On sait que la consommation de certains champignons, notamment ceux contenant de la psilocybine , peut entraîner des psychoses. Ce que l'on sait moins, c'est qu'un célèbre champignon originaire d'Europe, utilisé autrefois comme remède "maison" contre les mouches, peut également être consommé actuellement et provoquer des effets psychédéliques, comme le rapporte le Pr Michael Soyka, psychiatre à l'université de Munich en Allemagne, dans le cas d'un homme de 42 ans. [1]
Anamnèse
Le patient est un consommateur d'alcool et de tabac de longue date (depuis l'adolescence), mais aussi de cannabinoïdes, d'ecstasy, d'héroïne et d'hallucinogènes. L'anamnèse familiale sur le plan des maladies psychotiques est normale et le sujet n'a jamais souffert de psychose auparavant. Revenu d'une peine de prison, le patient boit des quantités considérables d'alcool (5 à 10 bières par jour) et consomme des cannabinoïdes, mais ne consomme plus d'autres drogues illégales. Il a une compagne et passe ses journées à la maison à consommer des substances et à regarder la télévision.
L'homme avait déjà consommé quatre amanites tue-mouches qu'il avait lui-même cueillies, selon le psychiatre. Il en avait résulté un état d'ivresse proche de la transe pendant plusieurs heures, état que l'homme de 42 ans avait vécu comme « agréable ». Quelques mois plus tard, il avait donc ramassé une dizaine de grosses amanites tue-mouches qu'il avait préparées en tisane.
Présentation
Après avoir consommé sa tisane à l'amanite tue-mouches, l'homme a rapidement développé des idées délirantes très vives, des hallucinations visuelles et une altération de la perception du temps.
Le patient, qui a l'expérience de la drogue, comparera les effets de la tisane à ceux d'une précédente prise de kétamine. Il se voit tantôt immense, tantôt minuscule. Il se voit également en cavalier dans une steppe chinoise. Il n'entend pas de voix et ne présente pas de symptômes somatiques pertinents.
Par la suite, il développe une forte anxiété, frappe sa compagne et des membres de sa famille, qu'il perçoit sans doute comme menaçants ; il est alors arrêté.
La psychose se résorbe sans traitement au cours du lendemain ; l'homme n'a pas subi de dommages somatiques ou neurologiques importants. Aucune psychose rémanente (flashback) ne s'est produite.
Discussion
La consommation de champignons hallucinogènes est peu répandue en Europe, avec une prévalence à 12 mois de 1 % maximum. Par exemple en Allemagne, elle concerne 0,7 % des hommes et 0,4 % des femmes. Cependant, de plus en plus de boutiques en ligne proposent des champignons à psilocybine à cultiver et à consommer. [1]
Les consommateurs sont le plus souvent des personnes « portées sur l'expérimentation ». Les champignons hallucinogènes, comme par exemple les « champignons magiques » ne provoquent ni dépendance physique, ni sevrage.
Sur le plan psychique, les troubles de l'attention, les modifications de la perception, les troubles affectifs, les idées de référence, les pensées paranoïaques et les hallucinations sont les répercussions les plus courantes. Il est possible que des psychoses schizophréniformes de longue durée induites par la drogue soient également déclenchées.
La littérature scientifique sur les « champignons magiques » est presque entièrement consacrée au LSD ou aux champignons à psilocybine ; ils sont par ailleurs de loin les plus consommés. Ce que l'on sait moins, c'est que l'amanite tue-mouches rouge (Amanita muscaria), qui est originaire d'Europe, contient une molécule qui fait partie des dérivés de l'isoxazole et peut également provoquer des effets psychédéliques massifs.
L'acide iboténique (et son produit de dégradation, le muscimol) est le principal principe actif psychoactif ; son mécanisme d'action exact n'est pas connu. La mydriase est un phénomène courant dans le cadre de la consommation. Il suffit de 15 mg de muscimol pour provoquer une forte intoxication, mais les intoxications mortelles sont très rares. Peu de cas de réactions psychotiques ont été décrits jusqu'à présent, mais les symptômes végétatifs associés peuvent en revanche être violents.
Les effets stupéfiants de l'amanite tue-mouches sont connus depuis longtemps ; son utilisation dans les rites chamaniques remontetait à l'âge de pierre.
D'une manière générale, les champignons hallucinogènes peuvent entraîner des évolutions psychotiques, des accès de panique ainsi que des « bad trips ». L'amanite tue-mouches n'est toutefois pas connue pour induire des flashbacks (écho-psychose) ou d'autres conséquences psychiatriques à long terme associées aux champignons à psilocybine.
Il n'existe guère de données probantes concernant le traitement, ni de recommandations thérapeutiques fondées sur des faits avérés. L'utilisation de neuroleptiques n'est pas recommandée, car une augmentation de la symptomatologie a été décrite à plusieurs reprises. Le reste du traitement est symptomatique. La plupart du temps, il suffit d'attendre l'évolution spontanée.
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Source : Dreamstime
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Citer cet article: Étude de cas : hallucinations chez un consommateur de tisane aux champignons - Medscape - 28 août 2023.
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