François Braun quitte le ministère de la santé : quel bilan ?

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

21 juillet 2023

France — Aura-t-il démérité au poste de ministre de la Santé ? Difficile à dire. En tous les cas, il n'aura pas réussi à convaincre. Après seulement une année en poste, le Dr François Braun, 60 ans, quitte l'avenue Duquesne pour laisser la place à Aurélien Rousseau, ancien directeur de cabinet d'Élisabeth Borne, 47 ans. Retour sur le parcours politique de celui qui fut chef du pôle Urgence du Chu de Metz-Thionville (à compter des années 2010) et président du syndicat de médecins urgentistes Samu Urgences de France (SudF).

 

Après avoir organisé une mission flash pour renforcer l'accès aux soins urgents et non programmés durant l'été 2022, François Braun — qui fut l'un des conseillers santé d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017  a été nommé ministre de la Santé par défaut en juillet dernier, après que Brigitte Bourguignon, ministre de la Santé depuis mai 2022, a dû quitter le gouvernement à la suite de sa défaite aux élections législatives de juin 2022.

Développement des SAS

Durant cette courte année ministérielle, François Braun aura eu à cœur de développer les services d'accès aux soins (SAS), sa création, dès avril 2023.

D'ici la fin de l'année, si son successeur poursuit son œuvre, les SAS, un système de régulation des appels vers les urgences, pour répartir les patients entre les soins urgents et les soins non programmés, seront généralisés à l'ensemble du territoire.

Malgré cette mesure phare, François Braun aura perdu de son crédit lors de la crise hospitalière de décembre 2022, durant laquelle une triple épidémie de grippe, Covid, et bronchiolite avait totalement engorgé le système hospitalier, dévoilant l'impuissance du ministère de la santé.

On se rappelera aussi que François Braun avait aussi menacé de rendre obligatoire le port du masque dans les transports en commun, lors de l'hiver 2022, mais sans passer à l'acte, donnant l'image d'un ministre faible et peu déterminé. De même, de nombreux médecins, dont le Dr Mathias Wargon, chef de service des urgences et du SMUR du centre hospitalier Delafontaine, en Seine-Saint-Denis, lui reprocheront également d'avoir décidé de la réintégration des soignants non vaccinés dès la mi-mai 2023.

Médecins généralistes en grève

Sur le plan social, François Braun, de manière indirecte, aura réussi à s'attirer la colère à la fois des médecins libéraux et hospitaliers. En effet, entre la fin de l'année 2022 et le début de l'année 2023, un collectif de médecins généralistes entamaient une grève des cabinets pour obtenir de force la revalorisation de la consultation à 50 euros. Les médecins biologistes, de concert, démarraient eux aussi une grève des laboratoires, pour s'opposer à la baisse des tarifs en biologie. Tandis que les syndicats représentatifs des médecins libéraux rejetaient unanimement l'avenant 10 à la convention médicale, jugeant certaines dispositions, comme le contrat d'engagement territorial (CET) trop contraignants. Autre pierre d'achoppement avec les médecins libéraux : la deuxième loi Rist de 2022, qui accorde un trop grand accès direct aux infirmiers de pratique avancée. Au final, le ministre de la Santé aura réussi à calmer les troupe de médecins de ville en restreignant l'accès direct uniquement aux IPA d'exercice coordonné.

Syndicats remplaçants en grève

Las, c'est la première loi Rist de 2021, mise en application en avril 2023, qui remet le feu aux poudres dans les services hospitaliers : cette loi permet de prendre des sanctions contre les hôpitaux qui enfreindrait le plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires. Cette fois, c'est le Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH) qui déclenche une grève en refusant de travailler dans les établissements de santé publique.

Grève des praticiens hospitaliers

François Braun promet alors aux praticiens hospitaliers de revaloriser leur salaire avec l'argent économisé sur la paie des médecins intérimaires, soit 1,5 milliard d'euros. Mais les syndicats de praticiens hospitaliers n'en voient pas la couleur, et décident de concert d'observer une grève les 3 et 4 juillet. Chou blanc : ce mouvement social ne convainc pas le ministère de l'économie de revaloriser substantiellement les rémunérations des médecins hospitaliers.

Enfin, quelques jours avant d'apprendre son limogeage, François Braun assurait sur tous les médias qu'il n'y avait aucune fermetures de services d'urgence cet été, pendant que l'ensemble des syndicats hospitaliers tiraient la sonnette d'alarme...

Interrogé par Medscape sur ce limogeage de François Braun, la porte-parole de la société française de médecine d'urgence (SFMU), la Dre Agnès Ricard- Hibon voit dans ce départ un signal funeste pour le monde de la santé : « Ce n'est pas une bonne nouvelle, il n'y a pas de continuité dans les actions engagées ce n'est pas un bon signal. François Braun a engagé beaucoup de choses qui allait dans le bon sens mais il fallait qu'il ait l'appui de l'arbitrage interministérielle, et il ne l'a jamais eu. Il a fait le SAS, la revalorisation de la permanence des soins, la 4e année de médecine générale, etc. »

Il n’y a pas de continuité dans les actions engagées ce n'est pas un bon signal. François Braun a engagé beaucoup de choses qui allait dans le bon sens mais il fallait qu'il ait l'appui de l'arbitrage interministérielle, et il ne l'a jamais eu. Dre Agnès Ricard- Hibon

 

Son successeur devra donc gérer de multiples crises sociales.

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....