L’immunisation de tous les nourrissons contre le VRS débutera le 15 septembre : ce qu’il faut savoir

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

30 août 2023

Paris, France – Demandée par le Conseil national professionnel de pédiatrie avec le soutien des sociétés savantes pédiatriques nationales (SFP, GPIP, GRUP, SFN, SP2A), ainsi que par l’association des Pédiatres Ambulatoires (AFPA) et par le Collège de médecine générale, l’immunisation de tous les nourrissons, à risque ou non, contre l’infection à virus respiratoire syncytial (VRS) débutera dès le 15 septembre au moyen de l’anticorps monoclonal appelé « nirsevimab ». La France devient l’un des premiers pays au monde à encourager cette prophylaxie anti-VRS pour tous les nourrissons. 

Une nouvelle ère, axée sur le renforcement de la prévention, s’ouvre dans la lutte contre les infections à virus respiratoire syncytial (VRS) chez les nourrissons au moyen d’anticorps monoclonaux dès 2023 et probablement de vaccins dans les mois suivants.

 
La bronchiolite du nourrisson est fréquente et peut être grave, c’est pourquoi le nirsevimab constitue une avancée majeure en termes de santé publique Pr Cyril Schweitzer
 

Lors de la saison hivernale 2022-2023, le virus a fortement mis à l’épreuve les hôpitaux avec une épidémie de forte ampleur chez les nourrissons.

Cette année, les autorités sanitaires ont pris les devants et annoncent une campagne d’immunisation pour tous les nourrissons nés depuis le 6 février 2023 (date estimée de la fin de la dernière épidémie de bronchiolite à VRS 2023) [1,2]. L’objectif est d’éviter au maximum les formes graves de bronchiolite et les hospitalisations qui saturent les services hospitaliers concernés.

Le nirsevimab, pour tous les nourrissons

A partir du 15 septembre prochain, il sera donc possible de renforcer la prévention contre les infections à VRS chez le nourrisson au-delà de l’utilisation des gestes barrières, au moyen du nirsevimab en prophylaxie des bronchiolites à VRS du nourrisson (une unique injection intramusculaire, dans la cuisse/muscle vaste externe). Le nirsevimab (Beyfortus®, laboratoires Sanofi et AstraZeneca) est un anticorps monoclonal de longue durée d’action. Il cible la protéine F de fusion du VRS, la « clé » du virus pour infecter l’organisme.

Son AMM stipule « la prévention des infections des voies respiratoires inférieures causées par le VRS chez les nouveau-nés et les nourrissons pendant leur première saison d’exposition au virus ».

Début août, la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) avait accordé un avis favorable pour la prise en charge de Beyfortus® dans cette indication où ce produit pourrait éviter plus de 8 hospitalisations sur 10.

La bronchiolite en chiffres : 

- Chaque année 2 à 3 % des nourrissons de moins d’un an sont hospitalisés pour une bronchiolite.

- De 2010 à 2018, on a dénombré environ 45 000 hospitalisations/an associées au VRS, dont 69 % chez les enfants de moins d’un an.

- Plus largement, la bronchiolite touche chaque hiver près de 30 % des nourrissons de moins de 2 ans, soit environ 480 000 cas par an, et le VRS est responsable de la majorité des bronchiolites.

Pr Cyril Schweitzer

Pour le Pr Cyril Schweitzer, pédiatre au CHRU de Nancy et président de la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A), « la bronchiolite du nourrisson est fréquente et peut être grave, c’est pourquoi le nirsevimab constitue une avancée majeure en termes de santé publique ; de nombreuses études ayant montré qu’en France, 87 % des hospitalisations concernent des nourrissons nés à terme en bonne santé [3]. Cette prophylaxie était très attendue par la communauté, car cette pathologie infectieuse bénigne conduit pourtant à l’hospitalisation d’un très grand nombre de nourrissons, en secteurs conventionnels ou de soins intensifs. La dizaine de décès annuels concernent pour la plupart des enfants à risque (cardiopathies congénitales, maladies pulmonaires chroniques notamment les nouveau-nés porteurs de hernie congénitale diaphragmatique), mais peuvent aussi toucher les nourrissons exempts de pathologies spécifiques. Les études conduites avec le nirsevimab laissent supposer une efficacité très significative dès les premiers jours qui suivent l’injection sur toutes les formes d’infections à VRS, hospitalisées ou non, avec une immunisation satisfaisante dans les 150 jours post-injection. D’où la préconisation d’effectuer l’injection au cours du séjour en maternité. »

Récemment, l’étude randomisée ouverte Harmonie a inclus plus de 8000 nouveau-nés et nourrissons en bonne santé et a comparé le nombre d’hospitalisations pour bronchiolite à VRS entre ceux ayant reçu une injection unique de nirsevimab et ceux ayant reçu les soins standards. Le nombre d’hospitalisations pour bronchiolite à VRS était réduit de 83 % (0,3 % contre 1,5 %, p< 0,001) [4]. Dans la population spécifique des nouveau-nés prématurés, une étude (Phase IIb) a inclus les nouveau-nés de 29 à 34+6 SA sans indication de palivizumab et a comparé le nirsevimab à un placebo. Le nombre d’hospitalisations pour VRS était réduit de 78 % (0,8% contre 4,1%, p< 0,001).

Les professionnels de santé unanimes en faveur du nirsevimab 

La Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A), la Société de pneumologie de langue française (SPLF), le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique de la Société française de pédiatrie, la Société française de néonatologie (SFN) [4], l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), le Groupe francophone de réanimation et Urgences pédiatriques (GFRUP), le Collège de la médecine générale... Tous les professionnels dont les sage-femmes ont pris position depuis quelques mois en faveur de l’utilisation très large du nirsevimab.

Les bénéfices individuels et collectifs de l’immunisation des nourrissons contre le VRS sont multiples, avec en premier lieu l’intérêt de retarder le plus possible la primo-infection de l’enfant. Celle-ci est quasi systématique chez tous les enfants de moins de 2 ans, mais plus grave chez les nourrissons âgés de moins de 3 ou 6 mois. D’autres considérations ont pesé dans la balance comme la possibilité avec le nirsevimab de diminuer le poids de la maladie chez l’enfant ou le sujet âgé et son entourage, de réduire l’impact de la maladie sur la société et bien entendu de désengorger le système de soins et les urgences lors de la période épidémique.

 
La HAS préconise l’emploi du nirsevimab plutôt que du palivizumab, même chez les enfants à risque car plus simple d’utilisation (d’où une amélioration du service médical rendu), avec donc moins de ratés dans les prises en charge
 

Jusqu’alors, il n’existait qu’un traitement pharmacologique préventif (le palivizumab, un anticorps monoclonal anti-VRS), relativement contraignant (doses allant crescendo avec le poids de l’enfant), avec une durée d’efficacité relativement courte (1 mois) et administré uniquement aux bébés les plus fragiles (les grands prématurés, en particulier ceux souffrant d’une maladie respiratoire).

« La HAS préconise l’emploi du nirsevimab plutôt que du palivizumab, même chez les enfants à risque car plus simple d’utilisation (d’où une amélioration du service médical rendu), avec donc moins de ratés dans les prises en charge, explique le Pr Cyril Schweitzer. Pour l’instant, au cours de la seconde année de vie, chez les enfants à risque (ayant des traitements à visée respiratoire à l’issue de leur première année de vie), on pourrait utiliser le nirsevimab, mais cela va devoir être précisé dans les prochains mois par les autorités de santé. Pour sa simplicité d’utilisation, il est légitime de proposer le nirsevimab, lequel devrait s’imposer. »

Un positionnement à trouver chez les femmes enceintes 

Le vaccin de Pfizer (Abrysvo®), a été approuvé en août 2023 par les autorités américaines de la santé (FDA) pour la prévention du VRS chez les nourrissons grâce à l’immunisation active des femmes enceintes (administré entre 32 et 36 semaines d’âge gestationnel). « Cette vaccination chez la femme enceinte est attendue en France pour 2024 », espère le Pr Cyril Schweitzer. Remplacera-t-elle le nirsevimab ? « Je ne le crois pas, estime le pédiatre. Elle sera plutôt complémentaire. En effet, les nourrissons qui déclenchent des formes graves le font surtout au cours du premier mois de vie, voire les premiers jours. D’où l’intérêt de la vaccination maternelle pour couvrir l’enfant dès la naissance. Le nirsevimab pourrait être préféré chez les enfants nés hors saison épidémique. Toutes ces indications restent à affiner, l’un n’excluant pas l’autre. Cela ne signifie pas non plus qu’il faudrait utiliser les deux chez tous les nourrissons. »

Quid de l’acceptation des parents ?

D’après une enquête menée par l’association APSEF (Association pour la prévention des risques de la santé et le bien-être des enfants et futurs parents) auprès de parents qui ont déjà été confrontés à la bronchiolite, 30 % étaient favorables à une immunisation, 23 % s’estimaient indécis et 53 % non favorables [5]. « Il va falloir faire beaucoup de pédagogie, concède le Pr Cyril Schweitzer, et ceci le plus tôt au cours de la grossesse pour ne pas prendre les parents au dépourvu et s’exposer à un refus de leur part. Tout en mentionnant la très bonne tolérance du traitement (les effets secondaires les plus fréquents sont la survenue d’une fièvre dans les 7 jours suivant l’injection et une éruption cutanée dans les 14 jours), l’idée est de souligner avant tout les bénéfices individuels (« Votre bébé est « fragile », pensez à le protéger et à le protéger tôt »), ce qui est assez efficace. Afin de réduire les difficultés d’orientation dans le parcours de soins en cas d’infection de leur enfant, un message important pourrait être le suivant : « En protégeant votre bébé, vous anticipez et vous diminuerez votre niveau de stress face à la maladie ». C’est la synchronisation des messages et la complémentarité des acteurs (associations de patients, médias, réseaux sociaux, sociétés savantes, médecins de terrain, maternités, pédiatres…) qui donnera du poids à la campagne de prévention contre le VRS et offrira une caisse de résonance à ces messages. »

Démonstration en creux du caractère primordial des mesures barrières contre la diffusion du VRS [6], l’épidémie de bronchiolite ne s’est quasiment pas manifestée du fait des confinements en 2020-21 liés à la Covid-19. En post-Covid-19, une fois l’arrêt des mesures barrières, le retour des différents virus respiratoires a été observé. Mais ces gestes barrières ne se sont pas ancrés dans les pratiques des Français.  

 
En protégeant votre bébé, vous anticipez et vous diminuerez votre niveau de stress face à la maladie
 

Enfin, ajoute le Pr Cyril Schweitzer, « il sera intéressant avec les années d’observer les effets à long terme de l’immunisation générale contre le VRS, en particulier sur la survenue de l’asthme infantile dont le VRS a été incriminé dans l’histoire naturelle ». Voir article Infection virale dans la petite enfance et asthme : y-a-t-il un lien ?

Le nirsevimab en pratique 

Le Collège de la médecine générale a publié courant août 2023 un document concernant l’immunisation au moyen du nirsevimab [7].

- Pour la saison 2023-2024, il est prévu que ce produit soit pris en charge à 100 %, délivré sous format monodose en officine et sans avance de frais ;

- Cette injection sera réalisée soit à la naissance en maternité pour les enfants nés entre le 15 septembre 2023 et la fin de la circulation épidémique VRS ou dans les cabinets de médecine générale, de pédiatrie, en PMI, en centres de santé pendant la période épidémique pour les enfants âgés de moins d’un an (si non vacciné en maternité) ;

 - Le nirsevimab peut être coadministré avec tous les vaccins de l’enfance et ne nécessite pas de délai entre son injection et l’injection d’un autre vaccin ;

- La posologie est poids-dépendante : Poids < 5kg : une dose unique de 50 mg Poids ≥ 5 kg : une dose unique de 100 mg ;

- Le nirsevimab devra être prescrit par un médecin et commandé par les parents, y compris pour les enfants consultant en PMI ou en centre de vaccination ; La prescription médicale pourra se faire à partir de mi-septembre 2023, sur ordonnance classique.

Elle peut être concomitante à la prescription de traitement ou vaccins du calendrier vaccinal.

 

 

Suivez Medscape en français sur X.

Suivez theheart.org |Medscape Cardiologie sur X.
 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....