PH en grève : François Braun reste sourd à leurs revendications

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

6 juillet 2023

France – À la suite d'un mouvement de grève des PH ces 3 et 4 juillet, une délégation a été reçue par le ministère, mais aucune promesse de revalorisation n'a été formulée par les autorités de tutelle.  

Une grève très suivie

La grève des praticiens hospitaliers des 3 et 4 juillet a-t-elle été un succès comme l'ont annoncé triomphalement les intersyndicales Action praticien hôpital (APH), puis le Snam-HP, la CMH et l'INPH ?

« Nous comptons entre 50 et 100% de grévistes dans les hôpitaux, s'était exclamé le Dr Jean-François Cibien, urgentiste et président d’APH le 3 juillet lors d'une conférence de presse.

Nous comptons entre 50 et 100% de grévistes dans les hôpitaux. Dr Jean-François Cibien

 

Au centre hospitalier de la Rochelle, 80% des médecins ont fait grève et 65% au centre hospitalier d'Annecy, a-t-il précisé tout en ajoutant que les syndicats n'avaient pas en leur possession d'instrument de mesures fiables pour quantifier avec précision le nombre de grévistes dans les hôpitaux.

Le 4 juillet, les intersyndicales CMH, Snam-HP et INPH – qui ont lancé un mouvement de grève disjoint de celui d’APH – ont annoncé dans un communiqué, des taux de grévistes similaires à ceux d'Action praticien hôpital : « Ce jour, dans plus de 50% des établissements, la grève a été massivement suivie. Le taux de grévistes y dépasse largement les 60%. La modalité d’action la plus respectée a été la déclaration d’une heure de grève aux directions hospitalières de la part d’une majorité de praticiens. »

Promesse de financements : de déception en déception

Pour rappel, les organisations syndicales de praticiens hospitaliers avaient décidé de se mettre en grève, à la suite de la rupture des négociations de revalorisation de la carrière des PH, entamées sur les chapeaux de roue en mars. Prévoyant une chute du nombre d'intérimaires dans les hôpitaux à la suite de la mise en application du plafonnement des rémunérations des médecins remplaçants au 3 avril, François Braun, ministre de la Santé, avait promis de reverser aux praticiens hospitaliers 1,5 milliard d'euros économisés sur la rémunération des intérimaires.

Mais très vite, il est revenu sur sa promesse, décevant de nouveau les organisations syndicales. Néanmoins, au soir du 11 mai dernier, la Direction générale de l’offre des soins (DGOS) et les organisations syndicales réfléchissaient ensemble à des solutions pouvant permettre de raccourcir la durée de carrière des PH, en rabotant les derniers échelons de fin de grille salariale de quatre ans à deux ans.

Las ! Ces cogitations ont été balayées par le ministère de l'économie, qui a fait savoir qu'aucune enveloppe budgétaire ne serait allouée pour satisfaire les demandes des organisations de praticiens hospitaliers.

Hôpital en détresse

Lors de la conférence de presse du 3 juillet organisée par Action praticien hôpital, les syndicats en grève ont décrit un hôpital en détresse. « Maintenant plus personne ne s'étonne de ne plus avoir de place en service d'orthopédie pour une fracture ouverte », a laconiquement lâché le Dr Patrick Pelloux, président de l'association des médecins urgentistes de France (Amuf).

Maintenant plus personne ne s'étonne de ne plus avoir de place en service d'orthopédie pour une fracture ouverte. Dr Patrick Pelloux

 

La Dr Marie José Cortes, décrivant les sollicitations constantes des psychiatres de garde, qui doivent garantir la continuité des soins, assurer les urgences et répondre aux préfets et ARS pour les soins sans consentements, ne veut pas que la psychiatrie devienne la « spécialité des faits divers ».

En pédiatrie, la France occupe désormais le 25e rang en termes de mortalité infantile, a rappelé le Dr Emmanuel Cixous, président du Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPEH).

Tandis que le Dr Emmanuel Loeb, président du syndicat des Jeunes médecins, a pointé du doigt la surexploitation des médecins diplômés hors union européenne (PADHUE).

Carole Poupon, présidente du Syndicat National des Biologistes des Hôpitaux (SNBH), s'est, de son côté, inquiété de la désaffection de la biologie hospitalière par les internes, et le Dr Jean-François Cibien s'est désolé d'avoir dû troquer l'hôpital Covid contre « l'hôpital qu'on vide ».

Croisés le 4 juillet lors d'un sit-in devant le ministère de la santé, qui a réuni une cinquantaine de médecins, les présidents des intersyndicales CMH et Snam-HP ne décolèrent pas non plus. « Depuis 10 ans nous constatons une aggravation de la situation, Pour la première fois depuis 1958, tous les postes de chefs de clinique n'ont pas été pourvus », détaille le Pr Sadek Beloucif, président du Snam-HP.

Pour la première fois depuis 1958, tous les postes de chefs de clinique n'ont pas été pourvus. Pr Sadek Beloucif

Des revendications qui diffèrent d’un syndicat à l’autre

Pour remédier à la situation, néanmoins, les intersyndicales avancent des remèdes différents. APH insiste pour que tous les PH puissent partager la même grille salariale : pour rappel, depuis la signature des accords du Ségur de la santé en juillet 2020, les praticiens hospitaliers embauchés après le 1er octobre 2020 bénéficient de meilleurs salaires, dus à une grille salariale amputée des quatre premiers échelons.

APH demande donc la même grille salariale pour tous les PH, mais aussi une revalorisation des spécialistes soumises à la permanence des soins des établissements de santé (PDSES).

Les intersyndicales Snam-HP et CMH défendent d'autres revendications : « Nous demandons la revalorisation générale des salaires en baisse de 60% depuis 30 ans, un raccourcissement des carrières de 36 ans à 29 ans, une 5e plage horaire pour la reconnaissance du travail du soir, une revalorisation des gardes et astreintes mais pas uniquement pour les spécialités soumises à la permanence des soins, mais aussi pour les psychiatres par exemple qui doivent prendre en charge des patients difficiles », explique le Dr  Norbert  Skurnik  résident de la Coordination médicale hospitalière (CMH).

Désaccord sur le Ségur de la santé

Rappelons qu’un désaccord de taille sépare ces différents syndicats, avec d’un côté, le CMH, l'INPH, et le Snam-HP qui ont signé les accords du Ségur de la santé, tandis que l’APH a refusé et considère aujourd’hui ces accords comme « bâclés ». D’où des mouvements de grève sur 2 jours distincts.

« Pourquoi ne pas avoir fait grève avec APH ? Ils nous ont prévenu la veille pour le lendemain. Nous sommes d'accord pour un mouvement unitaire mais pas pour un coup de force. Par ailleurs, nous pensons que les accords de Ségur sont une bonne chose, mais il n'y a pas eu de comité de suivi de ces accords, et nous en demandons un », détaille le Dr Skurnik.

« Nous n'avions pas la même plateforme de revendications, eux défendaient la revalorisation de la permanence des soins et se battaient contre l'injustice du Ségur », commente, pour sa part, le Pr Beloucif.

Reçus par le ministère

Ces différences de point de vue sont aussi à l’origine d’une différence de traitement par le ministère. Ayant signé les accords de Ségur, le Snam-HP, la CMH et l'INPH ont été reçus par le ministère de la santé le 4 juillet, mais en sont néanmoins ressortis déçus : « Le résultat de cet entretien avec le cabinet du ministère de la santé n'est ni positif ni négatif, c'est décevant. On nous a écoutés avec beaucoup de compassion mais aucun montant budgétaire ne nous a été alloué, et la DGOS n'a pas de mandat de négociations », regrette la Dr Martine Aubriot, membre de la délégation reçue par le ministère.

On nous a écoutés avec beaucoup de compassion mais aucun montant budgétaire ne nous a été alloué. Dr Martine Aubriot

 

« Quand on a évoqué la pénibilité, la reconnaissance de la charge de soins, de 5e plage horaire, ça ne leur a pas parlé du tout. La priorité pour le ministère de la Santé, c'est la PDS (permanence des soins). À la suite du Ségur, le ministère de la Santé avait décidé d'augmenter de 50% les gardes de manière temporaire. Il semblerait que le ministère veuille pérenniser ce dispositif. »

Le ministère a prévu de revoir les syndicats en septembre pour faire le point sur l'avancement des accords de Ségur. Les intersyndicales, unanimes, ont promis de leur côté une rentrée "chaude", en ce qui concerne les praticiens hospitaliers.

 

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