L’asthme aussi fait sa rentrée des classes

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

4 septembre 2023

Paris, France – Les années se suivent et se ressemblent : au cours des deux premières semaines de la rentrée scolaire, on observe un pic des recours aux soins d’urgence pour asthme chez les enfants de moins de 15 ans. Le relâchement de l’observance du traitement de fond pendant les vacances, l’exposition aux allergènes à l’école et la recrudescence des infections virales respiratoires lors de la reprise de la vie en collectivité expliquent ce phénomène, qu’il est possible d’anticiper.

Dès les premiers jours de septembre, les recours pour asthme augmentent rapidement chez l’enfant (passages aux urgences et appels à SOS Médecins). Un pic est observé environ deux semaines après la rentrée scolaire, constate Santé Publique France, qui vient de relancer sa surveillance épidémiologique.

Dans son premier point hebdomadaire du 22 août 2023 [1], l’institution observe un léger frémissement dans la zone Océan Indien, et le calme avant la tempête sur le territoire national.

L’an dernier, en 2022, entre la semaine 35 et la semaine 36, les hausses étaient respectivement de + 82 % (SOS Médecins), de + 169 % (urgences) et de + 33 % (hospitalisations).

Ces données sont similaires à celles des 3 années précédentes [2]. Pour l’expliquer, les auteurs de cette surveillance au moyen du dispositif SurSaUD® avancent la recrudescence des épisodes d’infections virales respiratoires lors de la reprise de la vie en collectivité après les vacances scolaires d’été.

En effet, les exacerbations viro-induites sont en majorité causées par les rhinovirus qui circulent toute l’année mais encore plus en saison automno-hivernale. Ceux-ci sont potentiellement à l’origine d’épidémies lors du retour en collectivité. Par ailleurs, l’arrêt fréquent du traitement de fond de l’asthme (corticoïdes inhalés seuls ou en association avec les bronchodilatateurs de longue durée d’action) pendant les vacances joue également un rôle prépondérant dans ce phénomène récurrent.

L’été, l’observance est en vacances

Dre Flore Amat

La Dre Flore Amat, pneumopédiatre allergologue et médecin coordonnateur de l’École de l’asthme Zéphyr (Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris) le concède : « Les vacances estivales sont souvent une période de relâchement de l’observance du traitement de fond ». Avertis, les médecins préfèrent alors négocier : « Pour une part des enfants et adolescents asthmatiques, l’allègement des traitements s’envisage avec notre aval, précise-t-elle. En juillet-août, la faible circulation virale et le temps sec limitant le risque de crise d’asthme, nous pouvons nous permettre de réduire la posologie des traitements de fond, voire de les suspendre. Avec la consigne répétée aux parents et aux enfants de les reprendre une quinzaine de jours avant la rentrée, ce qui correspond au délai minimal d’efficacité des corticoïdes inhalés ». Sans surprise, certains l’oublient ou s’abstiennent.

Reprendre une quinzaine de jours avant la rentrée, ce qui correspond au délai minimal d’efficacité des corticoïdes inhalés   Dre Flore Amat

Dr Frédéric le Guillou

Deux autres phénomènes contribuent à l’augmentation des crises d’asthme chez les enfants début septembre, dont la première a trait à l’exposition aux allergènes, notamment aux acariens. « 90 % des enfants asthmatiques sont allergiques, souligne le Dr Frédéric le Guillou, pneumologue et président de Santé Respiratoire France, association mixte patients-professionnels de santé. Pour rappel, l’asthme, première maladie chronique de l’enfant, a une prévalence estimée entre 8 et 10 % chez l’enfant et l’adolescent. Le nombre d’enfants concernés est donc considérable. »

Car si les acariens sont perannuels, leurs pics de reproduction surviennent essentiellement en saison humide (mars-avril et septembre-octobre-novembre), d’où un risque de rechute à la rentrée chez les enfants asthmatiques allergiques aux acariens. « Chez eux, la présence éventuelle de signes de rhinite allergique non maîtrisée doit être évaluée, ajoute la Der Flore Amat, comme un encombrement nasal permanent, une rhinorrhée… ».

Enfin, au rang des explications probables pour ce pic de crises d’asthme figure également « le stress et l’anxiété générés par le contexte scolaire et la réorganisation du rythme de vie », complète Flore Amat.

 

L’asthme, première maladie chronique de l’enfant, a une prévalence estimée entre 8 et 10 % chez l’enfant et l’adolescent Dr Frédéric le Guillou

 

La rentrée, l’occasion d’un check-up de l’enfant asthmatique

Une consultation pneumologique de rentrée chez l’enfant et l’adolescent asthmatiques est l’occasion de vérifier le bon contrôle de l’asthme et de réviser éventuellement le traitement de fond. « Se référer aux rentrées et aux hivers précédents est instructif pour adapter le schéma thérapeutique, conseille Flore Amat. Si le traitement de fond a été suspendu durant l’été, c’est alors l’opportunité de le prescrire à nouveau ou de le modifier, si par exemple la posologie des corticoïdes inhalés n’a pas suffi à supprimer les crises l’année précédente. Le contrôle plus ou moins bon des symptômes au cours de l’été qui vient de se terminer, malgré le traitement, est un argument pour le renforcer pour aborder l’automne-hiver. Enfin, les facteurs aggravant le mauvais contrôle de l’asthme doivent être pris en charge (antihistaminiques et corticoïdes intranasaux dans la rhinite allergique, immunothérapie spécifique dans les asthmes contrôlés mais avec des symptômes allergiques importants). »

Dre Madiha Ellaffi

La consultation de rentrée constitue aussi l’opportunité de réaliser une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR), si celle-ci n’a pas été effectuée depuis 1 an en cas d’asthme sous contrôle. « L’EFR est indiquée dans les trois mois qui suivent la modification du traitement de fond, note le Dr Amat, tous les 3 à 6 mois en cas d’asthme mal contrôlé, ainsi qu’à distance de l’arrêt d’un traitement de fond ou dans une optique d’arrêt ou de suspension prolongée du traitement. »

 

Évaluer le risque de crise d’asthme de rentrée en fonction du bilan allergologique et des antécédents de l’enfant est judicieux Dr Madiha Ellaffi

 

Le distinguo entre un asthme difficile (non-optimisation des thérapeutiques, mauvaise observance, persistance d’allergènes…) et un asthme sévère, maladie à part entière, peut être fait au décours de ce bilan pneumologique de rentrée. En centre expert, les enfants souffrant d’asthme sévère (non contrôlé par le traitement combiné par corticoïdes à dose maximale-bronchodilatateurs à dose maximale) pourront, à l’instar des adultes, bénéficier de certaines biothérapies. Celles-ci sont disponibles pour une grande part d’entre-elles dès l’âge de 6 ans (l’anticorps anti-IgE omalizumab, l’anticorps monoclonal anti-IL5 mépolizumab et l’anti IL-4 dupilumab, dans les asthmes sévères hyperéosinophiliques allergiques ou non) ou à partir de l’âge de 12 ans pour le tezepelumab (anti-TSLP). Le benralizumab (anti IL-5) possède une AMM uniquement chez l’adulte.

 

Le commentaire de la Dre Madiha Ellaffi, pneumologue (Albi)

« Lorsque l’enfant vit habituellement des étés plutôt calmes, sans allergies saisonnières estivales à certains pollens ou moisissures (Alternaria , certaines herbacées…) qui nécessitent de maintenir un traitement de fond, on sait pertinemment que l’observance laissera souvent à désirer. Il vaut alors mieux « négocier » une pause estivale du traitement de fond lorsque celui-ci n’est pas très lourd ou l’asthme léger à modéré, tout en insistant sur la reprise du traitement de fond en amont de la rentrée scolaire. Une conduite à tenir en cas de crise d’asthme doit être expliquée, et le traitement éventuellement renforcé pour passer ce cap (doubler les doses de corticoïdes inhalés, etc.). En effet, cette période est propice aux exacerbations à cause du stress, du retour des élèves dans des classes confinées, des polluants libérés par les grands ménages de rentrée des établissements scolaires (libération de composés organiques volatiles notamment, irritants pour les voies respiratoires) et du manque d’aération des classes qui favorise la propagation de virus pouvant être source de décompensation de l’asthme. Je rappelle aussi aux parents toute l’importance de déceler les premiers symptômes (sifflements, toux, bronchite, gorge et nez qui grattent…), afin d’enrayer une crise d’asthme ou une atteinte sévère. J’insiste sur les principes de base comme le lavage de nez, le traitement de la rhinite allergique, laquelle peut exacerber un asthme, et la reprise des bonnes habitudes au domicile contre les acariens et les moisissures (aspiration, aération, etc.). Évaluer le risque de crise d’asthme de rentrée en fonction du bilan allergologique et des antécédents de l’enfant est judicieux, comme rajouter un traitement de la rhinite allergique s’il n’en avait pas. »


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LIENS :

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Comment bien prendre en charge une crise d’asthme aigu chez l’enfant?

Enfin des recommandations spécifiques pour traiter l’asthme de l’adolescent

Le traitement de l’asthme de l’adolescent en 2022, palier par palier

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