Pourquoi les négociations conventionnelles avec les médecins ont échoué

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

29 juin 2023

France – Auditionné par le Sénat le 14 juin, Thomas Fatôme, directeur général de l’assurance maladie, a expliqué pourquoi la négociation conventionnelle avait échoué et a ébauché une nouvelle méthode pour la reprise des négociations.

Le prix de la consultation : point d’achoppement

Mais pourquoi donc les négociations conventionnelles avec les médecins ont-elles échoué ? Les sénateurs se sont posé la question et pour y répondre, ont invité le 14 juin dernier le principal concerné, à savoir le directeur général de l'assurance maladie (AM), Thomas Fatôme.

« Les raisons de l'échec ? La problématique des 30 euros la consultation. Nous avons proposé ce nouveau tarif dans le cadre d'un engagement territorial, avec des contreparties, notamment des engagements sur la permanence des soins, l'augmentation de la file active, etc. Force est de constater que nos partenaires n'ont pas souhaité s'engager dans cette voie », a répondu, laconique, le directeur général de l’AM, tout en soulignant que les négociations conventionnelles avec d'autres professionnels de santé connaissaient un réel dynamisme : « Nous avons signé un accord avec les transporteurs sanitaires pour la période 2023-2025, un accord avec les sage-femmes et 4 négociations flash avec les infirmiers, les masseurs kinésithérapeutes, les orthophonistes et les orthoptistes, et nous négociations la convention avec les dentistes », s'est enorgueilli Thomas Fatôme.

Règlement arbitral

Pour en revenir aux négociations ratées avec les médecins, Thomas Fatôme a précisé qu'en l'absence de nouvel avenant à la convention, un règlement arbitral, édicté par Annick Morel, avait été adopté : « Annick Morel a rédigé le règlement arbitral qui vaut convention pour 5 ans, en précisant que de nouvelles négociations devront être ouvertes dans les deux ans maximum suivant la mise en application de ce règlement. Le règlement arbitral n'est pas neutre, il prévoit une consultation à 26,50 euros, un assouplissement du recrutement des assistants médicaux, une consultation à 60 euros pour les médecins qui prennent un patient ALD en médecin traitant. Concernant les soins non programmés, l'heure de régulation est fixée à 100 euros », a ajouté Thomas Fatôme.

Deux plans d’action

Reste que, même sans accord conventionnel avec les médecins, la Cnam a lancé deux plans d'actions, l'un pour les patients en ALD, et l'autre pour le recrutement d'assistants médicaux.

« Nous avons lancé un plan d'action pour les patients ALD qui n'ont pas de médecins traitants. Nous nous mobilisons avec les CPTS, les maisons de santé pluridisciplinaires... pour trouver un médecin traitant pour ces 700 000 patients. Nous avons écrit à ces assurés et aux médecins libéraux qui voient ces patients. Au niveau local, des actions se mettent en place au niveau des CPTS. Le deuxième plan concerne les assistants médicaux : nous allons engager une campagne de communication et d'informations pour faire connaître les nouvelles règles : plus besoin par exemple d'adhérer à une structure d'exercice coordonné pour bénéficier de notre aide à l'emploi d'un assistant médical. Nous proposons une aide à l'emploi de 21 000 euros pour un assistant médical. Nous savons que trois ans après le recrutement d'un assistant médical, les médecins augmentent leur file active de 10% sans travailler plus. »

Nous proposons une aide à l'emploi de 21 000 euros pour un assistant médical. Thomas Fatôme

 

Néanmoins, comme l'a fait remarquer la sénatrice Corinne Humbert, la reprise des négociations est cruciale, le ministre de la Santé François Braun ayant souhaité qu'elle reprenne à la rentrée en septembre. Mais sur quelle base ?

« Il faut trouver des moyens d'incitations différents : le forfait médecin traitant est bien intégré par les médecins, faut-il utiliser ce levier ? Il faut de nouvelles propositions, mais aussi des solutions pour les assurés sociaux. Le maintien de l'attractivité de l'exercice libéral est aussi crucial. Les réseaux sociaux sont un élément de la négociation », a assuré Thomas Fatôme.

La sénatrice Élisabeth Deniau s'est inquiétée des risques de déconventionnement des médecins libéraux, à la suite des échecs des négociations conventionnelles. Le directeur général de l'assurance maladie l'a rassuré, en lui exposant les chiffres : depuis la mise en place du règlement arbitral, l'assurance maladie n'a enregistré que 22 demandes de déconventionnement pour les médecins généralistes et 3 demandes pour les spécialistes.

Ce ne sont pas les infirmières en pratique avancée (IPA) qui pourront suppléer les médecins libéraux qui quittent la convention, car d'après les chiffres de la Cnam, il n'y a pour l'heure que 220 IPA libérales : « les flux de formation sont limités, et les IPA vont massivement à l'hôpital. Nous voulons mieux accompagner les IPA ».

Seulement 22 demandes de déconventionnement pour les médecins généralistes et 3 demandes pour les spécialistes.

Travailler plus ?

La question du « travailler plus pour gagner plus » rejetée par les médecins, a été évoquée par le sénateur Bernard Jomier : « Vous demandez à ce qu'ils travaillent plus, mais les médecins ne veulent plus travailler plus, ils ne veulent plus de nouvelles règles », a fait valoir le sénateur socialiste.

Pour Thomas Fatôme, il est tout à fait possible de prendre plus de patients, sans travailler plus, en embauchant des assistants médicaux par exemple, ou encore en usant de télémédecine. « Les réseaux sociaux ont énormément caricaturé nos positions, nous n'avons jamais proposé aux médecins de travailler plus », s’est défendu le DG de l'assurance maladie.

 

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