S’embrasser sur les lèvres ne date pas d’hier... Les humains pratiquent le baiser en effet depuis plusieurs millénaires selon des chercheurs des universités d’Oxford et de Copenhague. Leurs travaux, publiés dans la revue Science, [1] suggèrent également que ces baisers aurait permis la propagation de plusieurs maladies infectieuses, dont celle du virus de l'herpès simplex de type 1 (HSV-1).
Porte d’entrée historique du HSV-1
Les auteurs de l'étude ont retrouvé des documents écrits décrivant les premières traces de baisers sur les lèvres entre humains et confirmant que les anciennes civilisations du Moyen-Orient s'embrassaient déjà il y a plus de 4500 ans. [1] Cette pratique du baiser pourrait être originaire d'un lieu géographique très précis en Asie du Sud, d'où elle se serait répandue dans d'autres régions, accélérant simultanément la propagation du virus de l'HSV. Pour rappel, cet agent pathogène effecte aujourd'hui 3,7 milliards de personnes de moins de 50 ans, selon l’OMS. Principale cause de l'herpès labial, le virus se transmet par contact oral, provoquant des infections dans la bouche et les zones adjacentes, et pouvant également être à l'origine de l'herpès génital.
Baiser entre un satyre et une maenade. Fresque d'Herculanum, Naples, Italie (source : Dreamstime)
Bien que la plupart des personnes atteintes d'herpès ne présentent aucun symptôme ou seulement des symptômes légers, beaucoup ignorent qu'elles sont infectées et peuvent transmettre le virus sans s'en rendre compte. L'une des principales voies de transmission est précisément le baiser.
Outre son importance pour le comportement social et sexuel, l'introduction du baiser dans les habitudes de la société pourrait avoir joué un rôle involontaire dans la transmission de micro-organismes, entraînant la propagation d'agents pathogènes parmi les humains. Les auteurs de l’étude expliquent ainsi qu’« il existe un corpus important de textes médicaux mésopotamiens, dont certains mentionnent une maladie dont les symptômes rappellent ceux du virus de l'herpès simplex de type 1 ». L’article précise que ces textes médicaux anciens ont certainement été influencés par divers concepts culturels et religieux et ne peuvent être lus littéralement. Néanmoins, ils permettent de mettre en évidence certaines similitudes entre une maladie connue sous le nom de bu'šānu dans les textes médicaux mésopotamiens anciens, et les symptômes provoqués par les infections dûes au virus de l'herpès simplex. La maladie du bu'šānu était principalement localisée dans la sphère ORL, et les symptômes comprenaient des vésicules dans ou autour de la bouche, l'un des principaux symptômes de l'infection par l'herpès.
Les maladies du baiser
Plusieurs études ont montré que les baisers étaient la principale voie de transmission de nombreuses maladies infectieuses. Un article de l'Université de Compostelle publié en 2017, mettait en garde contre certains agents pathogènes transmissibles par le baiser. [2] On y retrouve les herpèsvirus, avec l'herpès simplex comme premier exemple, mais également l'herpès virus humain 8 (HHV8) responsable du syndrome de Kaposi, ou encore le cytomégalovirus, le papillomavirus humain et le virus d'Epstein-Barr responsable de la mononucléose infectieuse ― plus connue d’ailleurs sous le nom de « maladie du baiser ».
Cette « maladie du baiser », dont l'agent causal se transmet par la salive, survient le plus souvent chez les adolescents et les jeunes adultes, mais peut être contractée à tout âge. Ses symptômes, qui comprennent la fièvre, les maux de gorge et le gonflement des ganglions lymphatiques, sont généralement peu graves, bien qu'ils puissent parfois entraîner une inflammation de la rate.
Les streptocoques du groupe A sont d'autres agents pathogènes qui se propagent par la salive et peuvent donc être transmis par les baisers. Ce type de bactéries, que l'on trouve souvent dans la gorge et sur la peau et qui est à l'origine de l'angine streptococcique, se fixe sur la surface intérieure des joues, de la bouche, de la langue ou des dents.
Bien que le virus de l'hépatite B se transmette par contact direct avec des fluides corporels infectés tels que le sang ou le sperme (généralement à la suite d'une piqûre d'aiguille ou d'un contact sexuel), on le retrouve également dans la salive. Les baisers peuvent donc constituer une autre occasion de propagation de l'agent pathogène, en particulier lorsque le patient présente des plaies saignantes dans la bouche ou une maladie parodontale entraînant des saignements des gencives. Toutefois, la plupart des cas se produisent par contact sexuel ou par transmission verticale, soit de la mère infectée à son enfant lors de la naissance.
En 2022, une autre étude a mis en évidence le rôle du baiser comme source de transmission de certains virus entériques, dont la transmission est traditionnellement décrite comme fécale-orale. [3] Les travaux ont montré que ces virus peuvent se répliquer dans les glandes salivaires des hôtes infectés, suggérant une voie de transmission orale-orale qui pourrait être considérée comme une autre infection pouvant être transmise d'une personne à l'autre après un baiser.
Mais, comme le soulignait une autre étude un peu plus ancienne, « la salive humaine est une arme à double tranchant ».[2] Elle peut certes exposer à de nombreux agents infectieux (dont la liste est bien plus longue que celle énumérée dans cet article), mais elle peut également, par certains aspects, permettre de s’en protéger. Elle constitue un élément important du système immunitaire, elle contient des facteurs antibactériens, des enzymes digestives et des agents oxydants qui renforcent les mécanismes de défense de la bouche. N’éliminons donc pas trop vite cette pratique ancestrale qu’est le baiser...
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Suivez Medscape en français sur Twitter, Facebook et Linkedin.
Source : Dreamstime
Medscape © 2023
Citer cet article: Le baiser, ce vecteur d'infections... - Medscape - 9 juin 2023.
Commenter