Risque d’infections nosocomiales : redouté par les patients, sous-estimé par les médecins

Stephanie Lavaud

Auteurs et déclarations

26 juin 2023

France – Une enquête de Germitec avec BVA « Risques infectieux et prise en charge en France - Regards croisés des praticiens et des Français » montre que le risque d’infection est au premier rang des préoccupations des patients lorsqu’ils entrent dans un établissement de santé : 47% d’entre eux ont peur de contracter une maladie nosocomiale à l’hôpital. De leur côté, les praticiens interrogés ont tendance à sous-estimer le risque infectieux, jugeant notamment que le risque de contracter une infection nosocomiale lors de l’utilisation de sondes endocavitaires est faible.

Regards croisés grand public/spécialistes

On estime en France à 750 000, le nombre de nouveaux cas par an d’infections contractées à l’hôpital, et à 4000 le nombre de décès qui en découlent (chiffres InVS 2012). L’enquête menée par Santé publique France en 2022 sur ces infections nosocomiales montre une prévalence des patients infectés de 5,71%, soit un patient hospitalisé sur 18 présentant au moins une infection nosocomiale – un chiffre en augmentation de 14,7% depuis 2017, pouvant s’expliquer en partie par l’épidémie de Covid, mais paradoxal au vu des efforts qui ont été mis en œuvre pour lutter contre ce fléau.

C’est dans ce contexte que la biotech bordelaise Germitec – qui propose des solutions innovantes dans le domaine de la désinfection des sondes endocavitaires – a mandaté l’institut de sondage BVA pour réaliser une étude portant à la fois sur la connaissance et le respect des normes concernant les risques infectieux en France.

Deux publics ont été consultés, un échantillon national représentatif de 2 000 personnes et un échantillon de 105 médecins pratiquant des échographies endocavitaires, à savoir des gynécologues obstétriciens (19 %), cardiologues (20 %), médecins hygiénistes (18 %), radiologues diagnosticiens (5 %), urologues (19 %), gastro-entérologues (19 %).

47 % des Français ont peur d’attraper des maladies nosocomiales

De façon générale, les résultats font apparaitre que le risque de contracter une infection nosocomiale est la 1re préoccupation à la fois de la population française (66% le citent, dont 25% en premier) et des médecins spécialistes (87%, dont 37% en premier) quand il s’agit d’entrer dans un établissement de santé en vue de passer un examen médical. Ce risque arrive devant le retard de délivrance des soins et le risque médicamenteux évoqués par 62% des Français interrogés. Il arrive devant les risques de non-qualité des soins par manque de personnel et ceux de judiciarisation de la médecine / procès des patients qui inquiètent 84% et 72% des praticiens, respectivement.

Autres enseignements de l’enquête, 47 % des Français ont peur d’attraper des maladies à l’hôpital ou en clinique. Et pour cause, c’est un risque désormais bien connu du grand public, avec 27% des Français touchés ou ayant une personne de leur entourage touchée par une maladie nosocomiale. Ils savent aussi, pour 59% d’entre eux que ces infections sont fréquentes.

Désinfection des sondes endocavitaires : 32% des spécialistes ne connaissent pas les recommandations

Mais si les Français connaissent l’existence des maladies nosocomiales, la moitié ne se sent pas suffisamment informée. Pour autant, près d’1 Français sur 2 se dit prêt à questionner les soignants sur l’hygiène.

Sur un sujet plus pointu comme celui des méthodes de désinfection des sondes échographiques, 64% des Français interrogés se sont avérés incapables d’en citer une seule. Les médecins spécialistes ont, pour leur part, cité les lingettes à 41%, la stérilisation à 31%, l’utilisation de la lumière (ultra-violets) à 21%.

A la question « La désinfection des sondes endocavitaires recommandée en France comporte 4 étapes : une phase de nettoyage, à la fois mécanique et par détergence, une phase de rinçage intermédiaire, une phase de désinfection, une phase de rinçage final., le savez-vous ? », 68% des praticiens ont répondu par l’affirmative alors que 32% ont reconnu de pas connaitre ces recommandations.

Enfin, interrogés sur leur estimation du risque de contracter une infection associée aux soins / nosocomiale contractée à la suite d'un examen réalisé par une sonde endocavitaire – sachant qu’il n’existe pas de chiffre disponible sur ce nombre – les spécialistes ont majoritairement considéré ce risque comme faible avec une moyenne de 3,8 sur une échelle allant à 10.

Enfin, alors que la traçabilité est importante pour l’ensemble des praticiens, 28% ont dit ne pas disposer pas d’un tel système dans leur établissement.

« Obligation de résultats vis-à-vis des patient.es en termes de sécurité »

Invité à commenter cette enquête, le Pr Israël Nisand, chef de la maternité de l'Hôpital Américain à Neuilly (92), qui utilise des sondes endovaginales dans le cadre de sa pratique gynéco-obstétricale, s’est dit « frappé » par la sous-estimation du risque par les médecins.

« Ne pas être capable de prouver que l’on a fait le nécessaire pour éviter les infections nosocomiales – en l’occurrence les infections à HPV– met le médecin à très haut risque d’être condamné pour insécurité des examens prodigués », a-t-il prévenu, tout en reconnaissant que la littérature scientifique est inexistante concernant le risque de transmission du HPV lors de l’utilisation de sondes endovaginales – principal risque d’infections en gynécologie, selon lui.

Le Pr Nisand a, de même, considéré que « les médecins ont une obligation de résultats vis-à-vis des patient.es en termes de sécurité ». « A l’avenir, nous allons devoir procéder différemment, c’est-à-dire oublier peut-être certaines modalités de désinfection qui sont trop sommaires, pour d’autres qui non seulement sont efficaces mais, en plus, permettre d’être tracées » a-t-il conclu.

Ne pas être capable de prouver que l’on a fait le nécessaire pour éviter les infections nosocomiales met le médecin à très haut risque d’être condamné pour insécurité des examens prodigués. Israël Nisand

De l’importance de la traçabilité en radiologie

De son côté, le Pr Jean-Paul Beregi, chef du service de radiologie du CHU de Nîmes et président du Collège des Enseignants en Radiologie de France (CERF), a expliqué, que travailler avec la Haute Autorité de Santé en 2006 avait permis de « faire basculer la radiologie interventionnelle et diagnostique vers des dispositifs de gestion des risques ». L’hygiène et la traçabilité des événements associés au soin ont fait l’objet d’une attention particulière, a-t-il précisé. En radiologie et en imagerie médicale, contrairement à ce que l’on peut penser, le risque d’infections essentiellement manuportées et aéroportées, est présent, et ce d’autant que dans mon établissement, plus de 700 patients peuvent fréquenter chaque jour une même salle d’attente avant une IRM, scanner, écho… Tous ces éléments nécessitent une traçabilité importante. »

Des alternatives plus respectueuses de l’environnement

Pour conclure, Vincent Gardès, le fondateur de Germitec, medtech spécialisée dans la désinfection de haut niveau par UV-C des sondes d’échographie endocavitaires par des automates, a rappelé que plus de 4 millions d’échographies endocavitaires étaient pratiquées chaque année en France, soit plus de 10 000 tous les jours et donc peut-être une vingtaine de ces actes réalisés quotidiennement avec la même sonde.

Dans ces conditions, « il vaut mieux qu’elle ait été bien nettoyée, désinfectée et rincée sous peine, en fin de journée, de récupérer les germes des patients précédents ». Il a, en outre souligné que 30% de ces sondes sont encore nettoyées par des moyens de trempage, des produits chimiques néfastes pour l’environnement.

« Il n’est pas pertinent de continuer à utiliser des produits chimiques, des lingettes, des produits jetables, a-t-il insisté, quand il existe des alternatives sûres, efficaces, plus rapides, traçables et plus respectueuses de l’environnement. »

Il n’est pas pertinent de continuer à utiliser des produits chimiques, des lingettes, des produits jetables quand il existe des alternatives sûres, efficaces, plus rapides, traçables et plus respectueuses de l’environnement. Vincent Gardès

 

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