Insuffisance cardiaque et carence martiale : quid de la supplémentation en fer ?

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

1er septembre 2023

Amsterdam, Pays-Bas – Près de la moitié des patients avec une insuffisance cardiaque chronique et jusqu'à 80 % de ceux présentant une insuffisance cardiaque aiguë ont un déficit en fer. Cette carence martiale est associée à une aggravation des symptômes, une moins bonne qualité de vie et une diminution de la capacité d'exercice physique. Plusieurs études ont montré qu'une supplémentation en fer avaient un effet positif sur ces aspects. Qu'en est-il de la mortalité cardiovasculaire et des hospitalisations ? Autrement dit, des injections de carboxymaltose ferrique ont-elles un impact positif sur les événements cliniques majeurs ? Pour répondre à cette question, l'étude HEART-FID a évalué l'impact du carboxymaltose ferrique sur un critère composite hiérarchique comprenant mortalité, hospitalisations pour insuffisance cardiaque, distance parcourue au test de marche de 6 minutes. Présentés lors de l’ESC 2023, ces résultats montrent que la supplémentation est sûre mais à la limite de la significativité, ce qui suggère que le traitement apporte un effet modeste sur la survie à un an par rapport au placebo.

« Il s'agit de la plus grande étude jamais menée sur la sécurité à long terme et l'efficacité d'injection intraveineuse de carboxymaltose ferrique (FCM) chez les patients atteints d'IC à fraction d'éjection réduite présentant une carence en fer », a indiqué le Dr Robert Mentz (Duke University, Durham, États-Unis) lors de sa présentation [1].

L'étude HEART- FID, dont les résultats ont été publiés simultanément dans le NEJM [2], est un essai randomisé contrôlé en double-aveugle ayant inclus 3 065 participants présentant une IC avec fraction d'éjection réduite (≤40 %) associée à une carence en fer. Sélectionnés dans 14 pays, les participants recevaient, en plus de leur traitement contre l'IC, soit une injection de FCM soit un placebo. Au bout de six mois, l'injection était renouvelée selon le résultat du bilan sanguin.

Le critère primaire d'évaluation était un critère hiérarchique associant les décès toute cause à 12 mois, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque à 12 mois et le changement de la distance de marche de 6 minutes à 6 mois.

Un effet modeste de la supplémentation en fer

À 12 mois, 131 (8,6 %) patients du groupe traité et 158 (10,3 %) dans les groupes FCM et placebo sont décédés. Pendant la même période, il y a eu 297 hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans le groupe traité (concernant 204 patients, soit 13,3 %) et 332 dans le groupe placebo (concernant 227 patients, soit 14,8 %). Quant à la distance de marche en six minutes, le FCM permettait de gagner quatre mètres de plus que le placebo. Plus précisément, la distance moyenne parcourue en six minutes 6 mois après le début de l'essai était de 8±60 mètres dans le groupe traité, contre 4±59 mètres dans le groupe placebo. Les investigateurs ont procédé à une analyse en win ratio (FMC contre placebo), lequel est de 1,10. Cela signifie qu'il y a 10 % d'amélioration grâce au FMC, mais avec une différence non-significative (p = 0,02). 

Robert Mentz et ses collègues ont aussi regardé le délai jusqu'à la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou décès d'origine cardiovasculaire qui était le critère d'évaluation secondaire. Ils ont constaté qu'il y avait eu moins d'événements dans le groupe FCM (16 pour 100 patient-années) que dans le groupe placebo (17,3 événements pour 100 patient-années). Le hazard ratio était de 0,93 (IC 96 % [0,81-1,06]). Pour les seuls décès d'origine cardiovasculaire, le HR était de 0,86 (IC 96 % [0,72-1,03]).

Concernant la sécurité du traitement, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes (26,2 % dans le groupe traité et 27 % dans le groupe placebo) dans la survenue des effets indésirables, essentiellement de réactions allergiques ou d’hypersensibilité.

Revoir la définition de la carence en fer ?

La carence en fer est définie comme une ferritine inférieure à 100 ng/ml, ou une ferritine comprise entre 100 et 300 ng/ml avec un coefficient de saturation de la transferrine (CST) inférieur à 20 %.

Or, dans un éditorial qui accompagne l'article du NEJM [3], le Dr Pieter Martens et le Dr Wilfried Mullens de l'université de Hasselt en Belgique s'interrogent sur le fait que les participants aient eu une « véritable carence martiale » dans la mesure où le coefficient de saturation de la transferrine était relativement élevé chez les participants de HEART-FID (23,9 %±11,2 au recrutement). Or, « les analyses d'essais antérieurs suggèrent que le fer en IV n'a pas d'effet chez les patients dont le coefficient de saturation de la transferrine est supérieur à 20 % », écrivent-ils. Ils conseillent pour les futures analyses la prise en compte de la valeur du coefficient de saturation de la transferrine, lequel peut être élevé aussi chez les patients dont la ferritine est inférieure à 100 ng/ml.

 

Financements et liens d’intérêts

L'étude HEART-FID a été financée par American Regent (Daiichi Sankyo Group). Le Dr Mentz a des liens d'intérêt avec American Regent, Vifor et Pharmacosmos.

 

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