POINT DE VUE

Perte osseuse après chirurgie bariatrique : un risque à prendre en considération

Dre Madhusmita Misra

Auteurs et déclarations

16 août 2023

Les deux types de chirurgie bariatrique qui sont les plus couramment pratiqués aujourd’hui sont la sleeve gastrectomie et le pontage gastrique Roux-en-Y (RYGB) ― voir encadré en fin d’article (page 3). Pour rappel, en France, ce type de chirurgie est actuellement recommandé pour les adultes dont l'indice de masse corporelle (IMC) est > 40 kg/m², ou > 35 kg/m² avec une complication associée (diabète de type 2, HTA, SAHOS…). Chez les patients avec un diabète déséquilibré malgré un traitement bien conduit, la chirurgie peut être proposée lorsque l'IMC est > 30. La HAS ne préconise la chirurgie bariatrique chez les enfants et les adolescents qu'en derniers recours et dans de rares cas.

En comparaison, aux États-Unis, la chirurgie bariatrique est recommandée pour les personnes avec un IMC ≥ 35 indépendamment des complications liées à l'obésité, et peut être envisagée pour les individus dont l'IMC est ≥ 30. Chez les enfants et les adolescents, la chirurgie doit être envisagée chez ceux dont l'IMC est > 120 % du 95e percentile et qui présentent une comorbidité majeure ou chez ceux dont l'IMC est > 140 % du 95e percentile.

Impact de la chirurgie bariatrique sur la santé osseuse

De nombreuses études menées chez des adultes et des adolescents ont démontré que la sleeve gastrectomie, le RYGB et le BPD-DS (mais pas l'anneau gastrique) sont associés à une diminution de la densité osseuse, une altération de la structure osseuse et une réduction des estimations de la force au fil du temps [1,2,3]. Le risque relatif de fracture après RYGB et BPD-DS serait de 1,2 à 2,3 (soit 20 à 130 % de plus que la normale), tandis que le risque de fracture après sleeve gastrectomy fait encore l'objet d'études dont les résultats sont parfois contradictoires.

Le risque de fracture commence à augmenter deux à trois ans après l'opération et atteint son maximum 5 ans plus tard. La plupart des données relatives aux fractures proviennent d'études menées chez des adultes. Avec le recours croissant à la chirurgie de perte de poids (en particulier la sleeve gastrectomie) chez les adolescents, des études sont nécessaires pour déterminer le risque de fracture dans ce groupe d'âge plus jeune, qui semble également présenter des réductions marquées de la densité osseuse, une structure osseuse altérée et une force osseuse réduite après la chirurgie bariatrique.

Facteurs contribuant à l'altération du métabolisme osseux après une chirurgie bariatrique

L'effet délétère de la chirurgie bariatrique sur les os semble être dû à différents facteurs, notamment la perte de poids massive et rapide qui survient après l'opération ― le poids corporel ayant un effet de charge mécanique sur les os et favorisant par ailleurs la formation osseuse. La perte de poids entraîne une décharge mécanique et donc une diminution de la densité osseuse. En outre, la perte de poids s'accompagne d'une perte de masse musculaire et de masse grasse, et on sait que la réduction de la masse musculaire est néfaste pour l'os.

Parmi les autres causes possibles de la réduction de la densité osseuse, citons la diminution de l'absorption de certains nutriments, tels que le calcium et la vitamine D, essentiels à la minéralisation osseuse, et l'altération de certaines hormones qui ont un impact sur la santé osseuse. Il s'agit notamment de l'augmentation de l'hormone parathyroïdienne (PTH), qui augmente la perte osseuse lorsqu'elle est sécrétée en excès, de l'augmentation de la PYY (hormone réduisant la formation osseuse), de la diminution de la ghréline (hormone augmentant généralement la formation osseuse), en particulier après une sleeve gastrectomie, et de la diminution de l'estrone (type d'œstrogène qui, comme d'autres œstrogènes, prévient la perte osseuse). En outre, l'âge et le sexe peuvent modifier les conséquences osseuses de la chirurgie, les résultats chez les femmes ménopausées semblant moins bons que chez les femmes et les hommes plus jeunes.

Prévention de la perte de densité osseuse

Compte tenu des nombreux avantages de la chirurgie bariatrique, comment prévenir cette diminution de la densité osseuse après l'opération? Il est important que les personnes qui subissent une chirurgie d'amaigrissement soient conscientes de ces conséquences potentiellement négatives et qu'elles prennent les précautions nécessaires pour l'atténuer.

Il faut surveiller la densité osseuse en commençant quelques années après la chirurgie, en particulier chez les personnes qui présentent le plus grand risque de fracture, afin d’être proactifs dans le traitement de toute perte osseuse grave qui justifierait une intervention pharmacologique.

On recommande généralement une optimisation de l'apport en calcium (1200-1500 mg/j), en vitamine D (2000-3000 UI/j) et en protéines (60-75 g/j) par le biais de l'alimentation et/ou de suppléments et la pratique d'une activité physique avec mise en charge, car celle-ci exerce des effets de charge mécanique sur le squelette favorisant l’augmentation de la formation osseuse et de la masse musculaire au fil du temps, ce qui est bénéfique pour l'os. Il a été démontré qu'un programme d'entraînement progressif à la résistance avait des effets bénéfiques sur les os, et des mesures devraient être prises pour réduire le risque de chutes, qui augmente après certains types de chirurgie bariatrique, comme le pontage gastrique. Un entretien avec un diététicien peut aider à déterminer les autres nutriments qui doivent être optimisés.

En 2022, le Groupe de Recherche et d’Information sur les Ostéoporoses (GRIO) et la Société Française de Rhumatologie (SFR) ont émis des recommandations [4] concernant la prévention et le traitement de l’ostéoporose secondaire à la chirurgie bariatrique (voir le résumé de ces recommandations ).

Bien que les changements hormonaux observés après la chirurgie aient bien été associés à une perte osseuse, il n'y a pas, à l'heure actuelle, de thérapies hormonales recommandées, et des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si des traitements pharmacologiques spécifiques pourraient permettre d'améliorer la santé osseuse après la chirurgie.

 

Les différents types chirurgies bariatriques
La sleeve gastrectomie consiste à retirer une grande partie de l'estomac afin de réduire considérablement sa capacité (jusqu'à environ 20 %), ce qui diminue la capacité à consommer de grandes quantités de nourriture. L'intervention entraîne également une réduction marquée de la ghréline (hormone stimulant l'appétit), et certaines études ont fait état d'une augmentation du glucagon-like-peptide 1 (GLP-1) et du peptide YY (PYY), hormones induisant la satiété.
Le bypass gastrique consiste à créer une petite poche stomacale et à détourner l'intestin grêle de manière à contourner une grande partie de l'estomac ainsi que la partie supérieure de l'intestin grêle. Cela réduit la quantité de nourriture qui peut être ingérée à tout moment, augmente les niveaux de GLP-1 et de PYY et réduit l'absorption des nutriments, ce qui entraîne une perte de poids.
Les chirurgies bariatriques moins courantes comprennent l'anneau gastrique et la dérivation biliopancréatique avec switch duodénal (BPD-DS). L'anneau gastrique consiste à placer un anneau dans la partie supérieure de l'estomac et la taille de la poche créée peut être modifiée en injectant plus ou moins de sérum physiologique par un port inséré sous la peau. La DBP-DS comprend une sleeve gastrectomie, la résection d'une grande partie de l'intestin grêle et la dérivation des canaux pancréatiques et biliaires vers un point situé en dessous de la jonction des extrémités de l'intestin réséqué.

 

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