France – Comment pérenniser les missions du centre national d'appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA), créé en 2019 mais non renouvelé en 2021 ? Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publie un rapport qui formule vingt-six recommandations dans la perspective d’une meilleure prise en compte des principales préoccupations des étudiants en santé : précarité financière, violences de tous ordres, y compris sexistes et sexuelles, risques psychosociaux, conditions de travail en stage, etc.
Une structure qui a duré 2 ans
La qualité de vie des étudiants en santé (QVES) fait l'objet d'une préoccupation grandissante des ministères de la santé et de l'Enseignement supérieur et de la recherche au cours des dernières années. Des alertes répétées ont conduit ces deux ministères à confier une mission d'expertise sur le sujet à la Dre Donata Marra, qui a préconisé, entre autres mesures, la création d’une structure dédiée, le centre national d'appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA), dont elle a été nommée présidente pour deux ans.
En 2021, le mandat de cette structure n'a pas été renouvelée, car « la collaboration entre le CNA et les deux ministères s'est tendue », expliquent les auteurs d'un nouveau rapport de l'IGAS sur la qualité de vie des étudiants en santé.
Donata Marra expliquait pour sa part à nos confrères du magazine L'Étudiant que « pour que cela fonctionne, il faut qu'il y ait une réelle envie de la part de tous les acteurs ».
Les inspecteurs de l'IGAS font part de leur côté d'une « absence de propositions, de multiplication des alertes non constructives, d'absence de bilans d'activité », et d'une trop grande centralisation nationale de l'action du CNA. Bon gré mal gré, les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur ont néanmoins voulu pérenniser les missions du CNA en créant la coordination d'accompagnement des étudiants en santé (CNAES), sous la férule de la DGESIP (direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle) et de la DGOS (direction générale de l'organisation des soins). Une médiation nationale, temporaire, a également été mise en place. Ils ont confié à l'IGAS le soin de faire un bilan de l'action menée par cette nouvelle structure.
Progression du mal-être des étudiants
Fruit de cette volonté ministérielle de pérennisation des missions du CNA, le rapport dresse, dans une première partie, un état des lieux de la qualité de vie des étudiants en santé, avant de détailler les dispositifs en place pour prendre en charge et améliorer la QVES, pour enfin proposer des pistes d'amélioration.
Plutôt que de relancer une nouvelle enquête, la mission s'est appuyée sur les travaux d'ores et déjà menées par l'Anemf notamment, en 2018 et 2019, pour circonscrire la santé des étudiants. « Sans être méthodologiquement robustes, ces enquêtes ont montré clairement une progression du mal-être de ces étudiants, exacerbé par la crise liée au Covid et en particulier dû à cinq grandes sources : les violences sexistes et sexuelles (VSS), les risques psychosociaux (PRS), la précarité financière, les conditions de travail en stage, les addictions ».
En cause : les formations en distanciel, le manque de perspectives professionnelles pour certains métiers de santé (manipulateurs radio, préparateurs en pharmacie, techniciens de laboratoires, etc.), les tensions hospitalières actuelles...
Omerta sur les violences sexistes et sexuelles
Concernant les étudiants en médecine, les inspecteurs relèvent néanmoins des spécificités : pressions importantes, horaires intensifs, études longues, difficiles de changer d'orientation...
Les rapporteurs appellent donc à « penser les prochaines réformes des études de santé et le contenu des formations en évaluant et en prenant en compte leur impact sur la qualité de vie des étudiants en médecine ».
Concernant les violences sexistes et sexuelles, les rapporteurs de l'IGAS déplorent une certaine omerta sur ce phénomène, due à « une méconnaissance par les victimes des dispositifs mis en place, mais aussi à un manque de confiance [...] la crainte de représailles ».
La santé mentale des étudiants en santé est elle aussi préoccupante : « 28% des étudiants en médecine souffrent de dépression, 76% des étudiants en pharmacie ressentent un mal-être, un tiers des étudiants sages-femmes ne se sentent pas ou peu accompagnés, près de la moitié des étudiants en masse-kinésithérapie ne se sentent pas assez soutenus, 80% des étudiants en soins infirmiers déclarent que leurs études ont un impact négatif sur leur vie privée ».
La précarité financière touche aussi les étudiants en santé : « un peu plus de 13% des déclarants en santé ont indiqué rencontrer de fortes ou de très fortes difficultés financières contre près de 20% de l'ensemble des étudiants ».
Cause de ces difficultés : coûts d'inscriptions élevés, logements onéreux, achats de matériels coûteux, impossibilité d'avoir un job étudiant, éloignement des services du CROUS (logement et restauration)...
La période des stages est souvent mal vécue par les étudiants en santé : « plusieurs internes auditionnés ont regretté l'absence de disponibilité de médecins "seniors" lors de certaines de leurs gardes ».
Dans les recommandations de l’IGAS concernant la formation et les stages, certaines devraient s’appliquer dès que possible ou à la rentrée 2022, comme la mise en place d’une journée d’accueil par an pour les étudiants et stagiaires, la fourniture d’un livret d’accueil, la mise en place d’un temps d’information sur les devoirs des futurs encadrants de stagiaires, la mise en place d’un processus de repérage des étudiants et difficulté, l’évaluation systématique des services de stages et de formation ou encore la signature d’une charte enseignants-étudiants-encadrants sur le lieu de stage.
Enfin, les addictions (tabac, alcools, cocaïne, protoxyde d'azote, méthamphétamine/ecstasy, psychotropes...) se sont renforcées depuis la pandémie de Covid. Certaines études établissent, par exemple, que les étudiants en médecine sont consommateurs de cannabis pour 15% d'entre eux, et 5% sont des sujets dépendants.
L’IGAS appelle donc à « adopter une Plan Impactant Structuré contre les Addictions (PISA), spécifiquement conçu pour les étudiants en médecine ».
De nombreuses initiatives mais dispersées et méconnues des principaux intéressés
Si les initiatives pour remédier à ces problèmes sont nombreuses, elles sont aussi "dispersées" et manquent de coordination. Le CNA avait même commencé à construire un réseau de référents pour les RPS des étudiants en santé. « Il est donc en théorie possible d'identifier, au niveau local, régional, et national : des référents VSS, des référents CNA, des référents RPS, des référents QVT, des assistantes sociales, des médecins du travail, des médecins des services de santé universitaires ».
Néanmoins, notamment pour les filières paramédicales, l'identification de ces référents reste parcellaire. Un autre dispositif qui mérite d'être connu est la plateforme d'écoute auquel est adjoint un numéro vert (0800 724 900), et qui est maintenu de manière transitoire. Cette plate-forme n'a que très peu d'activité, du fait d'une absence de notoriété.
Les inspecteurs de l'Igas, dans le cadre de la relance des activités du CNA au sein du CNAES, ont donc proposé diverses initiatives : mise en place d'un site d'information, formation de l'ensemble des acteurs concernés, procédures transparentes de traitement des situations...
En tout et pour tout, la mission a émis 26 recommandations, portant tant sur l'impact des réformes des études de santé, que sur la formation des encadrants, l'information des futurs étudiants, la structuration du réseau de référents, l'évaluation et le suivi...
Les inspecteurs insistent notamment sur la nécessité d’agir simultanément selon les trois axes « qualité de vie des étudiants en santé », « attractivité pour les métiers de santé » et « qualité de vie au travail à l’hôpital » afin d’engager une dynamique vertueuse et obtenir les effets positifs escomptés.
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Citer cet article: Qualité de vie des étudiants en santé : comment faire mieux ? - Medscape - 6 juin 2023.
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