Enabee : première photographie de la santé mentale des 6-11 ans

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

21 juin 2023

Paris – La santé mentale des enfants – très impactée par la pandémie – fait l’objet de deux études dont les résultats ont été rendus publics cette semaine. L’étude Enabee de Santé publique France (SPF) qui, pour la première fois, a interrogé les enfants dans les écoles montre que 13,0 % des enfants de l’école élémentaire présentent au moins un trouble probable de santé mentale. Tandis qu’une enquête – aux résultats complémentaires – issue d’EpiCov, et menée chez les 3-17 ans, révèle que près d’un mineur sur dix présente des difficultés psychosociales.

La crise Covid, révélatrice du mal-être des jeunes

Il y a indéniablement un avant et un après crise sanitaire quant à la santé mentale des jeunes. Depuis 2019, les chiffres ont littéralement explosé avec plus de 126 % de passages aux urgences pour des idées suicidaires chez les 11-17 ans, et une augmentation de 30% des tentatives de suicide.

Autre fait inquiétant, cette tendance dépressive, voire suicidaire, peut atteindre les très jeunes. Ainsi, commentant l’étude qu’il menée à Robert Debré (et évoquée ci-dessus), le Pr Richard Delorme (pédopsychiatre, Hôpital Robert Debré, Paris) faisait le constat sur Medscape que « l 'épidémie avait eu un impact négatif en particulier chez les 8-13 ans », tandis que des reportages dans les médias évoquaient ces jeunes, qui, « au collège ou au lycée, parfois même encore à l’école primaire […] ne trouvent plus de sens à leur existence ».

Cette baisse de moral inhabituelle chez des enfants aussi jeunes avait conduit SPF à lancer le mois dernier l’étude Enabee , la première à se pencher de très près sur la santé mentale de enfants de 3 à 11 ans, et dont les tous premiers résultats viennent d’être publiés.

L’étude Enabee a aussi interrogé les enfants

L’étude Enabee a été menée entre le 2 mai et le 31 juillet 2022, chez plus de 15 000 enfants et plus de 15 000 enseignants interrogés dans près de 400 écoles, ainsi que 10 000 parents. 

Son originalité repose sur l’intégration pour la première fois du point de vue de l’enfant dans les estimations des troubles émotionnels et une méthodologie qui s’appuie sur des informations issues de trois sources – parents, enseignants et enfants – afin d'évaluer au plus juste le bien-être et la santé mentale des enfants. 

Enabee se différencie – mais complète – l’enquête de la Drees, dont les résultats sont aussi parus ces jours-ci (voir encadré), laquelle a été réalisée auprès des parents ou des assistants familiaux vivant avec au moins un enfant âgé de 3 à 17 ans.

Principaux résultats : 13,0 % des enfants de 6-11 ans scolarisés du CP au CM2 présentent au moins un trouble probable de santé mentale. « Cette prévalence qui recouvre une diversité de troubles potentiels, de sévérité plus ou moins grande est du même ordre de grandeur que celles observées dans d’autres pays de la zone Europe en 2010 sur la même tranche d’âge », observe Santé Publique France.

Parmi les enfants de 6 à 11 ans :

  • 5,6% présentent un trouble émotionnel probable ;

  • 6,6 % présentent un trouble oppositionnel probable ;

  • 3,2 % présentent un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité probable car il ne s’agit pas de diagnostics cliniques mais d’une analyse croisée des points de vue déclarés pour chaque enfant, ayant permis d’identifier des symptômes et, au-delà de certains seuils, des troubles potentiels.

 

13,0 % des enfants de 6-11 ans scolarisés du CP au CM2 présentent au moins un trouble probable de santé mentale.

 

Les troubles émotionnels [anxieux (anxiété de séparation, anxiété généralisée, phobies spécifiques) ou dépressifs] probables sont plus fréquents chez les filles et les troubles du comportement [trouble oppositionnel probable et TDAH probable] plus fréquents chez les garçons. « Les données ne mettent pas en évidence de différences selon le niveau scolaire et le secteur de l’école (école publique hors réseaux d'éducation prioritaire (REP) et écoles privées versus écoles publiques REP ou REP+) » précisent les chercheurs.

Quid de l’impact de la pandémie sur ces indicateurs ? Les auteurs restent prudents : « ces premiers indicateurs, mesurés au décours de la crise sanitaire ne permettent pas de conclure sur la présence d’un impact de la Covid-19 durant le printemps 2022 sur la santé mentale des enfants scolarisés du CP au CM2 en l’absence de données françaises nationales sur cette tranche d’âge antérieures à la crise », écrivent-ils.

Les analyses sur les enfants plus jeunes, scolarisés en école maternelle, sont prévues dans les prochains mois. Un déploiement de l’étude aux territoires d’Outre-mer est également prévu.

 

Près d’un mineur sur dix présente des difficultés psychosociales
Les résultats d’une autre enquête portant elle aussi sur la santé mentale des jeunes sont publiés au même moment. A partir du troisième volet de l’enquête Épidémiologie et Conditions de vie liées au Covid-19 (EpiCov) mise en place au moment de la pandémie, la Dress et l’Inserm ont conduit une étude sur les difficultés psychosociales et les recours aux soins pour raisons psychologiques des enfants âgés de 3 à 17 ans [2]. Des questionnaires, adressés en juillet 2021, aux 20 127 adultes parents, conjoints de parents ou assistants familiaux vivant avec au moins un enfant âgé de 3 à 17 ans, il ressort que les difficultés psychosociales, prises toutes ensembles, concernent 10 % des garçons et 7 % des filles âgés de 3 à 17 ans.
Autre information : au cours des 15 mois suivant le premier confinement (entre mars 2020 et juillet 2021), 12 % des garçons et 13 % des filles âgés de 3 à 17 ans ont recouru à un professionnel de santé pour un motif psychologique.
Pour les garçons, 7 % consultaient également auparavant, c’était le cas de 6 % des filles. Parmi ces dernières, une importante progression des recours aux soins de santé mentale est observée chez les 15-17 ans, ce qui vient corroborer d’autres travaux alertant sur une progression des troubles anxio-dépressifs et des gestes suicidaires dans cette population.
Qui consultent-ils ? Contrairement à la population majeure, les moins de 18 ans vont plutôt voir un psychologue (7 % des 3-17 ans) contre 3 % qui recourent au généraliste ou pédiatre pour ces motifs. C’est ce même pourcentage des 3-17 ans (3%) qui a recours aux psychiatres et pédopsychiatres, mais généralement pour des enfants présentant des difficultés psychosociales plus prononcées.
Ces données ne sont pas sans inquiéter alors que les professionnels de la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent ne cessent d’alerter sur la crise de la psychiatrie infantile.

 

Au cours des 15 mois suivant le premier confinement, 12 % des garçons et 13 % des filles âgés de 3 à 17 ans ont recouru à un professionnel de santé pour un motif psychologique.

 

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