Annonce de la revalorisation des gardes : médecins et infirmiers circonspects

Jacques Cofard

1er septembre 2023

France – En déplacement à Rouen (Seine-Maritime) sur le thème de la santé ce jeudi, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé pour plus d'un milliard d'euros de revalorisations salariales au bénéfice des soignants à l'hôpital, en particulier pour le travail de nuit et le dimanche.

Sur le 1,1 milliard d'euros du coût d'ensemble, 600 millions correspondent à des revalorisations déjà annoncées, mais qui sont "pérennisées" et 500 millions concernent de nouvelles mesures, qui seront inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024, a précisé Matignon. Les organisations syndicales de soignants et de médecins notent un pas en avant, mais attendent plus.

Nuit : 25% de plus que le jour

Finalement c'est la première ministre Élisabeth Borne qui s'est chargé de faire l'annonce. Annoncées courant août par le ministre de la Santé Aurélien Rousseau , les mesures de pérennisation des revalorisations de salaires des personnels hospitaliers ont été officialisées hier lors d'un déplacement de la chef du gouvernement au CHU de Rouen.

« Ainsi, travailler de nuit sera à partir de janvier prochain, rémunéré 25% de plus que le jour. Pour le travail du dimanche et les jours fériés, l’indemnité actuelle sera valorisée via une hausse de 20% de l’indemnité forfaitaire. Pour les médecins, la revalorisation de 50% des gardes est pérennisée et élargie au secteur privé tandis que la rémunération des astreintes sera revue pour permettre un alignement par le haut sur le système qui existe dans le secteur privé », a annoncé dans un communiqué le cabinet d'Élisabeth Borne.

Les organisations syndicales désespéraient d’entendre un jour ces annonces. Surtout les organisations syndicales médicales, dont les négociations statutaires avaient été rompues le 12 mai dernier.

Nous sommes heureux de cette pérennisation mais enfin ce sera pour janvier 2024 Dr Jean-François Cibien

Fin des mesures transitoires au 31 août

Dans un récent communiqué, le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARE) tirait la sonnette d'alarme : la revalorisation de 50% des gardes, décidée par le ministre de la santé de l'époque François Braun l'été 2022, comme pour encourager les PH, était provisoire et devait prendre fin le 31 aout 2023 : « Le SNPHARE rappelle qu’à l’issue de la mission-flash Braun (juin 2022), des mesures de revalorisation transitoire des gardes avaient été décidées, dans l’attente de l’ouverture du chantier de la permanence des soins. D’arrêté en arrêté, ces mesures ont été jusqu’ici reconduites, oubliant systématiquement les astreintes à domicile. Le 31 août 2023, sauf parution in extremis d’un arrêté, ces mesures s’arrêteront. »

Reste que, pour le moment, après les annonces de la première ministre Élisabeth Borne, aucun décret n'a été publié et les mesures de revalorisation des gardes restent... transitoires. Contacté par Medscape, le Dr Jean-François Cibien, président de l'intersyndicale Action praticien hôpital, confirme cet état de fait : « Nous sommes heureux de cette pérennisation mais enfin ce sera pour janvier 2024. »

La question du week-end

S'il considère que cette mesure est un premier pas, Jean-François Cibien rappelle que le rapport de la mission flash du Dr François Braun de juin 2022 était plus ambitieux : « C'est une avancée mais la mesure 33 du rapport de François Braun recommandait une revalorisation de 100% des gardes car, entre 2003 et 2022, nous n'avons pas eu de compensation de l'augmentation du coût de la vie, et surtout nous avons dû endurer l'explosion de la pénibilité », ajoute le patron d'APH.

Autre point qui parait porteur d'espoir pour APH : la revalorisation des astreintes, sur le modèle du secteur privé : « les annonces sur la revalorisation des astreintes pour le moment sont un véritable flou artistique. Nous allons débuter des concertations sur ce sujet jusqu'en décembre. »

Quelques points noirs subsistent dans les annonces de la première ministre pour le président de l'intersyndicale APH, notamment sur la question du travail le week-end : « La forfaitisation reste malheureusement de mise pour les soignants le dimanche alors que le travail de nuit est rémunéré en pourcentage, à savoir 25%. Par ailleurs, le samedi matin est toujours considéré pour les praticiens hospitaliers comme une journée normale alors que c'est du travail de week-end. Idem pour les soignants, concernant la journée du samedi. »

Les annonces sur la revalorisation des astreintes pour le moment sont un véritable flou artistique Jean-François Cibien

Les infirmiers sceptiques

Le Dr Cibien espère par ailleurs recevoir prochainement de la part de Marie Daudé, directrice générale de l'offre de soins, un nouveau calendrier de négociations, puisque les partenaires sociaux ne se sont plus vus depuis mai dernier.

Coté infirmier, on accueille ces annonces avec circonspection. Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC, reste mi-figue mi-raisin : « C'est peu de choses par rapport à ce qui est attendu et nécessaire. Le point positif de ces annonces : pour la première fois, au niveau de la prime de nuit, cela sera proportionnel au salaire, et c'est quelque chose d'important, ce ne sera pas seulement un forfait, ça va tenir compte de l'expérience du professionnel. En termes de pourcentage, on aurait pu aller au-delà des 25%. Pour ce qui est de la prime du dimanche, 20% de 49 euros, ça fait 9,80 euros et ça ne va pas changer la face du monde.

Nous attendons d'être payés pour nos compétences, mais les salaires restent les mêmes. On reste à -10% par rapport au salaire infirmier européen moyen. En Suisse, le salaire est doublé par rapport au salaire français et en Belgique il est supérieur de 30%. Mais l'essentiel, c'est le nombre de patient par infirmier : si les conditions de travail ne changent pas, la situation ne va pas évoluer. D'après les normes internationales, un infirmier doit prendre en charge en moyenne 8 patients, en France c'est le double et c'est pour cela qu'une infirmière sur deux quitte la carrière au bout de dix ans. Nous constatons une perte de sens des professionnels, et c'est une insatisfaction pour les patients. »

Le point positif de ces annonces : pour la première fois, au niveau de la prime de nuit, cela sera proportionnel au salaire Thierry Amouroux

 

Angines, cystites : bientôt, des antibiotiques délivrés par le pharmacien

Dans la série d’annonces en faveur du système de la santé, Elisabeth Borne a aussi annoncé que les patients pourront bientôt se faire remettre des antibiotiques pour traiter angines et cystites sans passer par la case médecin. Le pharmacien pourra en effet directement délivrer un traitement, après un test rapide de diagnostic (TROD).

 

 

 

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