France – Depuis trois ans, une expérimentation avec des structures libérales légères (SLL) destinée à la rééducation des patients coronariens et insuffisants cardiaques est en cours. Un arrêté parut au journal officiel du 18 aout la prolonge pour encore six mois, fixant son terme au 30 avril prochain (après une durée totale de 44 mois). A cette occasion, le Dr Dany-Michel Marcadet, porteur du projet, directeur d’un des trois centres, la SELARL parisienne cœur et santé, inclus dans l’expérimentation, nous livre une première évaluation.
« Nous avons inclus 2000 patients et espérons atteindre 2800 patients à la fin de cette expérimentation », précise-t-il.
Combler la non-prise en charge de 70% des patients
En quoi consiste ces structures libérales légères ? « Environ 30 % des patients ayant eu un syndrome coronaire aigu et 10 % de ceux ayant eu une défaillance cardiaque bénéficient d'une réadaptation cardiaque [...] Les structures libérales légères ont l'objectif de répondre à la non prise en charge après leur hospitalisation aiguë de 70 % des patients cardiaques (insuffisants coronariens et insuffisants cardiaques) », peut-on lire dans ce cahier des charges. Comment expliquer que plus des deux tiers de ces patients échappent à toute réadaptation ? « Le problème actuel est le manque de place dans toutes les structures de soin de suite et réadaptation – sur Paris intra-muros, ces structures sont peu nombreuses alors que les besoins y sont importants –, et que des patients « légers » qui pourraient bénéficier d'une prise en charge libérale ambulatoire se voient proposer une réadaptation en hospitalisation complète ou en hôpital de jour traditionnel. »
Une offre de réhabilitation cardiaque de proximité
Qui plus est, le secteur libéral ne bénéficiait pas jusqu'à présent d'un mode de financement adéquat à même de prendre en charge toutes les dépenses afférentes à des séances de réadaptation : « Si les consultations, les actes médicaux techniques (échographie cardiaque par exemple) et les séances de réentrainement à l'effort sont pris en charge par la sécurité sociale, ce n'est pas le cas du reste (stress, éducation thérapeutique, nutrition…), alors que le bénéfice de la réadaptation ne repose pas uniquement sur l'activité physique. Ces activités complémentaires restent actuellement à la charge financière du patient, ou sont externalisées, ou sont à la charge financière des médecins », est-il détaillé dans le cahier des charges. Ces lacunes sont à l’origine de l'expérimentation menée depuis février 2020 sous la forme de structures libérales légères (SLL) : « Il est proposé d'expérimenter une offre de réhabilitation cardiaque de proximité, par une équipe de soignants libéraux en exercice coordonné, financée par un mode de financement innovant intégrant l'éducation pour la santé de ces patients chroniques qui complètera la prescription médicamenteuse et la réadaptation par le réentraînement », explicite le cahier des charges.
Une équipe pluridisciplinaire pour une offre de réadaptation complète
L'offre de réadaptation proposée comprend de l'éducation thérapeutique (connaissance de la maladie, de ses signes d'alerte et de ses traitements) ; de l'activité physique ; de la gestion du stress et l'addictologie ; de la nutrition. »
Pour ce faire la SLL est constituée d'une équipe pluridisciplinaire comprenant « a minima 3 cardiologues, un kinésithérapeute, un infirmier diplômé d'état, un diététicien, un psychologue, un médecin addictologue, un éducateur thérapeutique (IDE, aide-soignante (AS)diplômée éducation thérapeutique) et un éducateur sportif. Le lieu d'exercice de la SLL est le cabinet de groupe de cardiologues, une clinique ou un hôpital avec une salle de déchoquage ». Si l'éventail des patients pris en charge est large, des critères d'exclusion ont tout de même été édictés comme une pathologie sévère stade IIIb ou IV de la NYHA ; une pathologie non stabilisée (troubles du rythme non contrôlés par exemple) ; une pathologie aiguë en cours nécessitant une hospitalisation ; ou encore un défaut d'autonomie. »
Affluence au rendez-vous
Si les bénéfices attendus sont nombreux (voir encadré), il est encore un peu tôt pour tirer un bilan de ce ballon d'essai. Néanmoins, le Dr Marcadet dresse une première évaluation à mi-parcours : « Cela marche très bien sur les trois centres, à Reims, Paris et Strasbourg. Mais Paris est le plus gros centre avec quelque 1000 patients. La mise en place de ces centres correspond à une attente des patients : par exemple en plein mois d'aout, nous avions l'habitude de travailler très peu, et actuellement nous avons une activité correspondant aux trois quarts d'une activité normale ». Une des raisons de ce succès, une grande souplesse et une large palette d’horaires. « Nous sommes beaucoup plus souples que les SMR (soins médicaux et de réadaptation), avec des systèmes de rendez-vous à l'heure qui peuvent s'échelonner sur six mois. Nous proposons une plage horaire large, nous ouvrons à 8 heures et nous fermons à 20 heures alors que les SMR ouvrent à 9 heures et ferment à 15 heures » analyse le Dr Marcadet.
Forfait adapté et patients satisfaits
Financièrement parlant, le pari semble relevé : « Le forfait a été réévalué en début d'année ce qui nous convient parfaitement, cela nous a permis de payer la nutritionniste, la psychologue, etc. Cela nous permet de fournir le même service que les SMR pour dix fois moins cher ce qui est très intéressant pour l'assurance maladie. »
Les patients, satisfaits du service rendu, sont de plus en plus nombreux à bénéficier de cette structure : « D'après les questionnaires que je fais remplir, les patients sont tout à fait satisfaits de ce service. J'en veux pour preuve que tous les hôpitaux parisiens nous envoient des patients, contre seulement deux au début. De même, si l'expérimentation portait uniquement sur les patients coronariens et insuffisants cardiaques, elle concerne désormais un éventail plus large de patients, sauf les plus graves, nécessitant une réhospitalisation. »
Structure attractive et personnel épanoui
Pour les professionnels de santé, ce mode d'exercice parait aussi très attractif : « nous avons trois kinés, six coachs, une diététicienne, une psychologue et deux infirmières IPA qui nous aident beaucoup. La structure est très attractive pour les jeunes chefs de clinique, nous avons 15 cardiologues, alors que nous n'étions que trois au début. Ce sont vraiment des structures qui représentent l'exercice libéral de demain, avec un plateau technique nickel, entouré d'un personnel paramédical épanoui, en particulier les IPA salariées. Bientôt elles vont faire des consultations d'entrée, la titration de médicaments. »
Bénéfices attendus
Les bénéfices attendus de cette réadaptation sont pléthores : « - un nombre plus important de patients pourra bénéficier d'une réadaptation (parmi les 70 % de ceux qui n'en bénéficient pas après une hospitalisation). Facilité d'accès, programme à la carte, accompagnement thérapeutique sur le long terme ;
- diminution des récidives et complications :
- diminution de la mortalité (30 %) - 2 à 3 ans ;
- diminution des récidives (50 %) ;
- diminution des ré-hospitalisations/passages aux urgences ;
- qualité de vie retrouvée par le patient :
- capacité et délais de retour au travail ;
- reprise d'une activité physique régulière ;
- impact psychologique positif concernant la gestion du stress de sa maladie et des actes quotidiens et sportifs autorisés ;
- réadaptation et évolution des pratiques :
- augmentation des capacités physiques du patient ;
- capacité d'évolution du style de vie ;
- diminution des facteurs de risques : hypertension artérielle, dyslipidémies, surcharge pondérale, diabète, sédentarité (avec un bémol concernant les addictions qui nécessitent, lorsqu'elles sont sévères, une prise en charge particulière) ;
- qualité de la prise en charge :
- augmentation de l'observance ;
- pertinence du dosage ;
- référentiels BPC. »
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Citer cet article: Structures libérales légères de rééducation cardiaque : premier bilan d’une expérimentation réussie - Medscape - 4 sept 2023.
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