France—Qui dit vrai ? Interrogé par Public Sénat ce 10 juillet, le ministre de la Santé François Braun a nié tout simplement la fermeture de services d'urgences cet été due à un manque de personnels médical et paramédical.
« Il n'y a pas de fermeture de SAU même s'il y a quelques exceptions dans certains territoires. Il y a des réorganisations, oui : quand vous avez trois services et qu'ils se sont mis d'accord pour ouvrir sur deux services. Ce n'est pas une fermeture, c'est de la réorganisation. C'est un accès régulé », a-t-il répondu aux journalistes de Public Sénat, perplexes.
À la question : que répondez-vous aux députés de la Mayenne qui dénoncent la fermeture des urgences vitales des trois hôpitaux de ce département cet été, François Braun nie qu'il s'agit de fermetures, mais évoque plutôt une « réorganisation ». Question de sémantique.
Il s'est également voulu rassurant à l’endroit des patients : « Tous les Français qui en ont besoin seront pris en charge dans les situations urgentes. Pour cela, il y a un réflexe, faites le 15 pour appeler le Samu. Il vaut mieux éviter de se présenter aux urgences si votre cas de relève pas des urgences car alors, vous allez attendre. »
Régulation
C'est ce que l'on appelle de la régulation : désormais, plutôt que de se rendre directement aux urgences, le ministère de la Santé recommande d'appeler d’abord le 15, lequel Samu régulera les patients et les enverra qui vers les SAU qui vers la médecine de ville.
Là aussi, François Braun tire un satisfecit de cette situation. Au Figaro , il va même jusqu'à déclarer que la fréquentation des urgences a baissé, de 5%, même si certains territoires sont sous tension : « les agences régionales de santé (ARS), évidemment très mobilisées pendant cette période, m’indiquent plutôt que les difficultés sont moindres que l’an dernier, même si des points chauds sont identifiés dans certains territoires. C’est le cas de régions qui souffrent déjà en temps normal d’un manque de présence médicale: Centre-Val-de-Loire, Bretagne, Dordogne. »
Samu Urgences de France très inquiet
Étrangement, son successeur à la tête du syndicat Samu Urgences de France, le Dr Marc Noizet, décrit pour Medscape édition française une situation cataclysmique.
À cela deux principales causes : la fermeture de lits et la mise en application de la loi Rist, qui plafonne la rémunération des médecins remplaçants, et les décourage de faire de l'intérim : « Les urgences sont en difficulté car ces services doivent faire face à de nombreuses fermetures de lits estimés à 15 ou 20%. La problématique de l'aval des urgences est une problématique vieille de quinze ans, mais elle s'est particulièrement accentuée ces derniers mois du fait de la fermeture des lits. La loi Rist dans toutes les régions non attractives a aggravé la problématique des ressources médicales dans les services des urgences, en gynécologie-obstétrique et en médecine. »
Si le Dr Noizet reconnait que la fréquentation des urgences a baissé, il l'impute avant tout à la régulation par le 15, et non au développement des services d'accès aux soins (SAS) : « Partout où le SAS fonctionne, cela n'a pas engendré de réduction des fréquentations des urgences tout simplement parce que la situation du système de santé s'est dégradé : en deux ans (depuis l’ouverture des premiers sas), la démographie s'est dégradée, la concentration des patients a augmenté; si nous étions sur un système stable certainement que le SAS aurait engendré une petite diminution. Ce qui actuellement a engendré une diminution de la fréquentation des urgences, c'est la régulation par le 15, il n'est plus possible d'aller aux urgences sans avoir appelé le 15 actuellement. »
Saint-Tropez en difficulté
Y a-t-il des zones plus en tension que d'autres ?
Oui, répond le Dr Noizet : « On rencontre ces problématiques dans ma région le Grand-Est où de nombreux services d'urgence sont confrontés à des pénuries de personnel. Aussi dans le Centre, dans certaines zones touristiques comme les Sables d'Olonne (85), mais aussi Saint-Tropez (83). Jusqu'à présent, dans ces zones, on arrivait toujours à trouver des remplaçants qui venaient travailler pendant la saison estivale malgré une activité multipliée par deux ou trois. A Saint-Tropez actuellement, on se demande comment faire pour ne pas fermer, tandis qu'aux Sables d'Olonne, on réorganise tous les services d'urgence de la Vendée pour trouver des solutions. Le Sud-Ouest en revanche est moins inquiété. En région parisienne il y a des difficultés tout comme dans le nord, à Arras, à Douai, on est dans l'obligation de fermer une, deux, trois colonnes d'urgentistes car nous n'avons plus assez de médecins. À Metz-Thionville (57), l'ancien hôpital de notre ministre, il n’y a que 50% des effectifs médicaux pour faire tourner les deux services (de Metz et Thionville). Le service de Thionville n'aura plus qu'un seul médecin, là où ils étaient trois ou quatre et à Metz, on essaie de le renforcer pour éviter que tout s'écroule. On transfère des médecins de Thionville à Metz : à Thionville, là où on assurait 144 passages par jour, c'est désormais limité à 60 passages avec un seul médecin qui fera à la fois le SMUR et les urgences, c'est du jamais vu, on n'a jamais été aussi "dégradé". Sans parler de l'anesthésie, où on a fermé des tas de salles opératoires, on ne sait plus comment opérer des patients en urgence. »
La Loi Rist en cause selon le SNMRH
Autre syndicaliste à tirer la sonnette d'alarme : le Dr Éric Réboli, président du syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH). Il a compilé dans un document toutes les coupures de la presse régionale qui font état de fermetures ou de réduction des SAU : hôpital de Brioude (43), urgences des hôpitaux de Dordogne (24), hôpital de Vouziers (08), urgences à Luçon (85) et Montaigu (85), etc.
« Des départements entiers tels que la Mayenne (53), la Dordogne (24) ou la Manche (50) n'ont plus aucun service d'urgences ouverts H24 et 7/7 ! Même des CHU sont touchés... Faites le 15, engorgez le 15 déjà saturé et on vous expliquera ! », dénonce le Dr Éric Réboli dans un communiqué. Pour lui, la cause de cette déshérence des services d'urgences par les médecins est la loi Rist, sans nul doute possible : « Sur le plan humain, la loi Rist a privé des centaines d'hôpitaux d'une main d'œuvre indispensable. Des milliers de lits sont inexorablement fermés depuis 3 mois, de la psychiatrie à la gériatrie en passant par les SSR ou la cardiologie. »
Soins de ville
Quid de la médecine de ville, qui doit soutenir l’activité hospitalière ? A contrario des discours alarmistes, le Conseil national de l'ordre des médecins tient à rassurer sur la permanence des soins ambulatoires (PDSA), censé prendre le relais de l'urgence hospitalière en cas de besoin.
« Même si 76% des territoires ont une faible présence de médecins de garde, en nuit profonde, les aides médicales d’urgences prennent le relais. L’Ordre des médecins souligne que dans les territoires avec peu de médecins volontaires pour les gardes, des associations, comme SOS médecins, assurent la permanence de soins, particulièrement en nuit profonde. Par ailleurs, le nombre de médecins assurant la régulation médicale a augmenté en 2022 de 2,7% par rapport à l’année précédente. Les médecins retraités, salariés, ou remplaçants assurant la régulation ont fortement augmenté (25%). »
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Citer cet article: Quid des tensions aux Urgences cet été ? - Medscape - 19 juil 2023.
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