Paris, France – « Chaque année, je reçois deux à cinq patients pour lesquels il y a eu une confusion diagnostique entre crise de panique et crise [épileptique] focale dans une sens ou un autre », indique la Dr Coraline Hingray (psychiatre, CHRU, Nancy).
Cela signifie qu'une crise focale peut être diagnostiquée à tort comme une attaque de panique et qu'à l'inverse il arrive que des attaques de panique soient diagnostiquées à tort comme des crises d'épilepsie focales. La distinction du trouble neurologique au trouble psychiatrique a fait l'objet d'une présentation orale [1] lors des Journées Neurosciences Psychiatrie Neurologie ( JNPN 2023 ) qui se sont déroulées les 29 et 30 juin derniers au Palais des Congrès à Paris.
Il existe des liens bidirectionnels entre épilepsie et psychiatrie. Les personnes souffrant d'une épilepsie sont en effet plus anxieuses, sont plus sujettes aux troubles paniques et à l'agoraphobie que la moyenne. « Il y a trois fois plus de risque de développer un trouble panique quand on souffre d'une épilepsie. Et l'inverse est vrai : si on regarde les comorbidités dans une population de paniqueurs, l'épilepsie ressort avec un odd ratio de 3,07 », détaille Coraline Hingray au début de la présentation.
« Les délais diagnostiques peuvent être de plusieurs années », indique quant à lui le Pr Louis Maillard (neurologue, CHRU Nancy). Cette phase d'errance diagnostique est en partie liée à « la méconnaissance toutes les expériences subjectives extrêmement riches qui peuvent se produire au cours des crises ».
Manifestations émotionnelles critiques
Lors de la phase aiguë de la crise épileptique focale, il peut survenir des « manifestations émotionnelles critiques » qui regroupent l'anxiété et la peur mais aussi la tristesse, la colère, la culpabilité, les manifestations à caractère sexuel, mystique et extatique. Parmi ces phénomènes émotionnels, l'anxiété et la peur, corrélées à une décharge critique dans les structures limbiques, en particulier au sein de l'amygdale, sont « largement prépondérantes », constate l'épileptologue dans son expérience clinique.
L'anxiété critique est décrite comme un sentiment d'inquiétude, de nervosité, de malaise et de crainte [2]. « On peut se demander si elle est toujours déterminée par la décharge ou bien si elle peut avoir pour origine le vécu antérieur du patient », explique le Pr Maillard. Elle est bien plus difficile à appréhender que la peur critique pour laquelle il y a un comportement évident de peur avec des automatismes de fuite, de pédalage, de protection,...
La peur critique, plus connue sous son appellation anglosaxonne « ictal fear », est définie comme un comportement de terreur avec une réaction motrice d'une personne qui se sent menacée par un danger imminent. Autrement dit, le patient cherche à fuir, à se protéger ou encore à se cacher sans qu'il y ait de menace objective extérieure.
Diagnostic différentiel : traquer la nuance
Comment distinguer une attaque de panique de la peur critique qui peut survenir lors d'une crise d'épilepsie ? Le DSM décrit l'attaque de panique dans les mêmes termes que ceux décrivant la peur panique au cours d'une crise focale. « Il y a un biais de spécialité : le psychiatre pose un diagnostic de crise de panique quand moi je pose celui d'une crise focale », confirme le Pr Louis Maillard qui propose toutefois aux médecins de s'appuyer sur quelques subtilités pour s'aider.
D'abord, il y a la durée. Les expériences subjectives au cours de crises focales sont très brèves. Même si les patients peuvent avoir une perception altérée du temps, ils rapportent cette brièveté, note le spécialiste. Cela dit, en cas de crises répétées, ils peuvent ressentir un sentiment de peur rémanent qui persiste entre les décharges.
L'état de conscience peut aussi aider, mais ce n'est pas simple. Dans la peur critique, la conscience peut parfois être altérée, mais jamais initialement. Si la conscience est altérée, le patient ne peut pas rapporter le phénomène émotionnel. « Pour la documenter, vous avez besoin du témoignage d'un témoin oculaire », explique Louis Maillard.
En revanche, un élément discriminant, nécessitant l'interrogatoire d'un témoin est la présence d'automatismes oro-alimentaires, gestuels et de comportement de fuite. L'impression de déjà-vu et l'état de rêve sont aussi clairement associés aux crises temporales internes mais très peu fréquents.
Autre information qui aide le diagnostic différentiel, la salivation. « Dans les attaques de panique, les patients ont souvent la bouche sèche alors que dans les crises focales les patients ne rapportent jamais ce problème de sécheresse buccale. Au contraire, ils font état d'un excès de salive » détaille le Pr Maillard. Cela dit, il concède que « sur le plan sémiologiques, ces petites nuances ne sont clairement pas faciles ». « Il y a des situations où on est obligés d'aller jusqu'à l'enregistrement d'EEG prolongé sur 24 à 48 heures» rappelle-t-il.
Tableau issu de la présentation du Pr Maillard / JNPN 2023
|
Peur critique (épilepsie) |
Attaque de panique |
Durée |
0,5-1 minute |
5-15 minutes |
Conscience |
|
préservée |
Anxiété anticipatrice |
possible |
très fréquente |
Agoraphobie |
possible |
fréquente |
Déjà vu, état de rêve |
>5% |
Très rare |
Automatismes oro-alimentaires, gestuels, comportements de fuite |
fréquent |
Très rare |
Salivation |
normale ou augmentée |
Diminuée |
Occurrence |
Diurne ou nocturne |
Presque toujours diurne |
EEG ictal |
Habituellement anormal |
normal |
EEG interictal |
Souvent anormal (si prolongé, veille et sommeil) |
normal |
IRM structures temporo-mésiales |
Peut être anormale |
normale |
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Quand la crise d'épilepsie focale ressemble à une attaque de panique : comment éviter la confusion ? - Medscape - 20 juil 2023.
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