Amsterdam, Pays-Bas — Prescrire en première ligne une combinaison de statines de haute intensité et d'ézétimibe aux patients présentant un infarctus aigu du myocarde afin d’obtenir une réduction rapide et intense du LDL-c…Telle est la stratégie, appelée " Strike Early and Strike Strong " (SESS), qui a été récemment proposée dans un document de synthèse approuvé par l'ESC[1].
L'applicabilité de cette stratégie en pratique courante, ainsi que la tolérance et l'efficacité biologique d'un tel traitement hypolipidémiant sont peu documentées et ont été évaluées par le Pr François Schiele et coll. (CHRU Jean Minjoz, Besançon, France) dans une étude monocentrique, prospective et observationnelle incluant 527 patients consécutifs admis pour IDM aigu entre janvier 2020 et juillet 2021. Les résultats ont été présentés à l’ESC 2023[2].
Sauf en cas d'intolérance connue, une politique de SESS a été préconisée à l'admission avec un seul comprimé, indépendamment du LDL-c de base. Le traitement hypolémiant à la sortie, le niveau de LDL-c pendant le suivi (3 à 8 mois) et le taux de patients ayant atteint l'objectif de LDL-c de l'ESC ont été documentés.
A l’entrée dans l’étude, 387(75%) des participants étaient des hommes, 110(22%) étaient diabétiques, l'âge moyen était de 63±12 ans. Le LDL-c à l'admission était de 127±44mg/dL, 431(78%) patients n'avaient pas eu de traitement hypolémiant auparavant.
A la sortie de l’hôpital, 456 patients (97%) recevaient une statine de haute intensité et elle était combinée avec l’ézétimibe chez 430 patients sur 456 (92%).
Une bonne adhérence thérapeutique
L'analyse biologique à 12 mois a été disponible pour 273 patients sélectionnés de manière aléatoire. Il en ressort que la combinaison de statines à haute intensité et d'ézétimibe a été maintenue chez 87% des patients, bien que l'ézétimibe ait été arrêté chez 9% d’entre eux et que la dose de statine ait été réduite dans 15% des cas (principalement une réduction de 80 à 40 mg/jour d'atorvastatine).
Interrogé sur cette bonne adhérence thérapeutique à un an, le Pr Schiele a avancé l’hypothèse suivante : « nous avons utilisé un comprimé unique pour l’association statine + ézétimibe. Or, je pense que l’adhérence est meilleure avec un seul comprimé qu’avec deux car on hésite à arrêter deux traitements en même temps ».
53 % des patients aux objectifs de LDL-c à un an
A 12 mois, un taux de LDL-c moyen de 53±33 mg/dL a été rapporté. Les objectifs thérapeutiques de l'ESC LDL-c ont été atteints dans 53% des cas : LDL-c<55mg/dL dans 62% des cas et diminution de >50% du LDL-c de base dans 74% des cas. Un taux de LDL-c <30mg/dL a été observé dans 19% des cas.
« Par comparaison, dans le registre Da Vinci, la réduction du LDL-c est en dessous de 20 %. La stratégie SESS avant la sortie de l'hôpital après un SCA améliore donc de façon importante les résultats. Elle est faisable et simple en pratique courante », a conclu le Pr Schiele.
Une opportunité pour introduire rapidement les anti-PCSK9 si besoin
Concernant le recours ultérieur aux inhibiteurs de PCSK9, en raison de l’administration immédiate de statine et d’ézétimibe, la décision pouvait être prise rapidement, dans les 2 mois.
Les chercheurs ont calculé que 14% des patients y étaient éligibles pour un seuil de prescription fixé à un LDL-c≥ 70mg/dL, et 7% pour un seuil fixé à ≥100mg/dL.
Trois questions au Pr Schiele
Quel est le rationnel pour utiliser une statine + l’ézétimibe dès la sortie de l’hôpital ?

Pr Schiele
Pr Schiele : L’idée de prescrire l’ézétimibe en première ligne a été initiée dès 2016. Selon un consensus français[3], un LDL-c de base supérieur à 1g/L nécessitait de prescrire une combinaison statine + ézétimibe d’emblée pour atteindre les objectifs. Cette stratégie a été reprise par l’EAS et elle dénote déjà d’une avancée par rapport à la stratégie classique qui est d’administrer les traitements par étapes.
On avait donc déjà l’habitude de mettre une combinaison pour à peu près deux tiers des patients. Nous avons publié des résultats qui montraient qu’avec cette stratégie, environ 50 % des patients étaient à la cible de 55mg/dL en 2019[4].
Nous avons ensuite réalisé que ce seuil de 1g/L induisait une complexité inutile dans la mesure où l’ézétimibe est génériqué, que l’association coute pratiquement le même prix que les statines seules et que l’ézétimibe est bien toléré. C’est la statine qui peut être mal tolérée. Nous avions donc peu de raisons de restreindre la prescription de cette combinaison alors que plusieurs études, notamment celles avec les anti-PCSK-9, ont démontré que plus le LDL-c est bas, mieux c’est.
Que montre votre étude ?
Pr Schiele : D’après nos résultats, à un an, on a 50 % des patients qui sont en dessous des seuils recommandés. C’est très intéressant par rapport aux résultats catastrophiques que l’on voit sur les registres parus après 2019 où l’on est aux alentours de 20 % des patients qui atteignent ces objectifs.
Aussi, ce que cette stratégie permet, c’est d’introduire les anti-PCSK9 très rapidement si besoin, comme l’a démontré l’étude FOURIER-OLE. La perte de temps entraine une moindre protection. A 4 à 6 semaines, nous sommes prêts à mettre des anti-PCSK-9 chez les 14% des patients qui ont un taux de LDL-c supérieur à 70mg/dL.
Autre intérêt : tous les traitements sont au point dès la sortie de l’hôpital. On ne demande pas au cardiologue, au médecin généraliste ou au médecin de réentrainement à l’effort de rajouter un médicament après – ce qui n’est d’ailleurs pas toujours fait.
Vous préconisez donc d’abandonner le step by step ?
Pr Schiele : Le step by step n’est pas une stratégie qui a été validée sur le plan clinique. Elle a été mise en place pour des raisons économiques, pour éviter de rajouter le coût de l’ézétimibe quand les statines n’étaient pas encore génériquées. Je crois qu’il est clair maintenant qu’il ne faut pas réduire le LDL-c progressivement mais frapper très fort, dès le début. Des études montreront d’ailleurs à l’avenir s’il faut mettre des inhibiteurs de PCSK-9 d’emblée. Les cardiologues n’ont pas eu de problème à adopter la bithérapie antiplaquettaire, la bithérapie pour l’hypertension est quelque chose est courant, alors pourquoi ne pas adopter la combinaison statine + ézétimibe qui est facile d’utilisation, génériquée et qui n’est pas dangereuse ? Fort heureusement, les recommandations de l'ESC pour la prise en charge des syndromes coronariens aigus, présentée au congrès ESC 2023 proposent cette stratégie d'association d'emblée.
Le Pr Schiele est membre de l’ESC. Le Pr Schiele a déclaré des liens sous forme de contrats de recherche, honoraires de participation à des groupes de réflexion ou à des symposiums avec : AMGEN, SANOFI, PFIZER, MSD, ASTRA-ZENEKA, BAYER, BMS, DAIICHI-SANKYO.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: IDM : opter pour une association statine de haute intensité + ézétimibe dès la sortie de l’hôpital - Medscape - 29 août 2023.
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