faut pas négliger la glycémie mais nous avons été très glucocentrés. Il faut changer de vision. » considère le Dr Guenoun. « Jusque-là, les diabétiques à risque cardiovasculaire avaient une molécule pour le contrôle glycémique, la metformine dont on n’était même pas sûrs qu'elle améliorait leur pronostic cardiovasculaire », rappelle, quant à lui, le Pr Faiez Zannad (CHU Nancy, France) à Medscape édition française. « Là, tout d'un coup nous avons deux voire trois médicaments supplémentaires : la finérénone, les inhibiteurs SGLT2 et les agonistes du GLP-1 », poursuit-il.
De fait, les recos ESC2023 donnent désormais une place « officielle » aux inhibiteurs du SGLT2 et aux agonistes des récepteurs du GLP-1 pour réduire le risque d'IM et d'AVC chez tous les patients atteints de diabète et de MCV, indépendamment du contrôle glycémique, et en complément des traitements antiplaquettaires, antihypertenseurs et hypolipidémiants standard. « Il n'est plus imposé de commencer par prescrire de la metformine. Le niveau de preuves est beaucoup plus fort avec les I-SGLT2 et les agonistes du GLP-1 qu'avec la metformine », souligne le Dr Guenoun.
Concernant le choix de la molécule, « les agonistes de GLP-1 devraient être préférentiellement prescrits aux patients obèses mais il n'y a pas de recommandation pour prescrire la finérénone ou les ISGLT2 d'abord dans les autres cas. Le médecin peut choisir », indique le Pr Zannad.
Le Dr Guenoun est plus circonspect concernant les agonistes de GLP1. « Il est difficile de faire la part des choses entre la réduction pondérale, l'amélioration métabolique et un effet CV propre (Lire Semaglutide dans l’IC avec obésité : une analyse critique des résultats de STEP-HFpEF) alors qu'avec les i-SGLT2 le mécanisme d'action est clair », explique-t-il.
Enfin, le groupe de travail de l'ESC rappelle que les femmes sont sous-représentées dans les essais cliniques alors que le diabète est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire plus important chez elles que chez les hommes. Si les données issues de grands essais cliniques n'indiquent pas la nécessité de traitements différents selon le sexe, les experts préconisent des stratégies de recrutement équilibrées entre les sexes pour les futurs essais cliniques, ainsi que des analyses pré-spécifiées portant sur les différences entre les sexes.
Financements et liens d’intérêts
Le Pr Faiez Zannad a déclaré les liens d’intérêt suivants : Membre de comité de direction d’essais cliniques : Actelion, Amgen, Applied Therapeutics, Bayer, Boehringer, Boston Scientific, Novartis, Janssen, Cellprothera, CEVA et CVRx
Membre de comité de conseil: AstraZeneca, Vifor Fresenius, Cardior, Cereno pharmaceutical, Corvidia, Merck, Myokardia, NovoNordisk et Owkin,
Stock options à G3Pharmaceutical, et fondateur de CardioRenal et the Global Cardiovascular Clinical Trialist Forum.
Le Dr Maxime Guénoun a déclaré avec les liens d’intérêt suivants : AstraZeneca, BMS, Boehringer Ingelheim, Vifor, Pfizer, Bayer Healthcare, Amgen, Novo Nordisk, Lilly.
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Crédit de Une : DR
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Citer cet article: Recommandations européennes sur la prise en charge CV des diabétiques : des changements majeurs - Medscape - 18 sept 2023.
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