Démographie médicale : explosion du nombre de médecins retraités en activité

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

12 juin 2023

France – A priori les données sur la démographie médicale au 1er janvier 2023, révélées par le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) ce 7 juin, sont plutôt bonnes. Le nombre de médecins en activité, entre 2022 et 2023, a augmenté de 0,4%, passant de 232 891 à 234 028, et de + 8,5% entre 2010 et 2023.

Mais ce n'est qu'un effet d'optique car il faut distinguer, parmi les médecins en activité, ceux qui sont en activité régulière, soit l'équivalent d'un temps plein, les médecins à temps partiel et enfin les médecins retraités en activité (cumul emploi retraite). Là, les choses se corsent : « Les médecins en activité régulière sont moins nombreux, accusant une baisse de 3,2% entre 2010 et 2023 », explique le Dr Jean-Marcel Mourgues, du vice-président du Cnom.

Les médecins en activité régulière sont moins nombreux, accusant une baisse de 3,2% entre 2010 et 2023.

Explosion du nombre de médecins en cumul emploi retraite

En revanche, le nombre de médecins retraités en activité a explosé en 13 ans, passant de 5612 à 20159, « soit une augmentation de +260%, tandis que le nombre de médecins à temps partiel, sur la même période, a augmenté de +64% », analyse le Dr Mourgues.

Le nombre de médecins retraités en activité a augmenté de +260%, tandis que le nombre de médecins à temps partiel a augmenté de +64%.

 

Quant à la pyramide des âges des médecins en activité, elle révèle une sur-représentation des médecins de 60 ans et plus, ainsi que des médecins de moins de 40 ans.

« Entre 40 et 55 ans, la pyramide est plus resserrée, et cela est dû à la restriction du numérus clausus au cours de la décade des années 90. » Le Dr Mourgues prévoit dans les années qui viennent une baisse du nombre de médecins retraités en activité, lorsque cette génération marquée par un numerus clausus très contraint, prendra sa retraite.

Entre 40 et 55 ans, la pyramide est plus resserrée, et cela est dû à la restriction du numérus clausus au cours de la décade des années 90.

Érosion de l’exercice libéral

Autres évolutions notables : l'érosion de l'exercice libéral. Sur l'ensemble des médecins, l'exercice libéral exclusif, entre 2010 et 2023, passe de 46,6% à 43,7%, tandis que l'exercice salarié augmente en proportion, de 42% à 45,7%.

Et plus inquiétant, la baisse marquée de la démographie dans quatre spécialités : rhumatologie (-31,3%), ORL (-21,4%), ophtalmologie (-15,7%), et médecine générale (-16,9%).

« La population française devrait stagner autour des 70 millions mais va vieillir dans des proportions importantes : on devrait compter une augmentation de 5 millions de personnes âgées de plus de 75 ans dans les années qui viennent. Il y aura un effet ciseau entre déclin de la démographie médicale en rhumatologie, ophtalmologie, ORL, médecine générale et le vieillissement de la population », avertit le Dr Mourgues.

De plus en plus d’inégalités territoriales

En termes d'accès aux soins, le Cnom n'est pas non plus porteur de bonnes nouvelles : les inégalités territoriales se creusent. « Il existe une diagonale des sous-densités en France, qui va du nord-est vers le sud-ouest, et touche notamment les départements du bassin parisien, du centre-val-de-Loire et de la Normandie.  L'Indre, l'Eure-et-Loir, l'Eure, la Creuse, sont particulièrement concernés », détaille le Dr Mourgues.

En revanche, le littoral et la région Paca attirent toujours autant les médecins. Le rapport interdécile (entre les départements les moins dotés et les départements les plus dotés) se creuse : pour les médecins généralistes, il était de 1,45 en 2010 et de 1,73 en 2023, de 1,75 pour les spécialistes médicaux en 2010 et de 2,58 pour ces mêmes spécialistes médicaux en 2023. Pour l'ensemble des médecins actifs, ce rapport était de 1,75 en 2010 et atteignait 2 en 2023, soit une variation de +14,6%.

Cette inégalité territoriale va de pair avec l'hyperspécialisation de certaines spécialités, dont la cardiologie : pour cette dernière, plus de 43% des cardiologues occupent au moins 50% de leur temps de travail à effectuer des échographies.

Il existe une diagonale des sous-densités en France, qui va du nord-est vers le sud-ouest.

Augmentation du nombre de médecins étrangers

Enfin, le Cnom a réalisé un focus sur la présence des médecins étrangers, diplômés en Union européenne, et hors Union européenne. « En 2010, les médecins étrangers représentaient 7,1% des effectifs contre 12,5% en 2023 », explique le Dr Mourgues.

Qui ajoute : « les médecins à diplôme étranger salariés sont mieux représentés dans les marges rurales et dans les centres péri-urbains, mais font preuve de plus de mobilités que leurs homologues diplômés en France. Selon leur spécialité, leur nombre varie. Ainsi, entre 2010 et 2023, le nombre de médecins généralistes étrangers a baissé de 17,6%, alors qu'il a considérablement augmenté dans les spécialités chirurgicales (+85,5%), ainsi que dans les autres spécialités médicales (+43,7%).

En 2010, les médecins étrangers représentaient 7,1% des effectifs contre 12,5% en 2023.

 

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