Infirmiers référents d'urgence : les syndicats de médecins urgentistes s’y opposent

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

21 août 2023

France – Un projet d'arrêté devrait conférer la possibilité pour des infirmier d'intervenir en premier lieu sur des situations d'urgence. L'Amuf et le SNPHARE y sont opposés.

Alors que la situation dans les services d'urgences, aux dires des principaux concernés, n'a jamais été pire que cette année, un projet d’arrêté suscite une polémique entre infirmiers et médecins urgentistes. Ce projet d’arrêté, rendu public par Hospimedia, prévoit la création d'un statut d'infirmier correspondant de Samu. Il a été présenté ces jours derniers devant le Haut conseil des professions paramédicales, et est issu des réflexions de l'ancien ministre de la Santé, François Braun, sur la réforme des services d'urgences, annoncé lors du dernier congrès Santexpo, en mai dernier

Un IDE formé aux soins de médecine d'urgence

Ce nouveau dispositif copie peu ou prou celui des médecins correspondants de Samu. « Le Médecin Correspondant du SAMU est un médecin de premier recours volontaire, formé et équipé pour répondre à l’urgence, qui participe à la mission de service public de l’Aide Médicale Urgente (AMU) », tel que le définit la société française de médecine d'urgence (SFMU). Selon Hospimedia, « l'infirmier diplômé d'État formé aux soins de médecine d'urgence interviendra à la demande de la régulation du Samu-Centre 15 afin de prendre en charge des patients en situation d'urgence médicale dans une zone préalablement identifiée par l'ARS. La formation sera dispensée sous l'autorité du service hospitalo-universitaire de référence, en liaison avec le Samu, le centre d'enseignement des soins d'urgence ainsi que les structures des urgences et les Smur ».

« Une logique d’adaptation pragmatique »  

De fait, la notion d'infirmier référent de Samu n'est pas nouvelle : elle avait déjà été édictée dans le cadre de la mission flash menée par François Braun, alors qu’il n'était pas encore ministre de la Santé, en juin 2022. En effet, la mesure 22 de ce plan prévoyait la création d'une équipe paramédicale d'urgence (EPMU). « En absence de médecin urgentiste sur un territoire Smur, il peut être temporairement acceptable que l’équipe d’intervention hospitalière ne soit composée que d’un ambulancier et d’un IDE dans une logique d’adaptation pragmatique », définissaient les rapporteurs de la mission flash urgences. Qui poursuivait : « en cas d’indisponibilité du SMUR pour une situation identifiée d’urgence vitale, l’envoi sur zone par le Samu d’un vecteur embarquant une équipe paramédicale de médecine d’urgence formée et supervisée à distance par le médecin régulateur peut permettre une première intervention pour sauvegarder les chances du patient, le temps qu’un SMUR plus lointain n’arrive. » Il était aussi indiqué que cette mesure avait vocation à rester "dérogatoire et temporaire". Il était aussi prévu, comme le mentionne la mesure 16 dudit plan, le recours aux infirmiers libéraux, sollicités par le Samu, afin de se rendre au domicile des patients en demande de soins urgents, pour évaluer la situation et déclencher éventuellement une téléconsultation.

SNPHARE ET Amuf furieux

Si l'intervention directe d'infirmiers dans le dispositif des soins d'urgences avait donc été dévoilée dès l'été 2022, et expérimenté par le SAMU 72/EPMU Château-du-Loir, il n'en reste pas moins que l'annonce de la rédaction d'un arrêté sur la question a suscité la réprobation de syndicats de médecins hospitaliers. Ainsi, les syndicats SNPHARE (syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi) et l'amuf (association des médecins urgentistes de France) ont signé un communiqué commun pour dire « Non aux infirmiers correspondants de Samu ». Pour les deux syndicats, « cet arrêté fait écho négativement et à contre-courant de l’évolution de la médecine d’urgence depuis le début des années 90 ! » Depuis 2015, la médecine d'urgence est devenue une spécialité à part entière grâce à la création du diplôme d'études spécialisées (DES), rappelle les deux syndicats. « Le DES a permis d’adapter la formation des urgentistes aux exigences de la médecine d’urgence moderne, en particulier dans l’étendue de son exercice (adulte et pédiatrique, médical et chirurgical, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’hôpital (Samu, Smur). Avec ce projet, nous sommes aux antipodes du Pacte de Refondation des urgences de 2019 qui devait « Renforcer et reconnaître les compétences des professionnels des urgences », arguent les deux syndicats. Qui ajoutent : cet arrêté « témoigne de l’incapacité de nos tutelles à garantir une couverture sanitaire à la hauteur des besoins de la population. C’est un triste aveu d’impuissance. Les solutions proposées sont inadaptées et potentiellement dangereuses. Plus qu’un glissement de tâche, c’est placer le corps infirmier dans la difficulté en situation d’urgence, ignorer les spécificités respectives des métiers de médecin et d’infirmier, et, in fine, exposer les patients à une perte de chance ».

« Retirer immédiatement son projet d'arrêté »

L'Amuf et le SNPHARE demandent donc au tout nouveau ministre de la santé, Aurélien Rousseau, de « retirer immédiatement son projet d'arrêté », « de maintenir et renforcer les structures d'urgence existantes », de « restaurer le maillage en équipe SMUR sur l'ensemble du territoire », de « respecter les formations des professionnels de l'urgence », de donner des moyens pour les prises en charge de patients, et de restaurer l'attractivité des carrières hospitalières. Reste à savoir si le nouveau ministère de la santé assumera l'héritage de François Braun, et poursuivra la politique menée par son prédécesseur, notamment en ce qui concerne les services d'urgence. 

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....