Malmö, Suède – Le dépistage du cancer du sein assisté par l'intelligence artificielle (IA) semble sûr et au moins aussi précis que la double lecture standard des mammographies par deux radiologues spécialistes du sein, selon les premiers résultats d'une vaste étude de cohorte randomisée basée sur la population.
Les chercheurs estiment que le dépistage assisté par l'IA a également permis de réduire la charge de travail des radiologues de près de 44 %.
L'essai a également révélé une augmentation de 20 % de la détection du cancer grâce à l'assistance de l'IA par rapport à la double lecture systématique des mammographies, ce qui souligne le potentiel de l'IA pour améliorer la précision et l'efficacité du dépistage.
Les résultats, publiés en ligne le 1er août dans Lancet Oncology, proviennent d'une analyse de sécurité intermédiaire prévue dans le cadre de l'essai suédois MASAI (Swedish Mammography Screening with Artificial Intelligence) [1].
À ce jour, l'IA s'est déjà révélée prometteuse pour le dépistage par mammographie avec des données rétrospectives montrant une précision similaire à celle de la double lecture standard, ainsi qu'une réduction de la charge de travail des radiologues. Cependant, des essais randomisés évaluant l'efficacité du dépistage du cancer du sein assisté par l'IA était nécessaires.
L'objectif de la présente analyse randomisée intermédiaire était d'évaluer les performances du dépistage précoce, notamment les taux de détection du cancer, de rappel et de faux positifs, ainsi que le type de cancer détecté et la charge de travail.
L'essai MASAI a randomisé 80 033 femmes, dont l'âge médian était de 54 ans, entre un dépistage assisté par l'IA (n = 40 003) et une double lecture sans IA (n = 40 030).
Le système d'IA a fourni des scores de risque de malignité de 1 à 10, avec des scores de faible risque allant de 1 à 7, de risque intermédiaire de 8 à 9, et de risque élevé à 10. Ces scores de risque ont été utilisés pour trier les examens de dépistage en vue d'une lecture unique par le radiologue (score de 1 à 9) ou d'une double lecture (score de 10), étant donné que la prévalence du cancer "augmente fortement" chez les personnes ayant un score de risque de 10, ont expliqué les chercheurs. Le système d'IA a également fourni aux radiologues des notes de détection assistée par ordinateur pour les examens présentant un score de risque de 8 à 10.
Parmi près de 40 000 femmes dépistées avec l'aide de l'IA, 244 cancers ont été détectés, dont 184 cancers invasifs (75 %) et 60 cancers in situ (25 %), et ont donné lieu à 861 rappels. Parmi les 40 024 participantes ayant bénéficié d'un dépistage standard, les radiologues ont détecté 203 cancers, dont 165 cancers invasifs (81 %) et 38 cancers in situ (19 %), ce qui a donné lieu à 817 rappels.
Dans l'ensemble, le taux de détection avec l'aide de l'IA par rapport au dépistage standard était de 6,1 pour 1000 participants dépistés contre 5,1 pour 1000. Les taux de rappel étaient respectivement de 2,2 % et 2,0 %.
Les taux de faux positifs étaient les mêmes dans les deux groupes (1,5 %), tandis que la valeur prédictive positive (VPP) du rappel – c'est-à-dire la probabilité qu'un rappel d'un participant aboutisse à un diagnostic de cancer – était plus élevée dans le groupe IA : 28,3 % contre 24,8 %.
Le taux de détection du cancer dans le groupe à haut risque – les patients ayant un score de risque de 10 – était de 72,3 pour 1000 participants dépistés, soit un cancer pour 14 examens de dépistage. Dans l'ensemble, 189 des 490 examens de dépistage signalés comme présentant un risque très élevé par l'IA (le risque le plus élevé, soit 1 %) ont été rappelés. Sur les 189 participants rappelés, 136 avaient un cancer, ce qui représente une VPP du rappel de 72 %.
Dans l'ensemble, « nous avons constaté que les avantages du dépistage assisté par l'IA en termes de réduction de la charge de travail liée à la lecture à l'écran étaient considérables », ont déclaré les auteurs.
En supposant qu'un radiologue puisse lire 50 mammographies par heure, les chercheurs ont estimé qu'il lui faudrait 4,6 mois de moins pour lire plus de 46 000 examens de dépistage dans le groupe d'intervention, contre plus de 83 000 dans le groupe de contrôle.
Bien que ces premiers résultats en matière de sécurité soient "prometteurs", ils « ne suffisent pas à eux seuls à confirmer que l'IA est prête à être mise en œuvre dans le dépistage par mammographie », a déclaré dans un communiqué de presse l'auteur principal de l'étude, Kristina Lång, PhD, de l'université de Lund, à Lund, en Suède.
« Nous devons encore comprendre les implications sur les résultats pour les patients, en particulier si la combinaison de l'expertise des radiologues avec l'IA peut aider à détecter les cancers d'intervalle qui sont souvent manqués par le dépistage traditionnel, ainsi que le rapport coût-efficacité de la technologie », a-t-elle déclaré, ajoutant que « le plus grand potentiel de l'IA à l'heure actuelle est qu'elle pourrait permettre aux radiologues de moins croulé sous le poids des lectures d’images ».
Dans un éditorial accompagnant l’article, les Drs Nereo Segnan et Antonio Ponti tous deux du CPO Piemonte en Italie, ont déclaré que le score de risque de l'IA pour le cancer du sein dans l'essai « semble très précis dans sa capacité à distinguer les femmes à haut risque des femmes à faible risque » [2].
Toutefois, le risque de surdiagnostic ou de surdétection des lésions indolentes dans le groupe d'intervention devrait « inciter à la prudence dans l'interprétation des résultats qui, autrement, semblent simples et favorables à l'utilisation de l'IA », notent les éditorialistes.
Les auteurs reconnaissent que la détection accrue des cancers in situ dans le cadre du dépistage assisté par l'IA par rapport au dépistage standard (25 % contre 19 %) « pourrait être préoccupante en termes de surdiagnostic », étant donné que le risque de surtraitement est plus probable avec ces cancers de bas grade.
Dans l'analyse finale, Lång et ses collègues prévoient de caractériser les caractéristiques biologiques des lésions détectées afin de mieux comprendre le dépistage assisté par l'IA, y compris le risque de surdiagnostic.
Stephen Duffy, professeur de dépistage du cancer, Wolfson Institute of Population Health, Queen Mary University of London, Londres, Angleterre, a commenté ces résultats par l'intermédiaire du Science Media Centre, basé au Royaume-Uni, en indiquant qu'ils « illustrent le potentiel de l'intelligence artificielle pour réduire la charge de travail des radiologues », ce qui est « une question d'une importance considérable dans de nombreux programmes de dépistage du cancer du sein ».
L'étude MASAI a été financée par la Société suédoise du cancer, la Confédération des centres régionaux de lutte contre le cancer et le gouvernement pour la recherche clinique. Lang a été membre du comité consultatif de Siemens Healthineers et a reçu des honoraires d'AstraZeneca pour ses conférences. Les Drs Segnan et Hall ne font état d'aucune relation financière pertinente.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé AI-Supported Breast Screens May Reduce Radiologist Workload. Edité par Stéphanie Lavaud.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Le dépistage du cancer du sein assisté par l'IA pourrait réduire la charge de travail des radiologues - Medscape - 16 août 2023.
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