Milan, Italie – Lors du Congrès européen annuel 2023 de rhumatologie qui s’est déroulé à Milan du 31 mai au 3 juin (EULAR, European Alliance of Associations for Rheumatology ), les chercheurs ont débattu des développements récents en matière de physiopathologie, de classification et de prise en charge de la douleur chronique.
La douleur chronique persiste pendant plus de trois mois et constitue le principal motif de consultation médicale, représentant environ 40 % des consultations chez les médecins généralistes. Dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde (PR), la douleur est causée par les lésions tissulaires induites par l’inflammation des articulations. Anushka Soni, de l’Université d’Oxford, a expliqué que, bien que la douleur chronique dans la PR soit étroitement liée à l’inflammation, elle peut persister lorsque l’inflammation est contrôlée. Si un traitement médicamenteux agressif réduit l’activité de la maladie, il n’a souvent que peu d’effet sur la douleur et l’invalidité.
Cela peut s’expliquer par le fait que les neutrophiles circulants et les cytokines inflammatoires sensibilisent les neurones périphériques à la douleur indépendamment de l’inflammation. En outre, l’inflammation des articulations chez les patients atteints de PR est liée à une connectivité fonctionnelle accrue entre les régions du cerveau qui traitent la douleur. Il existe toutefois des différences individuelles dans la manière dont le cerveau traite la douleur, ce qui pourrait éventuellement contribuer à la mise au point d’évaluations et de traitements personnalisés.
La douleur est traditionnellement classée comme nociceptive lorsqu’elle est causée par une inflammation ou une lésion tissulaire, et comme neuropathique lorsqu’elle est causée par une lésion ou une maladie du système somatosensoriel. Mais les découvertes récentes ont conduit les chercheurs à classer un troisième type de douleur, appelé douleur nociplinaire, ou douleur qui persiste en l’absence d’inflammation et de lésion tissulaire.
Les bienfaits de l’exercice physique
Les recommandations du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) du Royaume-Uni incluent l’exercice physique parmi les options de gestion de la douleur chronique dans la PR, mais une étude récente a révélé un niveau élevé d’évitement de la peur de l’activité physique chez les patients.
« Le comportement d’évitement lié à la peur est associé au développement d’une douleur chronique généralisée », a déclaré A. Soni. « S’il est identifié à un stade précoce, c’est un problème qui pourrait être traité parallèlement à notre approche habituelle de la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde. »
Le NICE recommande également la thérapie d’acceptation et d’engagement, qui s’est avérée bénéfique pour les patients atteints de fibromyalgie, ainsi que l’acupuncture et les antidépresseurs, parmi lesquels la duloxétine semble être la plus efficace. Il recommande toutefois aux patients d’essayer d’abord les approches non pharmacologiques.
Dans une autre session, Andreas Iacovou, secrétaire exécutif de la Ligue chypriote contre le rhumatisme, a décrit comment l’activité physique peut être bénéfique aux patients atteints de PR grâce à ses effets sur le système immunitaire.
A. Iacovou a expliqué qu’un mode de vie inactif et sédentaire est associé à une augmentation du nombre de macrophages M1 qui libèrent des cytokines inflammatoires activant les neurones sensibles à la douleur et provoquant cette dernière. En revanche, l’activité physique augmente le nombre de macrophages M2, qui produisent des cytokines anti-inflammatoires inhibant la signalisation de la douleur.
L’étude HUNT 3, apporte des preuves solides des bienfaits de l’activité physique. Elle montre que l’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité de l’exercice est associée à une diminution significative de la douleur chronique chez les personnes de tous âges, et en particulier chez les femmes âgées.
« En tant que professionnels de santé, nous devons placer les patients au centre de nos préoccupations », a déclaré A Iacovou. « Nous devons reconnaître leurs besoins en matière d’activité physique et les médecins doivent savoir quels sont les programmes d’exercices spécifiques les mieux adaptés à leurs besoins. »
Physiothérapie, thérapie comportementale et réalité virtuelle
Au cours de la même session, Thomas Davergne, kinésithérapeute à Paris, a évoqué les avantages de la kinésithérapie pour les patients atteints de PR.
Il a évoqué le rôle du kinésithérapeute dans l’éducation des patients à la douleur et à sa prise en charge. Une revue systématique publiée en 2022 montre que les interventions psychologiques sont plus efficaces lorsqu’elles sont menées parallèlement à la physiothérapie, et que les programmes d’éducation à la douleur accompagnés d’une thérapie comportementale produisent les effets les plus durables.
Il a également présenté des preuves pour un certain nombre d’approches thérapeutiques expérimentales. L’une d’entre elles est la stimulation nerveuse électrique transcutanée (TENS). Une méta-analyse de 381 études sur la TENS, publiée en 2020, a conclu « qu’il existe des preuves de certitude modérée que l’intensité de la douleur est plus faible pendant ou immédiatement après la TENS par rapport au placebo et sans effets indésirables graves ».
Une étude de preuve de concept publiée en 2022 a montré que l’imagerie motrice améliore la qualité des tâches d’atteinte chez les personnes en bonne santé, ce qui suggère qu’il s’agit d’une option thérapeutique possible pour les patients atteints de PR, en particulier si elle est appliquée avec la réalité virtuelle, qui s’est révélée efficace pour soulager la douleur chronique chez les patients atteints de fibromyalgie, du syndrome douloureux régional complexe et de la douleur du membre fantôme chez les personnes amputées.
Une autre étude publiée en début d’année, portant sur 22 essais contrôlés randomisés impliquant 2 641 patients, montre également que l’utilisation d’applications de téléphonie mobile a des effets positifs sur les patients souffrant de fibromyalgie et d’arthrose, entre autres affections associées à des douleurs chroniques.
T. Davergne a conclu son intervention en soulignant l’importance de l’approche centrée sur le patient. Selon l’Association internationale pour l’étude de la douleur, le rapport d’une personne sur son expérience de la douleur doit être respecté. « Ce n’est pas toujours le cas dans le milieu médical, mais cela devrait être le premier principe thérapeutique des professionnels de la santé. »
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.
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Citer cet article: L’exercice, la thérapie comportementale et la réalité virtuelle limitent la douleur rhumatoïde chronique - Medscape - 27 juin 2023.
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