Le NHS s’engage dans un grand plan d’attractivité de l’hôpital public et promet des « recrutements records »

Dr Sheena Meredith

Auteurs et déclarations

6 juillet 2023

 

De chaque côté du Channel, l’hôpital public est en déliquescence, avec des personnels en partance face à un manque d’attractivité flagrant (Lire Malaise des professionnels de santé : au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et en Italie aussi). Pour y remédier, les responsables de l’hospitalisation publique au Royaume-Uni viennent de publier un grand plan de recrutement et de formation dans l’idée de remettre le système de santé à flot, mais surtout de garder son personnel soignant au sein des hôpitaux du NHS. Voici l’article publié par notre consœur de Medscape UK. SL

 

Royaume-Uni – Le plan à long terme de recrutement du National Health Service (NHS), attendu depuis longtemps, a été publié par le NHS England (NHSE) et accueilli favorablement par de nombreuses organisations de soins de santé au Royaume-Uni. Le plan promet un "recrutement record" ainsi que la formation d'un "nombre record" de nouveaux médecins, infirmières, dentistes et autres personnels de santé, mais certains experts se demandent si le plan suffira à résoudre la crise de personnel à laquelle le NHS est confronté.

Amanda Pritchard, directrice générale du NHS, l'a décrit comme « une occasion unique d’ancrer durablement le personnel pour les années à venir ». Le NHSE a déclaré qu'il s'était concentré sur « la conservation des talents existants », tout en engageant en parallèle à « la plus grande campagne de recrutement de l'histoire des services de santé ».

Les postes vacants s'élèvent aujourd'hui à 112 000 et le plan établit pour la première fois des projections à long terme en matière de main-d'œuvre. « L'augmentation et le vieillissement de la population, associés aux nouveaux traitements et thérapies, signifient que si aucune mesure n'est prise, le déficit pourrait atteindre 360 000 personnes d'ici à 2037 », a déclaré la NHSE. Le plan prévoit le recrutement et le maintien en poste de « centaines de milliers de personnes supplémentaires » sur une période de 15 ans.

Flexibilité accrue et réforme des retraites

Le maintien à l’hôpital va être stimulé en offrant au personnel une plus grande flexibilité et une meilleure progression de carrière, et en améliorant l’environnement, le leadership et le bien-être. L’hôpital va s’adapter et faciliter le retour de ceux qui l’ont quitté pour préférer des emplois flexibles ou temporaires, et le régime de retraite sera réformé de manière à ce que le personnel puisse prendre une retraite partielle ou reprendre le travail sur le même mode, et continuer à se constituer une pension après la retraite. L'aide à la garde d'enfants sera renforcée dans l'ensemble du NHS.

Les pratiques de travail vont être réformées afin que le personnel de santé « dispose des compétences multidisciplinaires adéquates et puisse exploiter les nouvelles innovations numériques et technologiques », selon le plan. Le NHSE a estimé que les innovations, telles que l'IA, la reconnaissance vocale, l'automatisation des processus robotiques et la surveillance à distance, pourraient en grande partie ou entièrement automatiser 44 % de l'ensemble du travail administratif en médecine générale.

Le Premier ministre Rishi Sunak a déclaré que le gouvernement était "fier" de soutenir le plan et qu'il financerait intégralement les efforts en faveur de l'éducation et de la formation pendant les cinq premières années, avec plus de 2,4 milliards de livres sterling d'investissements supplémentaires.

Le plan vise également à réduire la dépendance à l'égard des « dépenses coûteuses des agences » et indique que cela pourrait réduire la facture pour les contribuables d'environ 10 milliards de livres entre 2030/31 et 2036/37. Il envisage également de réduire les recrutements à l’international, de sorte que dans 15 ans, environ 10 % de la main-d'œuvre du NHS sera recrutée à l'étranger, contre près d'un quart aujourd'hui.

Augmentation du nombre de places dans les facultés de médecine et en MG

Les objectifs spécifiques promis sont les suivants :

  • doubler le nombre de places dans les facultés de médecine pour le porter à 15 000, à partir de septembre 2025, en passant d'un cursus de 5 ans à un cursus de 4 ans ;

  • augmenter de 50 % le nombre de places de formation pour les médecins généralistes, pour atteindre 6 000 places d'ici à 2031, les 500 premières places étant disponibles à partir de septembre 2025.

  • augmenter le nombre de places de formation d'infirmières et de sages-femmes de 24 000 par an d'ici à 2031, y compris en formant plus de 5 000 infirmières supplémentaires pour les troubles mentaux et les troubles de l'apprentissage chaque année.

  • augmenter de 40 % le nombre de places de formation en dentisterie d'ici à 2031.

  • augmenter le nombre de postes améliorés, avancés et associés avec près de 60 000 infirmiers associés supplémentaires, 10 000 médecins associés, 2 000 anesthésistes associés et 39 000 praticiens cliniques avancés d'ici 2036/7.

Le NHSE a déclaré que, parallèlement aux mesures visant à garder le personnel, le plan pourrait conduire à mettre en place « au moins 60 000 médecins supplémentaires, 170 000 infirmières supplémentaires et 71 000 professionnels de la santé paramédicaux supplémentaires d'ici 2036/37 ».

Le secrétaire à la santé et aux soins sociaux, Steve Barclay, a déclaré que le NHS était le plus gros employeur du pays et que le plan de main-d'œuvre "sans précédent", soutenu par un investissement important du gouvernement, permettrait « la plus grande expansion de la formation du personnel dans l'histoire du NHS ». Le plan sera actualisé au moins tous les deux ans afin de répondre aux besoins futurs.

Un plan qui tarde à se concrétiser

La Pre Helen Stokes-Lampard, présidente de l'Academy of Medical Royal Colleges, a reconnu que la situation était actuellement "très difficile" pour les patients et le personnel du NHS, et a espéré que le plan donnerait l'espoir d'un avenir plus positif. « Ce plan a mis longtemps à se concrétiser et nous sommes tellement heureux et soulagés qu'il soit enfin là », a-t-elle déclaré.

« Il est également important que ce plan soit considéré comme le premier d'une longue série et qu'il évolue au fil du temps, de sorte que si les gens estiment qu'il ne fournit pas les détails ou les nuances qu'ils recherchent aujourd'hui, ils ont l'assurance d'influencer les versions futures.

Le diable sera dans les détails – et dans la livraison

La Dre Latifa Patel, présidente de l'organe représentatif de la BMA et responsable du recrutement des employés, a déclaré : « Après l'échec persistant de la planification des effectifs au cours de la dernière décennie, la publication de cette stratégie est attendue depuis très longtemps.

« À l'heure où les professionnels de la santé sont déjà confrontés à plus de 100 000 postes vacants et, par conséquent, à des listes d'attente d'une longueur record que le gouvernement dit vouloir résoudre, le recrutement d'un personnel suffisant et surtout sa fidélisation doit être la priorité absolue ».

Garder les employés est la clé, a-t-elle ajouté, et sur ce point, « l'annonce d'aujourd'hui semble particulièrement légère ».

« C'est bien beau de former de nouveaux médecins, mais cela ne sert à rien s'ils ne restent pas sur le marché du travail », a déclaré le Dr Patel.

Elle a ajouté que, malgré les "objectifs louables" du plan, pour qu'il réussisse, il faut qu'il entraîne la profession avec lui. « Sans une feuille de route détaillée indiquant comment il améliorera les soins aux patients et les conditions de travail du personnel, il ne s'agit que d'une liste de vœux pieux ».

La Pre Kamila Hawthorne, présidente du Royal College of GPs, a déclaré que les propositions, y compris les initiatives visant à retenir les médecins généralistes et à en recruter davantage, étaient "encourageantes". Cependant : « Le diable sera dans les détails, et aussi dans la mise en œuvre nous devons voir le travail commencer pour s'assurer que ce plan devienne une réalité de toute urgence ».

Matthew Taylor, directeur général de la NHS Confederation, a déclaré : « Nous considérons ce plan comme le premier pied crucial d'un tabouret à trois pattes dont le NHS a besoin pour revivre et prospérer les deux autres étant un plan équivalent pour les travailleurs sociaux, ainsi que des investissements supplémentaires dans le capital et la technologie.

Le Dr Matthew Lee, directeur général de l'Union de défense médicale, a décrit le plan comme « un premier pas » vers l'amélioration des conditions de travail du personnel, mais a averti qu'une réforme réglementaire urgente était nécessaire en parallèle. « Garder le personnel au sein du NHS ne sera pas facilité si le système de réglementation auquel sont soumis les professionnels de la santé est aussi obsolète que celui actuellement appliqué par le GMC [General Medical Council], le GDC [General Dental Council] et d'autres organismes de réglementation.

Il a souligné que le financement supplémentaire de 2,4 milliards de livres « serait éclipsé en une seule année par le coût annuel des préjudices signalés par NHS Resolution », qui, selon lui, s'élève à plus de 13 milliards de livres en 2021/22. « On ne peut pas non plus consacrer chaque centime du NHS aux soins de première ligne si des milliards de livres quittent chaque année le système dans le cadre de règlements pour négligence clinique, à cause d'un système juridique qui n'est plus adapté », a-t-il déclaré.

Miser sur la formation « pourrait être un pari coûteux »

Le Dr Billy Palmer, membre du Nuffield Trust, a également lancé une mise en garde.

Il a déclaré : « Après des années de dérive, c'est un soulagement de voir enfin une véritable planification des embauches du NHS. La promesse d’'augmenter de façon considérable le nombre de stagiaires réduira le risque de pénurie à long terme ». Cependant, il a averti qu'étant donné la "triste réalité" du travail au sein du NHS, il y avait un risque que « nous envoyions de plus en plus de personnes en formation pour les épuiser de plus en plus vite ».

L'analyse du Trust a montré que l’état de santé du personnel est alarmant et qu'il y a un gros problème avec les personnes qui abandonnent la formation. « Les fortes augmentations du nombre de médecins généralistes stagiaires depuis 2014 n'ont pratiquement pas eu d'effet sur le nombre de personnes qui ont finalement été formées », a-t-il déclaré. « Parier sur le fait qu'il suffit de former davantage pourrait s'avérer un pari coûteux ».

L'augmentation soudaine de la formation « comporte certains risques », a-t-il averti. « Personne ne souhaite voir les normes baisser dans la sélection des médecins et des infirmières. Le temps nécessaire à une telle supervision par des cliniciens plus expérimentés posera problème et pourrait nuire aux efforts déployés pour résorber l'arriéré un risque qui, je l'espère, sera reconnu dans le plan.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.uk sous le titre NHS Long Term Workforce Plan Promises 'Record Recruitment'. Traduit par Stéphanie Lavaud.

 

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