Quand un médecin participant à un semi-marathon doit intervenir pour un arrêt cardiaque…à 2 reprises

Dr Steven Lome, propos rapportés par Sarah Yahr Tucker

Auteurs et déclarations

28 juillet 2023

 

Les urgences surviennent n'importe où, n'importe quand, et il arrive que les médecins se retrouvent parfois dans des situations où ils sont les seuls à pouvoir aider. C’est ce qui est arrivé au Dr Steven Lome alors qu’il participait à un semi-marathon pour deux accidents cardiaques successifs.

Etats-Unis – J'étais au troisième kilomètre lorsque le premier incident s'est produit.

Dr Steven Lome

Je m'étais inscrit au semi-marathon de Monterey Bay avec ma fille aînée et mon fils. C'était leur premier marathon. Ma fille venait d'avoir 16 ans et mon fils 14. Ils sont tous deux coureurs de fond au lycée local et on ne pouvait pas rêver d'un meilleur temps pour la course : ni trop chaud, ni trop froid.

Et puis, boum un coureur s’effondre à environ 10 mètres devant moi. Il est clair qu’il n’a ni trébuché, ni été victime d’un évanouissement ou d'un faux pas. Lorsque je l'ai rejoint, il était inconscient et ne réagissait pas. Il était également blessé à la tête après avoir heurté le trottoir. Après une évaluation rapide, j’ai vu qu'il n'avait pas de pouls et qu'il ne respirait pas.

J'ai démarré les compressions thoraciques. Beaucoup de coureurs nous ont dépassés mais très vite, trois autres personnes se sont arrêtées pour m'aider. Je crois que deux d'entre elles étaient infirmières ou secouristes. Le troisième était un neurochirurgien qui a fait une évaluation de la tête du coureur et a stabilisé son cou. Nous nous sommes ensuite relayés pour pratiquer la réanimation cardio-pulmonaire pendant 5 ou 6 minutes, jusqu'à l'arrivée du défibrillateur. Lorsque nous avons branché le défibrillateur, le rythme cardiaque était en fibrillation ventriculaire.

Après avoir administré un choc, le rythme est redevenu normal. J'ai ensuite poursuivi la réanimation cardio-pulmonaire pendant un court moment. Après quelques minutes, l’homme s'est réveillé, il était assez confus. Nous l'avons fait monter dans l'ambulance et l'avons emmené à l'hôpital public de la péninsule de Monterey.

Je m’étais arrêté pas mal de temps et mentalement, ça faisait beaucoup, mais j'ai décidé de continuer. Mes deux enfants étaient devant moi et je savais que je ne pourrais pas les rattraper. Mais je devais terminer la course.

J'ai continué en marchant par intermittence parce que j'étais souvent au téléphone avec les urgences, le cardiologue interventionnel et le médecin de l'unité de soins intensifs. Mais la course s'est déroulée sans encombre, j'ai continué et j'ai franchi la ligne d'arrivée. J'ai levé les bras en l'air. « Terminé ! »

C'est alors que j'ai entendu quelqu'un crier : « On a besoin d'aide par ici ! ». Un autre coureur avait perdu connaissance. Il se trouvait à environ 3 ou 6 mètres de la ligne d'arrivée, avec une blessure à la tête qui saignait. Pendant une milliseconde, je me suis demandé comment un tel accident pouvait se produire à nouveau. Puis toute mon attention s'est portée sur l'évaluation du coureur.

A nouveau, l’homme ne respirait pas et n'avait pas de pouls. J'ai immédiatement commencé les compressions thoraciques. Dans la minute qui a suivi, un volontaire médical de la course a apporté un défibrillateur. Nous l'avons branché rapidement et le défibrillateur a indiqué "Choc conseillé", ce qui indique une arythmie léthale. Nous lui avons administré un choc et j'ai continué les compressions thoraciques.

Moins d'une minute plus tard, il s'est levé en disant : « Qu'est-ce que je fais ici ? » Puis il a immédiatement consulté sa montre et éteint son Strava pour enregistrer le fait qu'il avait terminé la course !

À ce moment-là, le directeur médical de la Big Sur Marathon Foundation, le Dr John Ellison, est arrivé sur les lieux. Il est médecin urgentiste à l'hôpital public. Nous avons évalué le pouls du patient et il allait bien. Nous l'avons fait monter dans une ambulance et il est parti lui aussi à l'hôpital.

J'ai de nouveau appelé les urgences, le cardiologue interventionnel et le médecin de l'unité de soins intensifs pour les informer de la deuxième réanimation

Après cela, j'étais dans un état second, essayant de comprendre ce qui s'était passé. Je n'en revenais toujours pas. Le Dr Ellison a déclaré plus tard que lorsque la première réanimation s'était produite, il s'était dit : « C'est le genre d’événement qui ne se produit qu'une fois par décennie dans notre course. Et puis, il s’en produit une seconde ! ».

J'ai consulté les statistiques. Environ 1 coureur sur 200 000 fait un arrêt cardiaque pendant un semi-marathon. Il y avait environ 6500 personnes. Donc, si vous faites le calcul, il y a environ une chance sur mille que deux coureurs fassent un arrêt cardiaque au cours de la même course. Mais quelle était la probabilité pour que je sois juste à côté des deux ? C'est ça qui est fou. Est-ce que vous appelleriez ça un miracle ? Je n'en sais rien mais c'est tout à fait inhabituel.

Le lendemain, j'ai rendu visite aux deux patients à l'hôpital. Ils se sont très bien rétablis, ce qui est formidable, car en général, le taux de survie en cas d'arrêt cardiaque extrahospitalier est d'environ 5 %. C'est vraiment grâce à la direction de la course et aux bénévoles médicaux qui étaient présents, ainsi qu'à l'équipement disponible. Il est évident qu'en cas d'arrêt cardiaque, il est plus facile d'obtenir de l'aide rapidement lorsqu'il y a beaucoup de monde autour de soi.

Il est facile à partir d’une histoire comme celle-ci d’en déduire que tout le monde devrait apprendre à utiliser un défibrillateur. Savoir pratiquer la réanimation cardio-pulmonaire et utiliser un DEA est très simple et peut sauver une vie. Mais ne serait-il pas encore mieux de prévenir les arrêts cardiaques ?

J'ai eu mon propre moment de lucidité en 2014. J'ai des antécédents familiaux de maladies cardiaques. Et avec mes quelque 120 kilos, je commençais à avoir de nombreux problèmes de santé. Ma tension artérielle augmentait. Je souffrais d'apnée du sommeil, de reflux gastrique et d'horribles douleurs dorsales. Je me souviens avoir monté un escalier dans ma maison en portant un paquet relativement léger, et j'ai dû m'arrêter pour reprendre mon souffle.

J'ai six enfants. Et je me suis dit qu'il fallait que je sois là pour eux. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à changer mon régime alimentaire pour y intégrer plus de végétaux et que j'ai perdu près de 45 kilos. J'ai couru mon premier marathon complet en 2014, et depuis, j'ai effectué 10 marathons et au moins 30 ou 40 semi-marathons.

Ma passion pour la course à pied m'a permis d'être là, au bon endroit, au bon moment, et je suis ravi que ces deux patients s'en soient sortis si bien. Ils ont tous deux bénéficié d'une angioplastie avec pose de stent à l'hôpital pour débloquer un vaisseau obstrué.

J'aimerais les inviter à participer de nouveau à la course l'année prochaine – si leur cardiologue les y autorise.

Steven Lome, DO, RVT, est cardiologue au sein du Montage Medical Group à Monterey, en Californie.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre Half Marathon Heart Crisis -- Times Two . Traduit par Stéphanie Lavaud.

 

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