Le moustique tigre peut transmettre le chikungunya à des températures tempérées

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

17 août 2023

France – Le moustique tigre, Aedes albopictus, est l’un des deux vecteurs de transmission du virus du chikungunya à l’humain. Des chercheurs français viennent de montrer que ce moustique peut acquérir la capacité de transmettre le virus du chikungunya, avec la même efficacité à 20°C qu’à 28°C, rendant possible l’expansion du virus du chikungunya en zones tempérées. Ces résultats ont été publiés dans la revue  Journal of Travel Medicine .

Le moustique tigre Aedes albopictus, bien présent en France

L’émergence récente de maladies à transmission vectorielle dans des territoires de plus en plus éloignés des zones endémiques fait apparaitre de nouveaux risques pour la santé publique dans les régions à zone tempérée. Ainsi, le virus du chikungunya a été signalé pour la première fois en Europe en 2007 lors d’une épidémie en Italie. Les premiers cas autochtones de chikungunya dans le sud de la France ont été observés à l’automne, en 2010 puis en 2014 et 2017. En 2022, 23 cas de chikungunya ont été comptabilisés en Occitanie, PACA et Corse

En parallèle, le moustique tigre originaire d’Asie du Sud-Est, Aedes albopictus, est aujourd’hui présent dans les régions tempérées telles que le continent américain, l’Asie tempérée et près de 28 pays d’Europe, dont la France depuis 2004. En quelques décennies, il a envahi les 4/5e de l’Hexagone.

Ces observations ont conduit des scientifiques de l’Institut Pasteur et d’Université Paris Cité à s’intéresser à la transmission du virus du chikungunya par le moustique tigre Aedes albopictus en fonction de la température environnementale, à 20°C ou à 28°C, sachant que la température minimale enregistrée lors des récentes épidémies en Europe continentale était de 20°C et que la température de 28°C correspond à la température moyenne dans les pays tropicaux où le virus circule habituellement.

Modification du microbiome

A partir de moustiques tigres prélevés dans leur milieu naturel à Montpellier, les chercheuses et chercheurs ont analysé les mécanismes moléculaires adaptatifs induits par la température.
« Nous avons démontré que la température modifie profondément l’expression des gènes et le microbiome bactérien du moustique » explique Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs de l’Institut Pasteur et dernière auteure de l’étude, dans un communiqué [1]. Les scientifiques ont observé des profils d’expression de gènes différents à 20°C ou à 28°C chez des moustiques infectés par le virus. Par ailleurs, le microbiome des moustiques infectés par le virus du chikungunya, se voit modifié à 28°C avec une diminution significative de la bactérie Wolbachia en corrélation avec une augmentation de la bactérie Serratia, contribuant ainsi à favoriser la transmission virale. La bactérie Wolbachia inhibe la réplication du virus et la bactérie Serratia favorise l’infection du tube digestif du moustique par le virus.

La température agit également sur le génome du virus dans le moustique infecté. « La diversité génétique du virus du chikungunya est, elle aussi, modifiée. Tous ces changements induisent des transformations moléculaires menant à une transmission efficace du pathogène » ajoute Anna-Bella Failloux. « Dans cette étude, le moustique Aedes albopictus est capable de transmettre le chikungunya avec la même efficacité à 20°C et à 28°C tout en mettant en jeu des processus moléculaires très distincts. Il s’agit d’un véritable exemple d’ajustement mutuel entre le virus et le vecteur, ici le moustique tigre, en réponse à son environnement » précise la chercheuse.

Nous avons démontré que la température modifie profondément l’expression des gènes et le microbiome bactérien du moustique. Anna-Bella Failloux

 

« Le chikungunya risque donc de poursuivre son expansion dans les zones où s’implante le moustique tigre. En l’absence de vaccins et de traitements, il pourrait devenir un problème de santé publique dans un plus grand nombre de pays des régions à climat tempéré » conclut Anna-Bella-Failloux. A noter qu’un vaccin aux résultats prometteurs contre le chikungunya, d’après une première étude de phase 3 dont les résultats ont été publiés cette année. 

 

Arboviroses : une préoccupation grandissante en métropole
Remis au gouvernement en avril 2023, l'avis du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) sur les « risques sanitaires de la dengue et autres arboviroses à Aedes en lien avec le changement climatique » dresse un état des lieux des risques sanitaires émergents liés à trois arboviroses (dengue, Zika et chikungunya). « Une des principales recommandations que nous avons fait au ministre de la Santé est de faire entrer ces maladies dans le plan de préparation aux pandémies de l'Etat français » indiquait l'immunologiste  Brigitte Autran, présidente du Covars, au moment de sa parution. Les experts y recommandaient notamment de s'organiser et d'établir un plan Orsec testé en conditions réelles, notamment en vue des grands événements sportifs à venir, la coupe du monde de rugby qui débute en septembre prochain et les Jeux Olympiques 2024 à Paris.

 

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