Chikungunya : un vaccin vivant très efficace et en voie d’autorisation

Ute Eppinger

Auteurs et déclarations

3 juillet 2023

Etats-Unis Le vaccin vivant et monovalent VLA1553 (Valneva) protège efficacement contre le chikungunya, d’après une première étude de phase 3 dont les résultats ont été publiés par le Lancet[1].

Le chikungunya, qui provoque de la fièvre et des arthralgies, est dû à un virus transmis par le moustique tigre et par le moustique porteur de la fièvre jaune. Les principales zones endémiques se situent en Afrique australe et orientale, en Asie du Sud-Est et en Inde. A noter cependant, qu'en Amérique Latine, la recrudescence de cas de chikungunya a été signalée récemment par l’OMS. En France métropolitaine, si la présence du moustique tigre, vecteur de la maladie, est désormais détectée sur au moins 71 départements, du 1er mai au 23 juin 2023, seuls 3 cas de chikungunya importés ont été identifiés dans le cadre de la surveillance renforcée de SPF.

Dans l'étude, contrôlée par placebo et réalisée aux Etats-Unis, 4128 adultes ont été inclus. Le critère d'évaluation principal était la proportion de participants séronégatifs au début de l'étude et qui ont développé un taux protecteur d'anticorps contre le virus 28 jours après la vaccination. D’après les auteurs, le vaccin a permis à 98,9% des participants d’atteindre ce taux protecteur, qui a persisté jusqu'à 180 jours après la vaccination.

« D'après l’étude, le VLA1553 semble très prometteur et peut certainement réduire significativement la charge de morbidité dans les régions les plus touchées », explique au Science Media Center (SMC) le professeur Peter Kremsner, directeur de l'Institut de médecine tropicale, de médecine des voyages et de parasitologie humaine à l'Hôpital universitaire de Tübingen. « Il existe d'autres candidats vaccins, mais le VLA1553 semble mener la course pour devenir le premier vaccin contre le chikungunya. »

Il existe d'autres candidats vaccins, mais le VLA1553 semble mener la course pour devenir le premier vaccin contre le chikungunya.

Une très bonne efficacité dans les études menées jusqu'ici

« Cette vaccination a montré une très bonne efficacité dans les études menées jusqu'à présent », déclare également le Dr Torsten Feldt, qui dirige le service de médecine tropicale de la clinique de gastroentérologie, d'hépatologie et d'infectiologie de l'hôpital universitaire de Düsseldorf.

Une réponse immunitaire protectrice peut être mise en évidence après 2 à 4 semaines chez presque toutes les personnes vaccinées. Il est important de noter qu’une bonne réaction immunitaire s’observe également « chez les personnes âgées, qui présentent un risque plus élevé d'évolution grave. »

Torsten Feldt souligne par ailleurs que les effets secondaires sont peu importants : « La vaccination a été bien tolérée, même par les patients âgés. Seuls quelques effets secondaires importants sont apparus. La tolérance est donc comparable à celle d'autres vaccins vivants. »

La tolérance est donc comparable à celle d'autres vaccins vivants.

 

« La forte réponse immunitaire après une seule dose du vaccin est encourageante », ajoute la Pre Annelies Wilder-Smith, infectiologue à la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM) et à l'Institut de santé globale de Heidelberg.

Une mise sur le marché en vue

Des demandes d'autorisation de mise sur le marché pour le VLA1553 ont été déposées auprès des autorités pharmaceutiques des États-Unis, du Canada et de l'UE. Développé par la société française Valneva, ce vaccin vivant est le premier vaccin contre le chikungunya à avoir été testé chez l'homme.

Rappelons que le chikungunya a été découvert dans les années 1950 en Tanzanie. Il s'est ensuite propagé dans différentes régions d'Afrique, d'Asie, des Caraïbes et d'Amérique.

En raison des changements climatiques, le moustique tigre asiatique est de plus en plus présent en Europe. Le chikungunya se manifeste par des symptômes tels qu'une fièvre élevée, de fortes arthralgies et myalgies, ainsi que des éruptions cutanées. Il n'existe actuellement aucun traitement antiviral spécifique.

Le VLA1553 contient l'agent pathogène sous une forme atténuée

Au cours de l'étude, des événements indésirables graves après la vaccinations ont survenus chez 46 des 3.082 participants (1,5%) du groupe VLA1553 et chez 8 des 1.033 participants (0,8%) du groupe placebo. Cependant, seuls 2 cas dans le groupe vacciné sont très probablement attribuables à la vaccination : ainsi, une femme de 58 ans a développé des myalgies et un homme de 66 ans a présenté une perturbation du métabolisme de l'hydrogène dans son corps. Ces deux personnes se sont complètement rétablies.

Le taux de fausses couches était toutefois plus élevé que dans la population générale ou après vaccination contre le COVID-19. Les auteurs de l'étude soulignent que cela pourrait être dû à la petite taille de leur échantillon. Une des fausses couches avait des causes génétiques. Dans un autre cas, le risque de fausse couche était accru par l’IMC élevé de la femme enceinte et par ses antécédents de fausses couches. Par contre, aucune cause n’a été identifiée dans le 3ème cas de fausse couche. Au final, des experts indépendants n'ont pas constaté de signal de sécurité.

Un taux protecteur d'anticorps relativement arbitraire

Peter Kremsner voit cependant deux limites à cette étude. La première est que les taux d'anticorps utilisés comme marqueurs de substitution après la vaccination ont été choisis de manière relativement arbitraire. Selon lui, le chiffre de quasi 99% de séropositifs ne dit rien sur leur niveau réel de protection.

La deuxième réserve émise par Peter Kremsner tient dans le fait que les auteurs ne se sont pas spécifiquement intéressés aux personnes que l'on souhaite prioritairement protéger : l'étude n'a pas été menée dans les régions endémiques, mais aux États-Unis. Cela signifie que l'on ne sait pas grand-chose sur la réaction immunitaire après la vaccination ni, par exemple, si la personne vaccinée a des antécédents de chikungunya et aurait ainsi développé des anticorps depuis longtemps.

Annelies Wilder-Smith fait remarquer que les études d'efficacité clinique ne sont pas réalisables pour les maladies infectieuses comme le chikungunya, en raison « soit de leur faible incidence, soit du caractère imprévisible des épidémies, qui peuvent avoir une incidence élevée. » C'est pourquoi, en accord avec la FDA, le fabricant a décidé de mener une étude de phase 3 dans laquelle des critères d'immunogénicité remplaceront les critères cliniques.

Selon Annelies Wilder-Smith, la FDA pourrait envisager un corrélat immunitaire en vue d’accélérer la délivrance de l’AMM. « Une telle autorisation dépendra toutefois d'études d'efficacité qui devront être menées pendant une épidémie ou dans un contexte endémique. Des données cliniques doivent encore être collectées pour étayer les résultats prometteurs sur le plan de l’immunogénicité. »

Des données cliniques doivent encore être collectées pour étayer les résultats prometteurs sur le plan de l’immunogénicité.

 

Cet article est une traduction-adaptation par le Dr Claude Leroy de l’article rédigé par Ute Eppinger publié par Medscape.com et intitulé Chikungunya: Lebendimpfstoff zeigt hohe Wirksamkeit und steht vor der Zulassung

 

 

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