Présentation
Une femme de 80 ans traitée pour un cancer de l'ovaire a été transférée en service de pneumologie pour l'évaluation d'une dyspnée d'effort. Selon les chercheurs japonais publiant ce cas[1], la patiente n'a jamais fumé et n'a pas de maladie significative hormis le cancer de l'ovaire. L'anamnèse familiale était également sans particularité.
Le carcinome a été diagnostiqué sept ans auparavant ; le traitement avait d'abord consisté en 6 cycles de paclitaxel et de carboplatine (chimiothérapie TC), après quoi la patiente avait été opérée (hystérectomie totale, salpingo-ovariectomie bilatérale et omentectomie). Après un total de 21 cycles de chimiothérapie TC, un traitement d'entretien par l'olaparib (inhibiteur de PARP) avait été initié.
Après 15 semaines de traitement par olaparib, un scanner avait permis de suspecter une pneumopathie interstitielle induite par l'olaparib. L'olaparib avait été arrêté en faveur de la pipéracilline-tazobactam. Après le traitement, le scanner avait montré un recul complet des valeurs.
Environ huit mois après l'arrêt de l'olaparib, une chimiothérapie TC avait été réintroduite en raison de la progression de la tumeur et un traitement d'entretien par l'inhibiteur de la PARP niraparib avait été initié. La dyspnée d'effort était apparue quinze semaines après le traitement par niraparib, et il s'agissait à présent de l'évaluer.
Observations, diagnostic et traitement
Le scanner thoracique montre une opacité en verre dépoli, un tableau similaire à celui d'une pneumopathie d'hypersensibilité (voir image ).
Suspectant une pneumopathie interstitielle induite par le niraparib, les médecins ont arrêté le traitement. Un scanner réalisé une semaine plus tard n'a rien révélé de nouveau.
L'analyse du liquide du LBA (bronchoscopie et lavage broncho-alvéolaire) a révélé une augmentation significative des lymphocytes et des éosinophiles, ce qui a étayé la suspicion d'une pneumopathie interstitielle médicamenteuse.
La patiente a reçu de la prednisolone ; les résultats du scanner pulmonaire se sont améliorés en l'espace de trois semaines.
Discussion
Selon les auteurs, une méta-analyse d'essais contrôlés randomisés et une étude de pharmacovigilance ont montré qu'il existait une incidence de pneumonie de 0,79 % lors d'un traitement avec des inhibiteurs de la PARP ; le délai médian d'apparition est de 81 jours et le taux de mortalité de 16%.
Afin d'en savoir plus, les auteurs ont effectué une recherche bibliographique centrée sur les rapports de cas concernant la pneumopathie interstitielle induite par un inhibiteur de la PARP. Au total, 1576 articles ont été passés au crible et deux patientes atteintes d'une pneumopathie interstitielle induite par un inhibiteur de la PARP ont été identifiées.
L'une des patientes était une femme de 34 ans atteinte d'un cancer du sein, qui avait développé une opacité diffuse en verre dépoli après 7 semaines de traitement par olaparib. La patiente s'était rétablie après l'arrêt de l'olaparib et un traitement par corticostéroïde et antibiotiques.
La deuxième patiente était une femme de 58 ans atteinte d'un cancer ovarien, qui a également présenté des signes radiologiques de pneumopathie interstitielle après 7 semaines de traitement par niraparib. Cette patiente s'était également rétablie après l'arrêt du niraparib et un traitement par méthylprednisolone et antibiotiques.
Des mécanismes cytotoxiques et immunologiques sont supposés être la pathogenèse principale des lésions pulmonaires induites par les médicaments. Le mécanisme de la pneumopathie interstitielle induite par un inhibiteur de PARP n'est toutefois pas clair. Comme les résultats du scanner et l'analyse du liquide du LBA dans le cas présent ressemblaient à une pneumopathie d'hypersensibilité, les auteurs japonais ont estimé que des processus allergiques pouvaient être impliqués. De plus, l'évolution clinique de la patiente indiquait une réactivité croisée entre l'olaparib et le niraparib. Le passage à un autre inhibiteur de PARP doit donc être soigneusement envisagé, car une pneumopathie interstitielle induite par inhibiteur de PARP peut être mortelle.
Les altérations interstitielles pulmonaires pourraient également être induites par de nombreux immunosuppresseurs, selon le Dr Christoph Lederer du Centre des maladies interstitielles et des maladies pulmonaires rares de l'Hôpital universitaire de Heidelberg.[2] Le méthotrexate, par exemple, ne devrait être envisagé comme cause qu'après un examen approfondi, car il est certes associé à une pneumonie d'hypersensibilité, mais pas à une fibrose. D'autres agents pourraient également entraîner une pneumopathie interstitielle, comme la bléomycine, la nitrofurantoïne, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (par exemple le pembrolizumab, l'ipilimumab, le nivolumab) et l'amiodarone.
Selon le Dr Lederer, les maladies pulmonaires induites par les médicaments "peuvent provoquer des signes cliniques et des schémas de réactions radiologiques ou histologiques variés, notamment des alvéolites, des schémas granulomateux, des pneumonies organisées, des pneumonies éosinophiles ou des entités fibrosantes. Il n'est presque jamais possible d'attribuer un schéma unique à un médicament spécifique. Certains médicaments pourraient à leur tour induire différentes pathologies pulmonaires". Selon d'autres informations fournies par le Dr Lederer et ses collègues, "le diagnostic d'une pneumopathie interstitielle induite par des médicaments repose dans la grande majorité des cas sur des résultats compatibles, il est très rare qu'un lien de causalité puisse être prouvé".[2] L'aspect temporel entre l'application du médicament et la manifestation de la maladie est essentiel pour évaluer la probabilité d'un lien de cause à effet. Un LBA avec mise en évidence d'une lymphocytose et/ou d'une éosinophilie significatives peut étayer le diagnostic et devrait également être réalisé pour le diagnostic différentiel d'une origine infectieuse. Sur le plan thérapeutique, l'arrêt immédiat du médicament suspecté est une priorité.
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Source : Dreamstime
Medscape © 2023
Citer cet article: Étude de cas : dyspnée d'effort chez une patiente atteinte d'un cancer ovarien - Medscape - 4 juil 2023.
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