Paris, France – On observe chez la plupart des patients déprimés une augmentation de la CRP et des cytokines pro-inflammatoires. Des travaux de recherche montrent aussi que l'inflammation expose à la résistance aux antidépresseurs. Autrement dit, la dépression est associée à un état d'inflammation laquelle augmente le risque de ne pas répondre aux traitements antidépresseurs. Aussi on peut assez logiquement se demander si les traitements anti-inflammatoires pourraient avoir leur place dans la prise en charge de la dépression résistante aux traitements habituels. Cette question a été développée par le Pr Bruno Aouizerate (psychiatre, CHS Charles Perrens, Bordeaux) lors des Journées Neurosciences Psychiatrie Neurologie (JNPN 2023) qui se sont déroulées les 29 et 30 juin derniers au Palais des Congrès à Paris.
Le célécoxib et la nécessité de stratifier les patients
Lors de sa présentation, le Pr Aouizerate a présenté différents essais cliniques qui évaluaient l'efficacité d'un traitement anti-inflammatoire chez des patients dépressifs pour lesquels la prise d'antidépresseurs n'était pas concluante[1].
Premier anti-inflammatoire utilisé dans ce cadre, le célécoxib* a un effet positif sur la maladie mentale dans certaines études mais d'autres essais[2] concluent cet anti-COX2 n'aurait pas d'intérêt dans la dépression résistante. « Ces résultats, à la fois positifs et négatifs, laissent penser qu'il faut cibler des sous-groupes de patients répondeurs », a expliqué l'orateur qui a indiqué que cette stratification pourrait s'appuyer sur le dosage de l'enzyme indoléamine 2-3 dioxygénase 1 (IDO). Celle-ci n’est pas exprimée en situation physiologique normale. Une étude de 2017 a montré que chez les patients dépressifs répondeurs au célécoxib, l'acitivité de l'IDO est plus importante que chez les non-répondeurs[3].
La stratification pourrait aussi reposer sur le niveau d'activation de la microglie constituée des macrophages du système nerveux central. Il est possible de visualiser cette activation grâce à la TEP. « On se rend compte qu'il faut une certaine activation microgliale au niveau du cortex préfrontal et du cingulaire antérieur pour observer une efficacité du célécoxib [4] » a-t-il précisé. Aussi il semble qu'envisager un traitement anti-inflammatoire dans la prise en charge de la dépression nécessite de déterminer le profil biologique des patients qui en bénéficieraient.
Infliximab, minocycline, omégas 3...
Il en est de même pour les autres anti-inflammatoires cités par Bruno Aouizerate tels l'infliximab, un anticorps monoclonal qui neutralise le TNFalpha[5], la minocycline ou encore les omégas 3 de type EPA (acide eicosapentaénoïque) et DHA (acide docosahexaénoïque).
Concernant la minocycline, il a été montré dès 2017 que cette tétracycline aux propriétés anti-inflammatoires avait une efficacité sur la dépression [6], résultat contredit par une étude plus récente publiée l'année dernière dans le JAMA[7] qui a montré qu'il n'y avait pas de différence dans la réduction des scores de dépression ni dans l'évaluation subjective par auto-questionnaire. Là encore, ceci pourrait s'expliquer par le niveau d'inflammation : la minocycline ne serait efficace qu'en cas d'augmentation des marqueurs inflammatoires, et notamment pour une concentration de la CRP supérieure ou égale à 3mg/l. Pour l'EPA, il a été mis en évidence que leur intérêt dans la dépression dépendait d'un contexte immuno-métabolique spécifique avec une combinaison de différents marqueurs augmentés.
La Pre Marion Leboyer, présidente de la fondation FondaMental , a rappelé que 40 % des patients atteints d'une maladie mentale sont porteurs de marqueurs d'inflammation de bas niveau. Pour elle, la stratification des patients en psychiatrie est en marche. Elle a affirmé : « La médecine de précision, c'est possible et c'est maintenant en utilisant l'immunopsychiatrie », domaine dans lequel son laboratoire de neuropsychiatrie translationnelle de l’Institut Mondor de recherche biomédicale (Créteil) est pionnier. D'autres troubles psychiatriques comme la schizophrénie, la psychose ou les troubles bipolaires sont liés à l'inflammation et pourraient bénéficier de cette approche thérapeutique.
* L’AINS célécoxib (Celebrex® ou autre) expose à un surcroît d'accidents cardiovasculaires (dont thromboses et infarctus du myocarde) et d'effets indésirables cutanés par rapport à d'autres AINS aussi efficaces.
Financements et liens d’intérêts Le Pr Bruno Aouizerate a déclaré des liens d'intérêts avec Astra Zeneca, Lundbeck, Servier, Janssen et Metronic.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Anti-inflammatoires et dépression : de la nécessité de stratifier les patients - Medscape - 7 juil 2023.
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