Sixième patient possiblement guéri du VIH : une annonce forte au congrès mondial dédié au Sida

Marine Cygler

25 juillet 2023

Brisbane, Australie – Un sixième patient est en longue rémission du VIH après greffe de moelle osseuse. L'annonce a été faite officiellement le lundi 24 juillet lors du congrès de l'International AIDS Society (IAS 2023) à Brisbane[1].

Le cinquantenaire, dont l'identité n'a pas été divulguée, est suivi aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) en Suisse, et son cas est étudié en collaboration avec l’Institut Pasteur, l’Institut Cochin et le consortium IciStem.

A la différence des cinq premiers patients considérés comme guéris suite à une greffe de moelle osseuse – ceux de Berlin, de Londres, de Düsseldorf, de New York et de City of Hope – il a reçu un greffon dépourvu de la mutation CCR5-delta32 protectrice contre l'infection VIH. Et pourtant, il semble en rémission, tout au moins, 20 mois après l'arrêt des antirétroviraux, il n'y a pas eu de rebond viral.

Asier Sáez-Cirión , responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur, a présenté cette étude de cas lors du congrès et à l'occasion d'une conférence de presse sur les faits marquants de cette édition 2023.

Tous les marqueurs de l'infection ont rapidement diminué après la greffe. Et ils sont devenus indétectables avec nos techniques d'analyse habituelles Asier Sáez-Cirión

Un greffon non-porteur de la mutation CCR5-delta32 empêche l'infection

Le patient genevois est un homme dont l'infection au VIH1 a été diagnostiquée en 1990. Sous traitement antirétroviral depuis trois décennies et avec une charge virale indétectable depuis 2005, il est traité par chimiothérapie puis reçoit une greffe de cellules souches pour traiter une forme particulièrement agressive de leucémie (sarcome biphénotypique).

 « Malheureusement le donneur compatible n'était pas porteur de la mutation qui confère la résistance naturelle [contre le VIH] », a indiqué Asier Sáez-Cirión lors de la conférence de presse. Le patient de Genève a donc reçu un greffon dont les cellules dépourvues de cette mutation étaient théoriquement sensibles au VIH car celui-ci pouvait se lier à leur membrane et pénétrer à l'intérieur.

« Pourtant, tous les marqueurs de l'infection ont rapidement diminué après la greffe. Et ils sont devenus indétectables avec nos techniques d'analyse habituelles (recherche ADN viral, ARN viral, particules virales, réponse anticorps anti-VIH1) en quelques mois », a poursuivi le chercheur.

Le traitement antirétroviral a été progressivement diminué avant d'être définitivement arrêté en novembre de 2021. Vingt mois après l'arrêt des antirétroviraux, le patient est considéré en rémission.

« On considère que quand on dépasse les douze mois d’indétectabilité du virus, la probabilité qu’il reste indétectable à l’avenir augmente nettement », explique Asier Sáez-Cirión.

Ce résultat est surprenant car médecins et chercheurs s'attendaient à un rebond viral comme ce fut le cas pour deux patients porteurs du VIH et qui avait reçu une greffe de cellules souches d'un donneur non-porteur de la mutation auparavant. La charge virale de ces deux patients est remontée dans les mois qui ont suivi la greffe.

Diminution du réservoir

Comment expliquer ce phénomène ? « [Chez ce nouveau patient], on a trouvé de l'ADN du VIH après la greffe. Puis, le taux est descendu », a confié Asier Sáez-Cirión qui en conclut que « les réservoirs de VIH ont disparu car les cellules du patient ont été toutes rapidement remplacées par celles du donneur. Pour Asier Sáez-Cirión, il est aussi possible que « dans le cas de ce patient, le greffon a pu réagir contre le réservoir, ce qui a pu contribuer à diminuer encore le réservoir ».

Présente aussi à la conférence de presse, la Dre Alexandra Calmy qui exerce aux HUG a indiqué qu'une autre hypothèse pour expliquer cette disparition des réservoirs de VIH est l'utilisation du ruxolitinib qui a été délivré au patient lors d'une réaction du greffon contre l'hôte (GvHD) huit mois après la greffe.

Si à partir d'un seul « case report » il est difficile de mettre en lumière les mécanismes en cause, « ce sont les anecdotes cliniques qui mènent à des nouvelles idées en médecine », a rappelé la Pre Sharon Lewin, présidente de la conférence de l’International AIDS Society. 

Le patient, lui, devra encore être étroitement surveillé pour guetter un éventuel rebond car « on ne peut pas exclure une présence virale même si on ne la détecte pas », a conclu, prudent, le chercheur de l'institut Pasteur.

Les chercheurs ont rappelé que la greffe de moelle osseuse est une opération lourde, risquée et pas toujours réalisable chez les patients. Elle ne peut donc pas devenir une stratégie à grande échelle pour le traitement du VIH. Néanmoins, ce cas clinique ouvre de nouvelles pistes de recherche.

On ne peut pas exclure une présence virale même si on ne la détecte pas

 

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