San Diego, États-Unis – Selon une nouvelle étude publiée le 24 juillet dans la revue Nature Medicine, la psilocybine, un psychédélique, pourrait jouer un rôle dans le traitement de l'anorexie mentale, un trouble de l'alimentation dont le traitement est notoirement difficile et coûteux [1].
Dans un très petit essai de phase 1 portant sur 10 femmes souffrant d'anorexie mentale, une dose unique de 25 mg de psilocybine associée à un soutien psychologique s'est avérée sans risque et bien tolérée. Cela a par ailleurs, permis de réduire les comportements liés aux troubles de l'alimentation chez certaines des participantes.
La Dre Stephanie Knatz Peck, PhD, et ses collègues du Centre de traitement et de recherche sur les troubles de l'alimentation (Eating Disorders Treatment & Research Center) de l'Université de Californie (San Diego, États-Unis) écrivent que la « réponse robuste » dans un sous-ensemble de femmes après une dose unique de psilocybine est « remarquable », étant donné que les traitements actuellement disponibles pour l'anorexie chez l'adulte n'entraînent que des améliorations modestes des symptômes et se concentrent souvent sur le poids et la réhabilitation nutritionnelle sans aborder de manière adéquate la psychopathologie sous-jacente.
Cependant, étant donné qu'il s'agit d'une petite étude de faisabilité ouverte de phase 1, ces effets sont « préliminaires et non concluants », précisent-ils.
Une expérience significative
Les 10 femmes participant à l'étude répondaient aux critères du DSM-5 pour l'anorexie mentale (AM) ou la rémission partielle de l'AM. Elles étaient âgées de 18 à 40 ans et avaient un IMC moyen de 19,7 kg/m2.
Après l'administration d'une dose unique de 25 mg de psilocybine, aucun changement cliniquement significatif n'a été observé au niveau de l'ECG, des signes vitaux, des valeurs de laboratoire ou de tendance suicidaire.
Tous les effets indésirables étaient légers et reflétaient les symptômes typiques associés à la psilocybine, tels que des maux de tête transitoires, des nausées et de la fatigue.
La psilocybine a été associée à une réduction des niveaux d'anxiété et des préoccupations liées à la nourriture, à l'alimentation et à la perception de sa morphologie au bout d'un mois.
Les inquiétudes concernant le poids ont diminué de manière significative après 1 mois (p = 0,036, d de Cohen = 0,78) et après 3 mois (p = 0,04, d = 0,78), avec un effet moyen à important.
Les inquiétudes concernant la silhouette ont diminué de manière significative après un mois (p = 0,036, d = 0,78), mais n'étaient plus significatives après trois mois (p = 0,081, d = 0,62).
Quatre des dix femmes (40 %) présentaient des réductions cliniquement significatives des scores de troubles alimentaires à trois mois, ce qui correspond à une rémission de la psychopathologie des troubles alimentaires.
Les chercheurs précisent toutefois que les effets sur la psychopathologie des troubles de l'alimentation étaient « très variables ».
En moyenne, les changements de l'IMC n'étaient pas significatifs au cours des trois mois suivant le traitement à la psilocybine. Cependant, cinq femmes ont connu une augmentation de leur IMC à 3 mois, allant de 0,4 à 1,2 kg/m2.
Dans l'ensemble, l'expérience de la psilocybine a été considérée comme significative par les participantes ; 80 % d'entre elles ont déclaré que l'expérience était l'une des cinq plus significatives de leur vie ; 90 % ont déclaré se sentir plus positives dans leurs projets de vie ; et 70 % ont déclaré avoir ressenti un changement dans leur identité personnelle et dans leur qualité de vie en général.
La grande majorité des femmes (90 %) ont estimé qu'une seule prise n'était pas suffisante.
Le fait que le traitement ait été considéré comme bénéfique par la plupart des femmes et qu'il n'y ait pas eu d'abandons sont des « signes prometteurs d'engagement », étant donné que les taux d'abandon des traitements de l'anorexie mentale actuellement disponibles ont tendance à être élevés, notent les chercheurs.
Ils appellent à la prudence dans l'interprétation des résultats, étant donné qu'ils sont basés sur un échantillon de petite taille et qu'ils n'incluent pas de groupe placebo. Ils soulignent que des essais contrôlés randomisés de plus grande envergure et d'une puissance suffisante sont nécessaires pour tirer des conclusions sur le rôle de la psilocybine dans le traitement de l'anorexie mentale.
Des données encourageantes
Les coauteurs d'un commentaire de Nature Medicine News & Views affirment que cet essai de phase 1 « encourageant, souligne la nécessité de poursuivre les recherches sur les psychédéliques classiques pour répondre au besoin urgent de traitements efficaces » de l'anorexie mentale [2]. Des experts extérieurs se sont également exprimés sur l'étude dans une déclaration du Science Media Centre, une organisation à but non lucratif basée au Royaume-Uni.
La Dre Alexandra Pike (Université de York, Royaume-Uni), a noté que cette étude est « un premier pas pour montrer que la psilocybine peut être un traitement sûr pour les personnes souffrant d'anorexie mentale, mais nous ne pouvons pas conclure de ce travail qu'il sera efficace dans cette maladie chronique et complexe ».
Le Dr Trevor Steward, (Université de Melbourne, Australie), a également souligné que la thérapie à la psilocybine avait apporté « des lueurs d'espoir dans d'autres troubles mentaux, notamment en fournissant des preuves qu'elle peut améliorer l'anxiété, la flexibilité cognitive et l'acceptation de soi chez certaines personnes. Ce sont toutes des caractéristiques de l'anorexie mentale et les raisons d'explorer la thérapie à la psilocybine comme une option dans le cas de l'anorexie sont solides ».
Le Dr Steward a également noté que le domaine ne fait que commencer à « gratter la surface en termes de compréhension de l'impact de la psilocybine sur le cerveau ». Un financement dédié à l'exploration de la manière dont elle agit spécifiquement pour cibler les symptômes de l'anorexie mentale est crucial pour faire avancer cette importante voie de recherche.
« Comme il n'existe pas de médicaments approuvés spécifiquement pour le traitement de l'anorexie mentale, la thérapie à la psilocybine pourrait s'avérer être une option prometteuse, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour le vérifier », a déclaré le Dr Steward.
Financements et liens d’intérêt
L'étude a utilisé une formulation synthétique expérimentale de psilocybine (COMP360 psilocybine) développée par COMPASS Pathways, qui a financé l'étude. Deux auteurs ont des relations financières et scientifiques avec COMPASS Pathways. Les auteurs de News & Views et du Dr Steward ne font état d'aucune relation financière pertinente. Les déclarations de la Dre Pike n'étaient pas disponibles au moment de la mise sous presse.
Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Psilocybin Shows Early Promise for Anorexia Nervosa. Edité par Mona El-Guechati
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: La psilocybine, un traitement prometteur pour contrer l’anorexie mentale - Medscape - 9 août 2023.
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