Insuffisance cardiaque et obésité : les bons résultats du sémaglutide dans STEP-HFpEF

Marine Cygler, Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

29 août 2023

Amsterdam, Pays-Bas –  La présentation des résultats de l’étude  STEP-HFpEF dès le premier jour a été un des points forts du  Congrès de l’European Society of Cardiology (ESC) 2023[1].

Cette étude concerne les patients en surpoids ou obèses qui représentent la majorité des patients atteints d'une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée. « Il y a peu d'options thérapeutiques chez ces patients insuffisants cardiaques avec un phénotype de surpoids ou d'obésité, lesquels sont pourtant particulièrement concernés par les symptômes limitants, tels que la fatigue et les difficultés respiratoires, et l'altération de leur qualité de vie », a indiqué le Dr Mikhail Kosiborod (Saint Luke's Mid America Heart Institute, Kansas City, Etats-Unis) lors d'une conférence de presse.

 

Il y a peu d'options thérapeutiques chez ces patients insuffisants cardiaques avec un phénotype de surpoids ou d'obésité.

 

Le principal investigateur de l'étude STEP-HFpEF s'est donc intéressé à l’utilisation d’un agoniste du GLP-1, le sémaglutide, dans cette population particulière de patients car on observe en effet des effets remarquables du sémaglutide chez les diabétiques avec un haut risque cardiovasculaire.

D'après les résultats de ce travail, publiés simultanément dans le NEJM [2] et largement salués par une grande partie de la communauté cardiologique, l'utilisation du sémaglutide serait une approche thérapeutique non seulement sûre mais efficace dans l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée.

« C’est un des résultats majeurs du congrès. Cette étude signe l’entrée de cette classe thérapeutique dans l’IC mais nous attendons les résultats définitifs de l’étude SELECT pour compléter le puzzle », a commenté le Pr Faiez Zannad (CHU Nancy, France) pour Medscape édition française.

Notons qu’à ce stade, les résultats préliminaires de SELECT sont encourageants. Ils montrent que le sémaglutide diminue de 20% le risque d'évènements cardiovasculaires majeurs chez des sujets non diabétiques.

Une méthodologie solide

L'essai randomisé contrôlé multicentrique a inclus des patients avec une IC FEP (fraction d'éjection du ventricule gauche ≥45%), un IMC ≥30 kg/m2, des symptômes d'insuffisance cardiaque et de limitations fonctionnelles (classe fonctionnelle II-IV de la New York Heart Association et score au Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ) <90 points).

Sélectionnés dans 13 pays d'Asie, d'Europe, d'Amérique du Nord et du Sud, 529 participants ont été randomisés pour recevoir soit une injection hebdomadaire sous-cutanée de 2,4 mg de sémaglutide soit un placebo pendant 52 semaines. Ils étaient suivis régulièrement et recevaient des conseils hygiéno-diététiques.

Les critères d'évaluation primaires étaient l'effet du traitement sur la qualité de vie grâce au score du KCCQ et la perte de poids.

 

En 2022, la HAS a publié un document d' « aide à l’utilisation de questionnaires patients de mesure des résultats de soins (PROMs) pour améliorer la pratique clinique courante dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque ».

On y trouve une présentation complète du KCCQ qui permet d’évaluer la qualité de vie des patients atteints d’insuffisance cardiaque. Il peut être utilisé pour la recherche clinique en cardiovasculaire, et en pratique clinique courante. Ce questionnaire multidimensionnel long est composé de 23 questions, réparties en 5 dimensions (limitations de vie, symptômes, auto-efficacité et connaissances, qualité de vie, limitations sociales).

Supériorité du sémaglutide sur le placebo

Concernant le premier critère d'évaluation, les patients du groupe traité ont eu une amélioration plus importante de leur score KCCQ en comparaison avec le placebo. « C'était déjà évident à la semaine 20 puis cette amélioration s'est amplifiée avec le durée de l'essai », a indiqué l'orateur. A la semaine 53, la différence entre les deux groupes ( ETD) était de 7,8 points (IC95% [4,8-10,9]) en faveur du sémaglutide (p=0,0000006). La perte de poids entre le début de l'étude et la semaine 52 était également plus importante dans le groupe traité : les participants ont perdu 13,3% de leur poids avec le sémaglutide contre 2,6% avec le placebo (ETD: -10,7%, IC95% [-11;9% – -9,4%], p<0,001).

« Les deux critères d'évaluation primaires ayant été atteints de façon tout à fait convaincante, nous avons regardé les critères d'évaluation secondaires », a précisé Mikhail Kosiborod. Par exemple, les participants qui prenaient du sémaglutide ont eu de meilleures performances au test des 6 minutes : ils ont marché 20,3 mètres de plus (IC95% [8,6 -32,1%], p<0,001) que les participants du groupe placebo. Ils ont également eu une réduction de l'inflammation plus importante : la CRP a diminué  de 43,5% dans le groupe sémaglutide contre 7,3% dans le groupe placebo.

Autre élément en faveur du sémaglutide : un seul patient du groupe sémaglutide, contre 12 dans le groupe placebo, a subi un événement grave (hospitalisation ou consultation médicale urgente) lié à son insuffisance cardiaque (hazard ratio 0,08, IC95% [0,0-0,42]).

Des données de sécurité rassurantes  

Les données de sécurité issues de l'étude STEP-HFPEF sont tout à fait rassurantes. Des événements indésirables graves ont été rapportés pour 35 participants du groupe traité et 71 participants du groupe contrôle (p<0,001).

« De façon attendue, les participants du groupe sémaglutide qui ont arrêté leur traitement l'ont fait à cause des effets gastrointestinaux comme les nausées », a commenté le cardiologue.

De façon attendue, les participants du groupe sémaglutide qui ont arrêté leur traitement l'ont fait à cause des effets gastrointestinaux comme les nausées.

 

Sémaglutide

(% de participant)

Placebo

(% de participant)

Effets indésirables graves

13,30%

26,70%

Troubles cardiaques

2,70%

11,30%

Décès toute cause

1,10%

1,15%

Effets secondaires graves menant à un arrêt du traitement

2,30%

2,30%

Effets secondaires menant à un arrêt du traitement

13,30%

5,30%

Données présentées par M. Bosidorov

Un autre essai, le STEP-HFpEF DM , est en cours et ses résultats sont attendus dans les prochains mois. Il évalue le même traitement par sémaglutide chez des adultes souffrant d'IC FEP, d'obésité et de diabète de type 2.

L'obésité, plus qu'une comorbidité ?

« STEP a montré que les patients perdent 13 % de leur poids, ce qui est considérable. Les patients améliorent leur qualité de vie, la distance parcourue en 6 minutes... Mais est-ce uniquement dû à la perte de poids ou est-ce dû à une amélioration de l’insuffisance cardiaque elle-même ? Cela fait débat. Toutefois, les chercheurs ont mesuré le NT-proBNP et il descend beaucoup, ce qui semble indiquer qu’il y a un effet bénéfique sur le cœur », a commenté le Pr Zannad pour Medscape édition française.

« Nous pensons que ce travail, avec d'autres résultats récents, pourraient changer le regard sur le rôle de l'obésité. Il est tout à fait clair que l'obésité n'est pas une simple comorbidité chez ces patients mais une cause d'IC, de son développement et de sa progression », a souligné le Dr Kosiborod. Il a insisté sur le fait que l'obésité ne peut plus être considérée comme un seul problème cosmétique par ses confrères cardiologues dans la mesure où « elle est très importante dans la physiopathologie de l'IC ».

Des questions en suspens

Aucun doute sur le fait que le sémaglutide, les autres agonistes du GLP1, les doubles agonistes GIP/GLP-1 et triples agonistes GIP/GLP-1/glucagon n’ont pas fini de faire parler d’eux.

« D’un côté, nombreux sont les patients qui se procurent le sémaglutide hors AMM en raison des résultats spectaculaires sur la perte de poids. Aussi, des études montrent que ce type de molécules pourrait avoir des effets bénéfiques dans d’autres domaines, notamment dans la prise en charge de l’addiction. En revanche, d’autres critiquent beaucoup les agonistes du GLP-1 car ils induisent des effets indésirables gênants notamment de la nausée ou des flatulences et qu’ils augmentent la fréquence cardiaque. Enfin, un signal de risque d’aggravation de la dépression a été observé avec les agonistes de GLP1 qui est en cours d’investigation », a précisé le Pr Zannad.

Financements et liens d’intérêts
L'étude a été financée par Novo Nordisk qui commercialise le semaglutide (Wegovy). Le Dr Kosiborod a été consultant et conseiller de Novo Nordisk et a reçu des honoraires de cette société. Il a également des liens d'intérêt avec AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Pfizer, Artera Health et Saghmos Therapeutics.
Le Pr Faiez Zannad a des liens d’intérêt avec les laboratoires Bayer, Boston Scientific, Amgen, MSD France.

 

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