France – Lors du procès en appel du laboratoire Servier dans l’affaire du médiator, l’accusation, dans ses réquisitions, a demandé que le laboratoire soit condamné au remboursement des bénéfices tirés de la vente du Médiator, dont la prescription a entrainé la mort d’au moins 1500 patients.
Une nouvelle peine de 200 millions d'euros
Sans grand battage médiatique, le procès en appel du laboratoire Servier dans l'affaire du Médiator® se poursuit devant la cour d'appel de Paris depuis le 9 janvier dernier. Pour rappel, les laboratoires Servier ont été condamnés le 29 mars 2021, en première instance devant le tribunal correctionnel de Paris, pour "tromperie aggravée" et "blessures et homicides involontaires". Le laboratoire a alors été condamné à une amende de 2,7 millions d'euros (voir encadré).
Le 31 mai dernier, le parquet, lors de sa plaidoirie, a requis une peine plus importante contre les laboratoires Servier : 200 millions d'euros, dont 182 millions d'euros de "confiscation du bénéfice" tiré du Médiator. Cette peine, inédite en matière de tromperie, est justifiée par « la gravité des faits », a expliqué l'un des avocats généraux, Jean-Philippe Rivaud, estimant « dérisoire » le montant des amendes encourues.
Contre Jean-Michel Seta, ancien numéro 2 du groupe, le parquet a requis une peine de cinq ans d'emprisonnement dont deux ans ferme et une amende de 200 000 euros. Le laboratoire devra également répondre d’une nouvelle accusation : le fait d’avoir escroqué l’Assurance maladie, un délit dont les laboratoires avaient été relaxés en première instance, au grand dam de celle-ci.
Nouvelle accusation pour escroquerie
Courant avril, les avocats de Servier avaient plaidé qu'une des principales infractions reprochées au laboratoire, à savoir la tromperie aggravée, était prescrite. Une défense de Servier rejetée à six reprises, avait rappelé l'accusation. Les avocats de Servier faisaient valoir que le délai de prescription était de trois ans révolus à compter de l’ouverture de l’information judiciaire : en conséquence tous les faits commis avant le 18 février 2008 étaient prescrits.
L’accusation a, de son côté, expliqué que la tromperie aggravée est une infraction dissimulée, et que le point de départ de l’infraction est la date de découverte de l’infraction, soit lors de la publication du rapport de l’inspection générale des affaires sociales en janvier 2011.
La sécurité sociale a pour sa part réclamé le 25 mai dernier la somme de 490 millions d'euros, sachant que l’avocat évalue le préjudice à 486 millions d'euros pour le seul régime général d'assurance maladie : 349 millions d'euros pour le remboursement des boîtes de Mediator, 9 millions d'euros pour les échocardiographies prises en charge après 2009 pour dépister les éventuelles séquelles chez les patients et 128 millions d'euros pour les intérêts cumulés.
Le laboratoire devait plaider ce lundi 5 juin, mais le jugement de la cour d'appel de Paris ne sera rendu que le 20 décembre prochain.
Rappel des faits
Selon le jugement rendu en 2021, le laboratoire a délibérément ignoré les alertes qui en 1995 et 1999 auraient dû l'amener à cesser la commercialisation du Médiator, employé comme un coupe-faim, et qui a causé de nombreux décès et infirmités chez les patients à qui il avait été prescrit (Lire Scandale du Mediator : les laboratoires Servier et l’ANSM reconnus coupables). Lors de ce procès, Jean-Philippe Seta, ancien numéro 2 du groupe, était condamné à quatre ans de prison avec sursis. L'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a elle aussi été reconnue coupable de "blessures et homicides involontaires" et condamnée à 303 000 euros. Quatre anciens experts ont été condamnés à des peines de 12 à 18 mois de prison avec sursis assorties d'amendes au titre de "l'atteinte à la probité". Parmi eux, le Dr Claude Griscelli, ancien président de l'Inserm et concomitamment conseiller de Servier, qui avait influé sur le rapport de la mission d'information sur le médiator de 2011 de l'ancienne sénatrice Marie-Thérèse Hermange, pour présenter le laboratoire sous un jour favorable.
Servier a par ailleurs été condamné à indemniser les victimes à hauteur de 180 millions d'euros, dont 158 millions d'euros au titre de la tromperie aggravée - il faut aussi rappeler que ce procès ne "concernait" que 96 victimes, dont sept décès.
En revanche, l'assurance maladie, qui demandait une indemnisation pour escroquerie, n'a pas obtenu gain de cause. Autant le parquet que les laboratoires avaient interjeté appel de ce jugement.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Procès Servier en appel : l'accusation requiert le remboursement des bénéfices tirés de la vente du Médiator - Medscape - 7 juin 2023.
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