France — Dans la perspective des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale (PLFFS) pour 2024, la Cour des comptes a choisi d’examiner « les politiques publiques pour lesquelles les questions de l’efficacité et de l’efficience de l’action publique se posent avec une acuité particulière ». Les soins de ville en font partie [1].
Le choix n’est pas surprenant pour une institution chargée de surveiller les dépenses de l’État, sachant qu’en 2022, celles correspondant à ces soins se sont élevées à 107,6 milliards d’euros, soit plus que les dépenses de l’Assurance maladie pour l’hôpital (98,4 Mds €), et que leur enveloppe prévisionnelle annuelle « est régulièrement dépassée », et cela même avant la crise du Covid-19 (5,1 Mds € en 2022). Pour la Cour des comptes, ce constat résulte essentiellement de « la quasi-absence de maîtrise infra-annuelle des dépenses », et notamment de l’inexistence d’une régulation prix-volume (sauf pour les actes de biologie médicale). Les négociations conventionnelles sont un instrument essentiel de régulation, puisque « les honoraires des professions de santé représentent plus de 39% des dépenses de soins de ville ». Néanmoins, l’État ne se sert pas suffisamment de ses autres instruments, en particulier en ce qui concerne les médecins. Par exemple, il n’a jamais utilisé « la possibilité de différer l’entrée en vigueur d’une convention, suite à un signalement de risque sérieux de dépassement de l’Ondam (Objectif national des dépenses d'assurance maladie) par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie ». Ainsi, pour assurer l’équilibre global des dépenses, ce sont des mesures de gel de celles effectuées dans les établissements de santé qui sont ciblées.
Le rapport de la Cour dresse un état des lieux sévère sur « l’organisation insuffisamment efficace des soins de ville » et les inégalités d’accès aux soins. Il n’a rien d’original, les différents constats sur ces sujets étant établis depuis longtemps. Aussi vaut-il mieux se pencher sur les solutions qu’il avance.
1. Accélérer la réorganisation des soins de ville.
Cela signifie d’abord assurer le virage numérique, notamment en favorisant « le ciblage des politiques d’aide à l’équipement sur les structures d’exercice coordonné en ville et les zones sous-denses », en renforçant les exigences d’interopérabilité des systèmes d’information et en encadrant les pratiques. Les prescriptions doivent être dématérialisées (ce qui prévient les risques d’iatrogénie). À ce sujet, « la Cour s’étonne de la non-parution des textes d’application fixant l’obligation de dématérialisation, fin 2021 pour les arrêts de travail, fin 2024 pour les autres prescriptions », bien qu’elle admette que le sujet nécessite des « chantiers d’importance ».
La classification commune des actes médicaux (CCAM) et la nomenclature des actes professionnels (NGAP) gagneraient à être régulièrement actualisées (ce travail est en cours), ce qui serait utile pour la définition et la coordination des missions de chaque profession de santé.
La Cour se prononce en faveur de dispositions objets de débats : extension du conventionnement sélectif aux professions médicales en faveur des territoires et populations les moins bien pourvues, maîtrise des dépassements tarifaires.
2. Renforcer les incitations à la qualité
Les fonctions de coordination et les pratiques « d’aller vers » les populations vulnérables doivent bénéficier de « justes rémunérations ». La part des rémunérations forfaitaires axées sur des objectifs de santé publique « doit être renforcée, pour lutter contre le caractère inflationniste de la tarification à l’acte ». Ne devraient être conservés que les indicateurs associés à la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) dont l’impact est mesurable, avec des objectifs définis en concertation avec les professionnels.
La Cour souhaite un « accompagnement » des professionnels pour « promouvoir la pertinence et l’efficience de leurs prescriptions ». Elle promeut l’élargissement à d’autres pathologies chroniques que l’insuffisance cardiaque, la bronchopneumopathie obstructive, la maladie rénale et la maladie de Parkinson d’une définition des parcours de soins effectuée par la Haute Autorité de Santé et la Caisse nationale d’assurance maladie, avec la possibilité éventuelle de recommandations opposables.
3. Assurer un meilleur pilotage de la dépense
Il s’agit en premier lieu de renforcer la lutte contre les fraudes (dont la Cour rappelle qu’elles sont, majoritairement, le fait des professionnels et non des patients), notamment en appliquant des sanctions importantes, mais aussi le repérage des « facturations à tort », dont le montant est estimé à 3,4 Mds €.
Les dépenses de prévention devraient faire l’objet d’un suivi annuel, avec évaluation des économies induites.
Enfin, « les dépenses de soins de ville gagneraient à être inscrites dans une stratégie et des trajectoires pluriannuelles pour donner une meilleure visibilité aux partenaires conventionnels ».
Au total, des préconisations qui, elles aussi, sont bien connues…
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.
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Crédit de Une : BSIP
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Citer cet article: Les soins de ville sous la loupe de la Cour des Comptes - Medscape - 24 juil 2023.
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